10. Claude Frollo
Chapitre 10 – Claude Frollo
Il lui semblait que des heures venaient de s'écouler quand Emma sentit la douleur s'apaiser. Sa tête lui tournait, elle avait l'impression qu'elle allait s'écrouler à tout moment. Elle ne savait pas ce qu'avait provoqué en elle le sérum injecté par Hyde peu de temps auparavant – la nuit précédente, mais la blonde n'avait pas la notion du temps – mais elle avait eu l'impression terrible que tout son corps se consumait lentement. Elle était comme rongée de l'intérieur par un feu dévorant.
Haletante, elle essayait de calmer sa respiration, avec la volonté de s'éclaircir au mieux l'esprit. Elle se devait d'avoir les idées claires, car il était hors de question qu'elle reste enfermée ici une seconde de plus. Emma ne savait pas clairement ce que souhaitait obtenir Hyde d'elle, mais elle ne comptait pas le laisser faire. Elle s'était toujours sortie de situations dingues, cette fois-ci ne ferait pas exception. Elle ne pouvait pas attendre qu'on vienne la délivrer, il fallait qu'elle sorte d'ici avant que les autres ne se mettent en danger pour elle.
Elle parvint difficilement à se calmer, car tout son corps souffrait atrocement du traitement qu'elle venait de subir, et sa gorge la tiraillait. Les yeux grands ouverts dans le noir, elle essaya de se souvenir de ce qu'elle avait aperçu à chaque fois que Hyde pénétrait dans la pièce. Elle n'avait, techniquement, aucune chance de sortir d'ici seule.
Se sentant impuissante, la blonde tira violemment sur les chaînes qui la retenaient prisonnière, meurtrissant ses poignets dénudés. Elle laissa retomber sa tête en arrière en soufflant et ferma les yeux dans l'espoir de trouver subitement une solution à son problème. Le silence qui l'entourait semblait épais et impénétrable, il lui semblait que cela faisait une éternité qu'elle était retenue ici. Sa famille devait la chercher sans relâche, les connaissant...
Elle repensa à la crainte de Killian, quand il la regardait partir travailler, comme si c'était la dernière fois qu'il la voyait, de peur de la perdre à nouveau. Il devait être terrifié et inquiet, et Emma se dit qu'elle aurait été dans le même état si le pirate avait disparu devant ses yeux sans qu'elle puisse y faire quoi que ce soit. Elle gémit de frustration. Il devait y avoir une solution !
- Maudites chaînes, grogna-t-elle en secouant de nouveau ses poignets.
- Ce n'est pas comme ça que tu te sortiras d'ici, murmura une voix.
Emma sentit son sang se glacer et cessa tout mouvement.
- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle, ses yeux grands ouverts dans le noir, cherchant à percer l'obscurité pour identifier la personne qui avait parlé.
- Ça n'a aucune importance. L'important, c'est que je vais t'aider à sortir d'ici.
- Quoi ?
Elle était perdue. Elle ne pouvait voir la personne qui était présente, elle n'entendait que sa voix, claire et féminine. Elle était pourtant certaine qu'il n'y avait eu personne d'autre qu'elle-même, ici ! Se pouvait-il que... ?
Avec méfiance, elle demanda :
- Comment allez-vous m'aider à faire ça ?
- Comme ça.
En disant ces mots, une brise magique se répandit dans l'espace clôt, et ses chaînes disparurent instantanément. Ebahie, Emma regardait ses mains libres dans le noir, avant de masser ses poignets meurtris. Elle se releva ensuite précipitamment et perdit l'équilibre dans sa hâte, trébuchant sur ses propres pieds. S'appuyant contre la porte pour se redresser de nouveau, elle grimaça en sentant son corps protester sous l'effort, sa tête lancinante : il fallait qu'elle agisse vite.
- Merci, murmura-t-elle, hésitante, en se retenant avec le mur derrière elle.
Personne ne lui répondit. Etait-elle devenue folle ? ou était-ce une illusion créée par Hyde ? Emma secoua la tête pour se remettre les idées en place : quoi qu'il en soit, elle n'avait pas le temps d'y réfléchir.
Elle y penserait quand elle serait enfin libre.
**
- Vous pensez qu'elle peut... atteindre son double de cette manière ? demanda Snow en fronçant les sourcils.
Frollo leur avait expliqué qu'il était un alchimiste, avant d'être banni par Quasimodo, Phébus et Esméralda, en 1492. Snow, qui connaissait son histoire par le biais de Disney : Le Bossu de Notre-Dame, avait été choquée d'entendre cela, sachant comment terminait le personnage à la fin de l'histoire. L'homme avait voulu en savoir plus sur ce qu'elle connaissait de lui, et avait fini par expliquer qu'il n'était pas Juge mais Archidiacre, et un alchimiste ayant des penchants pour les Sciences Occultes. C'était d'ailleurs son intérêt croissant pour ces sciences qui lui avait permis de reconnaître le haricot magique dans la Cour des Miracles.
Regina et Snow étaient ainsi restées avec lui une grande partie de la mâtinée et, bien qu'à contre cœur pour la première, elles avaient fini par raconter à Frollo ce qui les menaient ici. A leur grand étonnement, il s'avérait que l'homme avait participé aux travaux d'Hyde et Jekyll, séparément, et en connaissait assez sur leurs recherches pour pouvoir les aider. C'était du moins ce qu'elles espéraient – mais, comme l'avait judicieusement fait remarquer Snow, c'était leur dernière option.
- Normalement, oui. Il faut savoir que lorsqu'on est soumis à un dédoublement de soi, il n'en reste pas moins que nous sommes toujours lié à notre autre, il est difficile de s'en séparer, répondit Frollo. Je suis impressionné que le Docteur soit enfin parvenu à créer deux entités distinctes d'une même personne, cela dit je ne m'attendais pas à ce que cela pose autant de problèmes...
- A qui le dites-vous, répliqua Regina.
La Reine était assise contre l'arbre – elle avait bien sûr accepté avec des réticences – après que l'archidiacre leur ait expliqué comment il allait procéder pour permettre à Regina d'atteindre son double qui, si leurs théories s'avéraient justes, était bien vivant et rallié à Hyde. Ils pourraient enfin retrouver Emma. Devant la brune se dressait ainsi un haut feu dans lequel Frollo avait jeté quelques ingrédients qu'il possédait ou avait volés dans son monde, le faisant crépiter ou parfois changer de couleur.
L'homme prononçait des formules dans une langue qu'elles ne connaissaient pas, et Regina était perplexe quant au soi-disant savoir-faire de Frollo : elle ne lui faisait pas du tout confiance. Mais son amie était en danger, et en désespoir de cause, c'était bien la dernière chose qu'il leur restait à faire, si Hook et David ne trouvaient rien au Nord de Storybrooke. Elle soupira discrètement et ferma les yeux pour se concentrer sur la Méchante Reine, comme le lui avait demandé Frollo.
Elle pouvait sentir son aura, son essence, sa magie, tout près d'elle. Au fur et à mesure, elle parvint à faire abstraction de la voix de l'homme qui continuait à psalmodier, ne devenant qu'un lointain murmure. Devant ses paupières closes, Regina parvenait à percevoir la Méchante Reine, sa cruauté et sa vilénie, et elle en frémit tant la sensation était désagréable. Elle avait vraiment pensé s'être débarrassé d'elle pour toujours... la réalité avait un goût amer.
- Ça ne fonctionne pas, finit-elle par dire après avoir rouvert les yeux, écartant ses bras dans un geste qui voulait dire « vous vous foutez de moi ? ».
- Vous devez réessayer, répondit Frollo en se penchant vers elle, plantant son regard perçant dans le sien. Il faut que vous sentiez pleinement votre double en vous, jusqu'à percevoir ses émotions.
- Et vous pouvez me dire en quoi votre petite flamme va m'aider ? répliqua-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine, un sourcil relevé.
- Ça permet de faire une connexion spirituelle avec vous-même, ça ouvre une sorte de porte vers votre autre, dit l'homme d'un air savant, la toisant avec dédain, piqué par la ténacité de la Reine.
Cette dernière leva les yeux au ciel avant de regarder Snow qui l'observait, espérant pouvoir l'aider. Elle n'aimait pas du tout que Regina ait à établir un lien avec la Méchante Reine, après tout ce qu'elle avait fait pour s'en séparer. Et puis... elle avait déjà beaucoup trop subi, la mort de Robin portant la cruauté du Destin à son apogée.
La jeune femme soupira avant de refermer les yeux avec fermeté, ses mains formant des poings posées sur ses genoux. Elle allait y arriver, il le fallait. Elle tenta donc de prendre possession de son double, de le réintégrer ou de l'intégrer en elle, de lui appartenir, comme si elle n'était qu'un autre qu'elle connaissait autant qu'elle-même.
Ses actes avaient été les siens, ses paroles prononcées par ses lèvres, sa cruauté lui appartenait. Tout le Mal dont elle avait été responsable était sien, et la sensation lui était plus que familière.
Snow regardait Regina avec de plus en plus d'inquiétude. Accroupie à côté de Frollo, elle les observait alternativement, priant pour que son amie parvienne à établir la connexion avec la Méchante Reine afin qu'ils puissent retrouver Emma, tout en se sentant coupable de ne rien pouvoir faire de plus : cette solution, bien que cruelle, semblait être la seule issue.
- Vous pensez que ça va marcher ? murmura-t-elle sans la lâcher du regard.
- Je l'espère.
- Pourquoi faites-vous ça ? Pourquoi nous aidez-vous ? finit-elle par demander en se tournant vers lui.
- J'ai mes propres comptes à régler, dit-il d'une voix basse en fixant les flammes qui dansaient, éclairant son regard d'une lueur vengeresse.
- Qu'est-ce qui vous est vraiment arrivé ? insista-t-elle en faisant référence à l'histoire qu'elle connaissait de lui, ce qu'il comprit.
- J'ai été faible, répondit Frollo après un temps, les yeux perdus dans le vague. Je me suis laissé attendrir par la gitane Esméralda... elle est l'Emeraude que cherchent tous les alchimistes, vous le saviez ? L'ingrédient secret de la sapience, ce à quoi tout homme aspire.
Il soupira un instant, sa mâchoire frémissante. Il avait l'air de se souvenir de quelque chose de peu agréable.
- J'ai... cherché à l'avoir, tout en me mentant. Je n'avais pas compris que ce que j'éprouvais était du désir pour elle. Elle m'a rendu fou, m'a poussé à devenir un autre homme, trop éloigné de celui que j'étais et voulais être... Je suis devenu amer, et mauvais. Je voulais simplement l'éloigner de moi, tout en la désirant sincèrement.
Frollo secoua lentement la tête avant de fermer brièvement les yeux. Il se souvenait de la bohémienne et de son corps envoûtant, ses cheveux d'ébènes qui lui frôlaient le visage et son regard ensorcelant. Il avait désiré cette femme plus que tout, au point d'en oublier ses principes et ses valeurs, son travail, son devenir, faisant abstraction du monde qui l'entourait.
Cette sorcière aurait dû payer pour le charme qu'elle lui avait lancé.
- Et puis j'ai été banni par Quasimodo et cette gitane.
- L'histoire dit pourtant que vous êtes mort...
- C'est vrai ? fit-il sans la regarder, pas vraiment étonné.
- Oui. Et Phébus s'est marié avec Esméralda.
- Vraiment ? répliqua Frollo en lui jetant un regard en coin, clairement amusé par une chose que lui seul comprenait.
Snow hocha la tête. Elle avait du mal à comprendre les mystères qui entouraient cet homme, mais voyait bien que son histoire était totalement différente de celle qu'elle connaissait. Elle commençait à éprouver de la compassion à son égard, un peu malgré elle. Par ailleurs, son aide pourrait s'avérer précieuse selon les plans de Hyde et si, en premier lieu, il réussissait à les aider à retrouver sa fille.
Le regardant alors qu'il fixait le feu, elle se rendit compte qu'elle était touchée par la souffrance qui émanait de l'homme, sans savoir que c'était exactement ce qu'il attendait d'elle...
**
Avançant parmi les fourrés qui s'emmêlaient sur le sol, la Méchante Reine se fraya un chemin dans les buissons sauvages avant d'arriver devant un grand talus de fougères. Souriant avec dédain malgré sa robe qui s'accrochait aux branches, elle poussa les plantes devant elle d'un geste de la main et celles-ci s'écartèrent pour découvrir une vieille porte en bois dont l'anse en fer était rouillée. Elle s'en saisit, tourna la tête derrière elle pour vérifier que personne ne la suivait, puis ouvrit la porte et pénétra dans cette maison cachée.
La porte se referma et les fougères se replacèrent devant la porte qu'elles avaient dévoilée, gardant ce lieu secret.
La Méchante Reine éclaira le petit couloir qu'elle suivait en embrasant une petite lampe à huile pendue au plafond rongé par le temps, avant d'arriver dans une pièce très étroite comportant un semblant de bureau jonché de parchemins et de crayons de bois, ainsi qu'un divan griffé et éventré. Il n'y avait pas de fenêtres, ce qui rendait l'endroit très sombre.
Esquissant une grimace dé dégoût, elle avisa Hyde qui avait revêtu sa redingote et s'apprêtait à sortir. Quand il la vit, il lui offrit un sourire condescendant qui ne le fit paraître que plus cruel.
- Regina, que me vaut l'honneur de ta visite ?
- J'ai fait ce que tu m'as demandé, répondit-elle, dédaigneuse. A toi d'honorer ta part du contrat.
- Le cœur ? demanda-t-il pour s'assurer qu'elle avait exécuté ses ordres.
- Là où tu me l'as demandé, mais tu ne le récupèreras pas sans mon aide. Donc si tu ne tiens pas ta parole...
Elle eut un petit sourire suggestif en haussant un sourcil, et tous deux se toisaient avec ironie, sachant très bien qu'ils ne pourraient se duper l'un l'autre.
- Très bien, allons-y, alors.
Il lui proposa son bras, à la manière d'un gentleman, qu'elle prit non sans réticences, avant de le suivre à l'extérieur.
**
Regina ouvrit subitement les yeux en aspirant une longue goulée d'air. Snow réagit immédiatement et se précipita vers elle, plaçant ses mains sur ses épaules pour la soutenir.
- Regina, tu vas bien ? lui demanda-t-elle avec inquiétude.
- J'y étais, je..., répondit-elle en reprenant peu à peu ses esprits.
C'était une expérience pour le moins éprouvante : elle s'était retrouvée, l'espace de quelques minutes, dans le corps d'une autre, une autre qui était à la fois elle-même et une étrangère. C'était comme se détacher d'elle-même, de se retrouver, après avoir quitté quelqu'un qui n'était autre que nous-mêmes. Un enchevêtrement de sentiments contradictoires lui étreignait la poitrine, et elle se sentait un peu perdue.
Décidant de se reprendre en main, elle se redressa, avec l'aide de Snow qui la toisait avec inquiétude, attendant une réponse de sa part.
- Je n'ai pas vu Emma, mais j'ai vu où se cachaient Hyde et... euh, la Méchante Reine, dit-elle en secouant la tête face à l'incongruité de la situation.
- J'appelle David, répondit seulement Snow, fébrile : ils allaient enfin retrouver Emma.
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