∞ Chapitre 9 ∞
Multimédia : Esteban :)
Le vent qui fouette mon visage et fait voltiger mes cheveux me fait du bien. Je crois que je ne pourrai pas vivre dans une grande ville, voiture, pollution, bruit,... Non, je ne pourrai pas. Mon téléphone continue de nous transporter avec sa légère musique. Avec ce calme, j'entendrai presque les battements de cœur d'Esteban. Il contemple le ciel, un sourire aux lèvres. Il peut être tellement gentil, puis basculer dans un enfermement incontrôlable. Je me redresse en entendant du bruit. Une petite silhouette a fait son apparition devant nous. Le lapin de l'autre jour est revenu. Je lui souris et tends ma main en signe de paix. Il approche doucement, et s'assoit devant moi, le laissant caresser son pelage gris. Il est si mignon.
- Esteban, chuchoté-je. Redresse-toi doucement.
Il s'exécute, s'extirpant de ses rêves, et regarde le lapin avec étonnement.
- Tu t'appelles Blanche-Neige ou quoi ? Dit-il en souriant.
Je me retiens de rire et le regarde approcher doucement sa main du lapin. Ce dernier semble au premier abord apeuré, puis finit par se laisser faire.
- Non, je crois que c'est toi, dis-je en souriant.
Le lapin continue d'avancer et saute sur mes genoux, je souris. Ce moment est magique. Tout est calme, même les nuages ont disparu, laissant place à un magnifique soleil qui plonge la forêt dans un bain de couleur éclatantes. Je regarde Esteban, le sourire aux lèvres. Mais pas le sourire qui veut dire « Je suis plus fort que tout le monde. », c'est plutôt qui veut dire « Et oui j'ai un cœur, mais je ne préfère pas le montrer. »
- Pourquoi n'es-tu pas tout le temps comme ça ? Demandé-je en le fixant de mes yeux noisettes.
- Je ne sais pas, je n'aime pas paraître faible aux yeux des autres, répond-il sans quitter le lapin des yeux.
- Avoir un cœur, et le montrer, n'est pas une preuve de faiblesse, au contraire, dis-je en posant le lapin sur le tronc d'arbre avec délicatesse.
- Je n'ai pas de cœur, tu devrais l'avoir compris, dit-il en posant ses yeux bleus sur moi.
- Tout le monde a un cœur, et des sentiments !
- Et bien moi non ! Arrête de vouloir me connaître, tu risquerai de souffrir ! Dit-il, une lueur rageuse dans les yeux.
- Esteban, je sais pour tes parents, dis-je d'une petite voix.
Il m'impressionne lorsqu'il est en colère. Même quand il ne l'est pas d'ailleurs.
- Tu ne sais rien, dit-il en serrant les dents. Personne ne le sait.
Il semble en colère, et... triste à la fois. Je tente de lui sourire. Le lapin a détalé comme la première fois.
- Esteban, tu peux me parler, dis-je en le regardant dans les yeux.
- Non.
- Je ne suis pas une de ces putes qui te tournent autour ! Dis-je en me levant, lui arrachant l'écouter de l'oreille au passage.
- Je n'ai jamais dit ça, dit-il visiblement touché.
- Alors prouve-moi que je peux avoir confiance en toi, et que tu peux avoir confiance en moi.
- Je ne peux pas Anna, dit-il en baissant la tête.
- J'en ai marre !
Je fais demi-tour et je descends de ce pont que je considère comme maudit à présent. Je marche, sans écouter les répliques d'Esteban. Il m'énerve. J'essaye d'être gentille avec lui, de l'aider, et il m'envoie bouler. Je m'assois au pied d'un arbre et regarde les racines sortir de terre pour se mêler les unes aux autres, afin de ne former plus qu'une. Je soupire, la musique à fond dans les oreilles. Être un lapin semble si simple. Tu vis, tu cours toute la journée, tu fondes une famille, tu vas voir les humains pour des caresses, et tout ça, sans dispute, sans coup de gueule.
- Anna !
Je devine de qui il s'agit sans même me retourner. Je ferme les yeux, et essaye de canaliser ma colère, afin de la garder pour Emma, si jamais elle m'énerve.
- Quoi ?
- Je suis désolé.
- Non ! Tu es toujours désolé, mais au final, tu me fais plus mal que la fois précédente, dis-je en me levant.
- Je sais, mais...
- Ton problème Esteban, c'est que tu veux que tout le monde t'aime, alors que tu sais pertinemment que tu vas les détruire, parce que toi tu n'aimes personne !
Je sens un poids se soulever. Ça fait du bien de dire ce que l'on pense.
- C'est vraiment ce que tu penses ? Dit-il visiblement attristé.
- Oui, c'est la vérité Esteban, regarde autour de toi, les personnes te fuient, elles ont peur de toi, parce qu'elles savent que tu peux les détruire mentalement. Je refusais de les croire, je pensais que tu étais quelqu'un d'adorable. Tu peux l'être parfois, mais tu passes ton temps à te renfermer, je ne peux pas essayer d'aider un garçon en pierre.
- Anna, dit-il en avançant. Je n'arrive pas à laisser mes sentiments se voir, je n'aime pas ça, parce que tout le monde me rejette justement. Quand une personne, aussi adorable soit-elle, essaye de devenir amie avec moi, je ne peux m'empêcher de me méfier, avoue-t-il.
J'avance jusqu'à lui et le regarde, les yeux plongés dans les siens.
- Fais-moi confiance, murmuré-je doucement.
- Je ne peux pas Anna, pas tant que tu ne me connaîtras pas entièrement. Si tu peux encaisser toute mon histoire, là je pourrai te faire confiance, dit-il les yeux mouillés.
Une larme s'échappe, et glisse le long de sa joue. Je l'essuie, je déteste voir les gens pleurer, et le regarde.
- Je t'écoute, dis-je en le regardant.
- Peut-on retourner au pont ? Demande-t-il en souriant tristement.
Le genre de sourire qui veut dire « Je suis sincère, malgré tout. ». Je le suis jusqu'au pont maudit, et escalade les rochers à sa suite. Je m'assois en face de lui, et enlève mes écouteurs pour l'écouter attentivement. Il hésite, je le vois dans ses yeux. Je ne le connais peut-être pas très bien, mais je sais reconnaître les signes d'hésitation chez lui.
- Bon, dit-il. Si je suis comme ça, c'est parce que ça remonte à des années, des années que je ne me confie plus à personne, des années que ça m'est arrivé. Tu sais quand on était en maternelle, on était amis ? Et bien, ça a commencé à ce moment-là. Ma mère avait perdu son emploi, et désespérée, elle était sortie avec un dealer, qui lui donnait sa came tous les soirs. Quand, je rentrais, tout seul, je la trouvais allongée sur le canapé, presque morte. Le soir où ça a commencé, c'était pour l'anniversaire de mes quatre ans. J'étais rentré, heureux, j'avais passé une bonne journée. Tu te rappelles ? Tout le monde m'avait offert des cadeaux. (Il sourit.) Puis, en rentrant, je suis tombé nez à nez avec le dealer de ma mère. Il tenait une batte de baseball dans la main. J'ai regardé ma mère, sur le canapé, elle ne bougeait pas. Elle était défoncée, comme tous le soirs. Je me suis précipité vers elle, mais elle n'avait rien. Sans comprendre ce qu'il se passait, je me suis retrouvé au sol, la tête la première. L'homme qui était habillé tout en noir, est venu vers moi, et m'a donné un coup de batte dans le genou. Il était cassé, c'est pour ça que le lendemain, j'avais un plâtre. Ma mère avait dit que j'étais tombé en jouant au foot. Je déteste le foot ! Et ça recommençait tous les soirs, jusqu'au jour où l'assistante sociale a remarqué les bleus et les ecchymoses que j'avais partout sur le corps. J'ai toujours des traces, dit-il en relevant son tee-shirt pour me montrer une énorme trace noire le long de son dos. Ma mère lui avait répondu que j'étais un bon à rien, qu'il fallait me frapper pour que je travaille, qu'elle n'avait jamais voulu de moi. Heureusement l'assistante sociale a eu l'idée de me placer en foyer, puis en famille d'accueil. Depuis, je n'arrive pas à faire confiance aux personnes qui m'entourent, je pense que tu peux le comprendre.
Son histoire est horrible. Comment une mère peut-elle laisser son enfant se faire battre par un dealer armé d'une batte de baseball. Je sens les larmes couler, et sans réussir à m'en empêcher, je me jette à son cou. Comme sa mère aurait dû le faire quand il était petit. Il enserre mon dos de ses bras puissants et pleure contre mon épaule. Je n'arrive pas à comprendre que personne n'est rien vu avant.
- Je suis tellement désolée, dis-je en retenant un sanglot.
- Ce n'est pas de ta faute. Merci de m'avoir écouté.
- De rien, dis-je en me séparant de lui.
Je le regarde et imagine le petit garçon que je connaissais se faire jeter au sol comme une vulgaire poupée de chiffon. Je me promets à moi-même que plus jamais quelqu'un posera la main sur lui. Il me sourit, les larmes coulant, sur ses joues rosies par le froid et l'eau salée venant de ses yeux.
∞
Un long chapitre <3 Qu'en pensez-vous ? L'histoire d'Esteban est-elle ce à quoi vous vous attendiez ? :)
J'espère que vous avez aimé ce chapitre, comme les précédents d'ailleurs :)
Je voudrai remercier - kaya2504 et - selmasalvaatooree pour tous les messages vraiment adorables qu'elles m'envoient, les commentaires adorables qu'elles font, et tous les votes qu'elles font <3 Merci à tous <3
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