Chapitre 36

EDEN

Je viens de donner les clés à la voisine, qui les remettra au proprio' pour moi.

C'est donc officiel : je n'habite désormais plus ici.

Ça m'a fait bizarre de voir l'appartement complètement vide quand j'y suis repassé ce matin. Je me suis alors rappelé emménager ici, seul et paumé, la tête vide et le cœur brisé. Je n'avais aucun projet, aucun avenir.

Et voilà que maintenant je suis amoureux, j'ai gagné mon procès, j'ai de nouveaux amis et je pars à Singapour. C'est incroyable, je ne réalise pas du tout ce qui m'arrive.

Les mains dans les poches, j'entre doucement dans l'appartement de Callisto. Quand je suis parti elle dormait encore, et j'ai fait tout mon possible pour m'éclipser sans la réveiller. Désormais je ne rêve plus que d'une chose : l'embrasser doucement et la regarder papillonner des paupières, d'une beauté irréelle. Elle croit toujours être laide au réveil mais en réalité, c'est tout le contraire ; c'est là qu'elle est la plus naturelle, la plus simple. Elle n'est peut-être pas coiffée ni maquillée – quoique ça ne lui arrive quasiment jamais même en plein jour –, mais je la trouve toujours magnifique.

Je crois que c'est l'amour qui parle.

En passant, j'essaie encore de digérer ma déclaration ratée d'hier soir. Je crois qu'elle n'était pas encore prête à me dire qu'elle m'aimait aussi, mais j'ai vu dans ses yeux qu'elle le pensait. Et étonnamment, pour l'instant ça me suffit ; je ne veux pas qu'elle se sente obligée de me le dire, je veux qu'elle le pense réellement.

Quand j'ouvre doucement la porte de sa chambre, je la découvre en train d'enfiler un t-shirt en même temps d'essorer ses cheveux au-dessus d'un vase. Surpris, je m'accoude au chambranle de la porte et la regarde s'activer, plus amusé que déçu de ne pas avoir pu la réveiller comme je l'avais prévu.

Callisto semble complètement paniquée et enfile des chaussettes dépareillées sans même s'en rendre compte. Elle lace ensuite ses chaussures avant de se rendre compte qu'elle n'a pas mis de pantalon et les retire en jurant. Ensuite, elle se met à sautiller sur place pour enfiler son short plus rapidement mais malheureusement, elle saute un peu trop près de sa table de chevet et se cogne le petit orteil dans le coin de la petite table.

Oups, c'est probablement le moment d'intervenir.

— Déjà debout ? commenté-je, amusé.

En entendant ma voix, Callisto sursaute avant de poser une main sur son cœur, les paupières closes.

— Mon dieu, tu es là, souffle-t-elle.

— Où voudrais-tu que je sois ?

Je m'accroupis près d'elle, mes mains sur ses genoux. Elle a les joues rosies par l'effort et ses cheveux mouillés dégoulinent sur son t-shirt blanc, le rendant à moitié transparent.

— J'ai cru que tu étais parti, dit-elle en passant une main dans mes cheveux.

Je penche la tête en fronçant les sourcils.

— Sans te dire au revoir ? Tu me crois sincèrement capable de faire un truc pareil ?

Elle secoue la tête en se mordant la lèvre.

— Non, et c'est pour ça que ça m'étonnait.

Puis, doucement, elle murmure :

— Merci d'être là.

Et elle me serre brièvement contre elle, soulagée.

Quand nous nous écartons, je lui propose de prendre son temps pour finir de se préparer tandis que je vais préparer le petit-déjeuner. Elle me sourit d'un air reconnaissant et file dans la salle de bains pour se sécher les cheveux tandis que je me glisse dans la cuisine, où je trouve Clément en caleçon en train de boire un grand verre d'eau.

— Salut, dis-je en l'apercevant.

Il manque de s'étouffer avec un glaçon et, effrayé, il finit par le recracher dans l'évier en toussant.

— Merde, désolé, dis-je en venant lui taper le dos.

Il lève une main, les paupières closes.

— Tu m'as fait une peur monstre, mec.

Je m'empêche de rire et lui lance une moue désolée avant de m'approcher du frigo en demandant :

— Tu dormais sur le canapé ?

Clément se racle la gorge et sort une poêle de l'un des placards en répondant :

— Euh ouais, ouais.

Amusé, j'arque un sourcil derrière la porte du réfrigérateur en commentant :

— C'est marrant, je ne t'ai pas vu en allant rechercher quelques affaires chez moi ce matin.

Piégé, il secoue la tête et me regarde déposer plusieurs avocats sur le comptoir et sortir des épices du placard en cherchant ses mots.

— Je sors avec Camélia, en fait. Enfin, je crois, finit-il par admettre.

Au moment où je m'apprête à lui répondre, une brune bien connue apparaît et pointe un index accusateur vers le brun en s'exclamant d'une voix remplie de reproches :

— Je le savais !

Camélia débarque alors dans la cuisine, les bras croisés sur sa poitrine. Clément semble désemparé et se frappe le front, visiblement dégoûté de s'être cramé tout seul.

Coup dur, pensé-je.

J'avoue que ce n'est pas beau de se moquer, mais je dois dire que la situation est hilarante ; on dirait l'une de ses scènes à mourir de rire tirées de la série F.R.I.E.N.D.S.

— Je te dis de garder ça secret et toi tu le balances à Eden comme ça ? l'accuse-t-elle en croisant les bras.

— Il avait deviné, m'engueule pas !

Elle se tourne vers moi telle une tornade, me fusillant du regard au passage. Elle me fait penser à Avril, je comprends très bien pourquoi est-ce qu'elles s'entendent aussi bien.

— Pour sa défense je crois que tout le monde a déjà deviné, répliqué-je.

Camélia soutient mon regard un instant de plus et pousse un soupir avant de me rejoindre derrière le comptoir.

— Garde-ça pour toi pour l'instant, tu veux ? Je veux le dire moi-même à Callisto.

J'acquiesce avec un petit sourire.

— Elle va être contente, répliqué-je.

Camélia semble l'être aussi, alors j'évite de gâcher le moment en précisant que ça risque d'être en partie car elle m'avait parié vingt euros qu'ils couchaient ensemble depuis un bout de temps.

— Tu lui fais son petit-déjeuner ? demande finalement la brune en baissant les yeux sur mes mains, qui coupent et découpent à toute vitesse.

— Des toasts avocat-épices, je crois qu'elle aime ça.

Le regard de Camélia brille quand elle me répond avec un geste de la main :

— Tu plaisantes ? Elle tuerait quelqu'un pour avoir l'occasion de manger ça tous les matins !

Amusé, je termine de tartiner mon pain de ma mixture tandis qu'elle s'éloigne vers sa chambre, non sans lancer à Clément un sanglant :

— Prends-en de la graine !

Celui-ci se contente de pousser un long soupir.

Dans mes rêves, quitter Paris et tout ce que je connais ici était bien plus simple que ça.

Maintenant que je suis sur le départ, confortablement installé dans la voiture de Sacha, je me sens un peu nostalgique. Je repense à tous les beaux souvenirs que j'ai vécu ici au fur-et-à-mesure que nous traversons la capitale, la gorge nouée.

Quand nous passons devant le gymnase, je me rappelle ma première rencontre avec Eliot, Levi et Joachim. Ils m'ont promis de m'appeler chaque semaine pour me débriefer les matchs de l'équipe, tous plus enthousiastes les uns que les autres à l'idée que je parte vivre de nouvelles aventures. Ils ont tout de suite compris pourquoi j'avais accepté de partir là-bas et n'ont pas semblé penser une seconde que ça pouvait être une erreur, ce qui m'a fait énormément de bien. Et puis, notre dernière sortie cette semaine n'a pas été triste : elle était exactement comme d'habitude, juste comme je l'avais rêvé. Et en partant on s'est contentés de note check habituel, comme si on allait se revoir le lendemain.

Nous passons aussi devant la piscine où j'avais emmené Callisto en plein hiver. Quand je repense à nos chamailleries dans le bassin, un sourire indélébile se dessine sur mes lèvres.

En parlant de Callisto, elle vient de poser sa tête sur mon épaule. Elle n'a pas souri une seule fois depuis que nous avons quitté son appartement, se contentant de me regarder d'un air triste avec les yeux humides. Je déteste cet air, mais je ne me sens pas capable de lui demander de faire un effort et de se forcer à sourire. C'est déjà assez difficile comme ça et finalement, je préfère qu'elle soit sincère avec moi du début à la fin.

Et puis, un sourire forcé, ce n'est pas vraiment un sourire.

Par la fenêtre, les immeubles défilent et l'un ressemble à s'y méprendre à celui dans lequel vivent Sasha et Avril. Ils rient tous les deux à l'avant de la voiture et les voir aussi heureux me réchauffe le cœur. Sasha n'a pas vraiment compris ma décision, mais il a vite été convaincu par Avril ; de toute façon, elle est très douée pour ça. Et puis, je les reverrais pour leur mariage dans moins de deux mois. Même si c'est une date relativement proche, ils m'ont fait promettre de venir les voir avant.

D'après Sasha, un témoin se doit d'aider le marié dans tous les préparatifs. J'ai encore du mal à me faire à l'idée que mon meilleur ami – soit la personne la plus maladroite et immature au monde – va véritablement se marier avec ma meilleure amie – soit la personne la plus bornée et rigoureuse au monde. Mais bon, j'imagine que j'ai encore le temps de m'y habituer.

Et puis, Avril et lui sont faits pour être ensemble. C'est eux deux envers et contre tout, pour toujours. Ça a toujours été comme ça et ça le restera.

Et c'est con, mais savoir qu'ils arrivent toujours à tout surmonter ensemble me fait penser que moi aussi, j'ai peut-être une chance de m'en sortir avec Callisto.

Quand nous nous garons devant l'aéroport, je commence à me sentir vraiment mal. La gorge nouée, je force un sourire et frappe dans mes mains en disant :

— Bon bah les gars, ça y'est.

Callisto se redresse et jette un coup d'oeil triste au paysage.

— Ça y'est, répète-t-elle tout bas.

Cette simple phrase me fait tellement mal que je me demande si je ne ferais pas mieux de rester ici, avec elle, pour toujours. Ce serait plus simple mais est-ce dont j'ai vraiment besoin au fond de moi ?

Sasha coupe le moteur et me jette un regard inquiet dans le rétroviseur.

— Tu es sûr de vouloir y aller ?

Non, pas du tout.

Au moment où je m'apprête à renoncer, Avril répond à ma place :

— Évidemment qu'il est sûr, arrête de le stresser. Allez viens Eden, on se dit au revoir dehors.

Le cœur lourd, nous sortons un par un du véhicule. J'ouvre le coffre et sort mes deux immenses valises pleines à craquer et déjà étiquetées. Rien que de me dire que les trois quarts de ma vie tiennent là-dedans, j'ai l'impression qu'on me cisaille grossièrement le cœur à la tronçonneuse.

Les yeux brillants, Avril est la première à faire le tour de la voiture pour me serrer dans ses bras. Je lui rends son étreinte, ma joue contre la sienne. Ses cheveux blonds me chatouillent la joue un court instant puis elle se recule, laissant tout de même une main affectueuse sur mon épaule.

— On se revoit bientôt, d'accord ?

Ce genre d'au revoir est le plus terrible, parce qu'on sait qu'on ne se reverra que dans un certain temps. Pour nous qui sommes habitués à être fourrés ensemble quasiment tous les jours depuis que j'ai à peine dix ans, une séparation de quelques mois semble être un véritable adieu.

— Bien sûr, réponds-je en ébouriffant ses cheveux.

Elle croise les bras sur sa poitrine en me souriant et recule d'un pas pour laisser la place à Sasha. Quand celui-ci s'avance vers moi, il a les yeux humides et m'entoure de ses bras musclés. Surpris, je mets quelques secondes à le serrer dans mes bras à mon tour et lui tapote le dos, ému. Il va énormément me manquer.

— Promets-moi que tu seras là à mon mariage, me souffle-t-il en se reculant.

— Impossible de me faire rater ça.

Il me sourit en penchant la tête.

— C'est une nouvelle vie qui t'attend, conclut-il.

J'hausse les épaules, mes yeux dans les siens. Je nous revois soudain petits, quand nous nous disions au revoir avant les grandes-vacances. Il partait chaque année dans le sud de la France avec sa grand-mère et nous savions que nous ne nous verrions pas avant deux longs mois. Chaque fois on jouait les durs, mais dès que l'autre s'éloignait nous nous mettions toujours à pleurer. J'étais toujours déchiré l'idée de le savoir aussi loin pendant aussi longtemps, comme si c'était une partie de moi.

C'est peut-être ridicule, mais c'est vrai.

— Probablement, oui, admets-je. Mais ce n'est pas parce que je commence une nouvelle vie qu'elle est incompatible avec l'ancienne.

Il esquisse un sourire et se recule en hochant la tête. Nous savons tous les deux que nous nous sommes dits au revoir.

Mon regard se pose alors sur Callisto, qui se tient en retrait adossée à la voiture. Elle me regarde avec les yeux pleins d'eau, émue. Mon cœur se brise à l'idée que demain matin, elle ne sera pas à mes côtés quand je me réveillerais.

— Bon, on va vous laisser tous les deux, dit doucement Avril en interceptant nos jeux de regards.

— Je fais demi-tour au bout du parking et on repasse te chercher, ajoute Sasha en direction de la métisse.

Celle-ci acquiesce et avant de monter en voiture, Sasha me lance un dernier regard entendu. Au même moment, Avril me sourit dans le rétroviseur en claquant sa portière, puis ils démarrent avec un petit vrombissement de moteur et s'éloignent sur le parking.

Il ne reste alors que Callisto et moi, et l'ambiance qui flotte entre nous est tout simplement terrible. Plus je la regarde et plus les raisons qui me poussent à partir sont floues.

— Tu t'en vas vraiment, commente la brune quand je me rapproche plus près d'elle.

C'est une affirmation, pas une question. Alors, je place mes mains sur ses hanches et penche la tête et réplique :

— Tu sais aussi bien que moi que c'est mieux comme ça.

Elle hoche tristement la tête.

— C'est vrai, confirme-t-elle. Tu vas t'éclater, là-bas. Et puis, tu pourras découvrir une nouvelle ville, une nouvelle culture, exercer le métier de tes rêves et sauver ta relation avec ton frère. Je ne vois pas ce qui pourrait te retenir ici.

Elle ne le dit pas sur un ton amer, c'est une vraie constatation. Bon sang, si elle savait...

— Tu es là, toi, soufflé-je.

Elle hausse les épaules, comme si ce n'était pas important. Puis, elle se force à regagner un peu d'entrain et s'oblige à étirer ses lèvres en un grand sourire tout en passant ses bras autour de mon cou. Son t-shirt se soulève légèrement et j'aperçois la toute nouvelle rose tatouée sur sa hanche, qui lui va à merveille. Elle est encore pansée et nous devons mettre de la crème deux fois par jour, mais l'encre noire brille tout de même sous le soleil de juillet.

Impossible de s'oublier, tous les deux.

— Allez, ça va être génial, dit-elle avec une voix faussement joyeuse. Tu vas pouvoir m'envoyer des cartes postales comme dans les années 2000 et si j'ai de la chance, tu te plaindras même par Skype combien les chewing-gum te manquent !

J'esquisse un sourire en secouant la tête. Depuis que je lui ai dit que les chewing-gum étaient interdits à Singapour, elle n'arrête pas de me sortir cette anecdote à toutes les sauces. C'est assez mignon, je dois dire.

— Oh oui, ça risque de me manquer énormément.

Nous échangeons un sourire complice, si proches que son nez frôle le mien. Je suis sûr que je pourrais compter ses épais cils noirs, si je le voulais.

— Plus que ça, même, ajoute-t-elle d'un air entendu.

Je sais très bien que nous ne parlons pas de chewing-gum et c'est pour ça que j'ajoute :

— C'est probablement juste pour cela que je reviendrais en France au moins cinq-cent fois avant la fin de mon séjour.

Un sourire triste prend place sur ses lèvres quand elle souffle :

— Plus que ça, s'il te plaît.

J'acquiesce et m'apprête à lui dire quelque chose quand un coup de klaxon retentit derrière nous. C'est Sasha, qui fait signe à Callisto de se dépêcher.

— Désolé de niquer vos adieux mais on risque de payer le parking si la miss ne se dépêche pas un peu !

Je lui envoie un doigt d'honneur, un peu parce que je lui en veux de nous séparer comme ça mais surtout parce qu'il ose parler d'adieux devant Callisto et que je vois dans ses yeux qu'elle est morte de peur à l'idée que la situation se transforme ainsi.

— Dis-moi que tout va bien se passer, me dit alors Callisto en attrapant mon menton pour me forcer à la regarder.

J'avale difficilement ma salive, sachant pertinemment que c'est l'un de nos derniers instants ensemble. Merde, elle me manque déjà alors que je ne suis pas encore parti.

— Tout va bien se passer.

Mon ton semble convaincant puisqu'elle hoche la tête avant de plaquer ses lèvres sur les miennes, nourries par un désir urgent et imprévisible. Je la serre fort contre moi et l'embrasse comme je l'ai rarement fait, le cœur battant.

Quand nous nous séparons, elle se détache de mon étreinte et rejoint la voiture sans dire un mot. Je la rejoins près du monospace tandis qu'elle se glisse à l'intérieur et attache sa ceinture, les yeux brillants. Quelque chose me dit que le trajet du retour ne sera pas très joyeux.

Une main sur la portière, j'essaie de calmer mes angoisses en la regardant resserrer sa queue de cheval et me sourire d'un air rassurant. C'est une si mauvaise comédienne ; je devinerai même les yeux bandés qu'elle est au bord de la crise de nerfs.

— Je t'appellerai tous les jours, lui glissé-je alors.

— Ouais, ouais, génial, rétorque Sasha à l'avant. Tu pourras payer le parking, aussi ?

Avril lui fait les gros yeux et il réplique :

— Quoi, c'est sept balles les cinq minutes !

Je secoue la tête et échange un regard appuyé avec mon ami dans le rétroviseur. Il a les yeux humides et je comprends sans peine que c'est sa façon à lui de se protéger. Je ne le comprends que trop bien.

Du coup, j'embrasse Callisto une dernière fois sur les lèvres avant de claquer la portière. Derrière la vitre, elle me regarde d'un air déchirant tandis que Sasha démarre.

Alors, je mime silencieusement un « je t'aime » tandis que la voiture s'éloigne, espérant dur comme fer qu'elle m'a vu.

Quand je rejoins Jeremy dans le hall deux de l'aéroport, l'ambiance est tout autre. Il a un immense sourire plaqué sur les lèvres, sourire que je ne l'avais pas vu porter depuis bien longtemps.

— Prêt pour l'aventure ? dit-il d'un air excité quand je le rejoins, tirant difficilement mes deux grosses valises derrière moi.

Son enthousiasme est contagieux et heureusement, parce que je suis à deux doigts de me tirer une balle en repensant aux yeux noirs de Callisto qui me regardent comme si c'était la dernière fois.

— Et comment, réponds-je.

Jeremy me donne une petite tape sur l'épaule et déclare :

— J'espère que tu n'as rien oublié ici, parce que ça risque d'être compliqué de le récupérer. Bon, maman a insisté pour que je te dise que au cas où elle est prête à faire toutes les démarches pour qu'on retrouve ce qu'on aurait pu laisser ici, mais oublie ça s'il te plaît. Ce qu'on laisse ici reste ici à jamais, OK ?

Les yeux rivés sur l'immense tableau des départs, je réponds dans un souffle :

— Pas tout.

Jeremy ne m'entend pas et continue de déblatérer joyeusement en m'entraînant vers les guichets de la sécurité. Dans la file d'attente, mes yeux ne cessent de sonder la foule autour de moi au cas où une métisse bien connue apparaîtrait soudainement.

Seulement, je me rends vite compte que personne n'apparaîtra et que je commence bel et bien une nouvelle vie. Après de longues heures d'avion, je serais officiellement à Singapour avec mon grand frère, prêt à écrire le nouveau chapitre de ma vie directement sur une page vierge que j'ai tant attendue.

Alors, le cœur battant, je sors mon téléphone de ma poche et clique sur le contact de Callisto pour lui écrire un message.

Eden : On se voit bientôt, camarade.

Quand je clique sur « envoyer », mes doigts effleurent d'eux-mêmes le haut de mon torse pour être au plus près de mon tatouage encore tout frais. Je revois les yeux brillants de la brune quand elle a découvert le sien, et mon air choqué quand j'ai lu les neuf petites lettres qu'elle avait choisi de graver juste sur mon cœur.

Jeremy a tort : certaines choses ne resteront pas ici pour toujours, je me le promets.

Puis, comme une réponse divine, un nouveau message se met soudain à illuminer l'écran de mon téléphone :

Callisto : Quand tu veux, camarade.

Alors je me mets à sourire comme un idiot, et je sais que ça y'est.

Je suis enfin prêt pour mon nouveau départ.

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