CHAPITRE


PDV CHARLIE

CHAPITRE :

Se réveiller, se réveiller est devenu pour moi un véritable cauchemar ces derniers temps. Me relevant d'une situation toujours plus délicate que la précédente. Sauver Tyler, stimuler la seule zone de son cerveau encore en état de fonctionnement, m'a apparemment vidé de mes forces. Mes paupières papillonnent et finissent par s'ouvrir délicatement, soulagée par l'absence de douleur dans mon corps. Je fais l'inventaire de mes blessures comme à mon habitude, j'inspecte mon corps à la recherche de nouvelles ecchymoses, mais mis à part ceux restant de mon séjour en colonie de vacances chez les tarés, je n'en ai pas de nouveau. Un geste vers le fond de la pièce attire mon attention, je me redresse à cause de l'anxiété mais reconnait la personne.

- Karen ?

Je balbutie ne m'attendant pas à sa présence à mes côtés. Elle hoche la tête et s'avance plus près de moi, jusqu'à pouvoir passer sa main sur mon front. Mon corps, au lieu d'être paniqué par ce geste, se détend un peu au contact de sa main.

- Tu as brisé mon cher William, Charlie. Le sais-tu ?

Elle parle gentiment, sans reproche dans la voix mais mon cœur saigne, je me cabre aussitôt et la dévisage méchamment. Je me redresse en appuie sur les coudes, malgré tout heureuse d'avoir retrouvé une partie de mes forces, mais elle me lance le même regard, bien consciente d'avoir touché un point sensible.

- Tout est de sa faute, je crache avec véhémence, enfin sorti de ma douleur.

Elle rigole sagement, se moquant de moi.

- Tu as tout faux ma belle.

- Pourquoi vous me faite ça, je demande la voix soudainement basse, tête baissée, les larmes me montant aux yeux. Tous mes souvenirs douloureux afflux et me compresse la poitrine. Je veux le voir, mais je suis tellement en colère. Je ne saurai l'expliquer, mais je ne semble pas apte à porter la responsabilité de cette situation toute seule, alors mon cœur ainsi que ma tête y associe Will, afin de partager ma douleur et ma culpabilité. Je sais que c'est mal et que ce n'est pas plus sa faute que la mienne, mais l'incapacité d'y remédier redouble mes larmes.

Elle semble prise au dépourvu par mes pleurs et se tourne pour voir arriver mon père avec deux gobelets plein de café à en juger par l'odeur, dans un premier temps il a l'air heureux de mon réveil mais fronce aussitôt les sourcils en voyant mon visage.

Il dépose vite les gobelets sur la table et s'approche de moi.

- Qu'y a-t-il Lili, questionne –t-il inquiet.

Il me serre dans ses bras et relève ma tête.

- Rien, je bafouille en m'essuyant le nez comme une petite fille et chassant mes souvenirs.

Il recule la tête pour mieux m'examiner et parait amusé parma mauvaise foi.

- Très bien alors dans ce cas je vais pouvoir t'engueuler si tout va bien !

Je le regarde interloqué et il hésite entre sourire et sévir. Il opte pour la première option mais me fait la morale quand même.

- Ecoute moi bien, jeune fille, car je ne me répéterai pas. Mais plutôt que de sourire son regard devient triste. Si tu me fais encore un coup pareil, reprend-t-il le visage dévasté, je te promets que tu reviens vivre à la maison avec ton vieux père et que tu seras privé de sortie jusqu'à ce que mort s'en suive. Suis-je bien claire ? Il ne me laisse pas répondre et poursuis. Quant à ta soudaine envie de t'enfermer dans une chambre d'hôpital pendant deux jours en compagnie de ton petit copain, en utilisant tes pouvoirs, appuie-t-il volontairement, je te prie également de ne plus le refaire, heureusement que Karen a des amis doués capables de falsifier la mémoire des gens.

Je tique sur cette information, alors qu'il continu à énumérer mes différents délits.

- Tu as été abominable avec l'autre type, il dit nonchalamment, toujours aussi réfractaire aux prénoms des hommes de mon entourage. Tu n'imagines même pas la moitié de ce qu'il a fait pour te retrouver, la situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés. Et lorsque tu t'es réveillé la première chose que tu fais est de lui briser le cœur.

Je lui fais les gros yeux alors que mon cœur à moi est tout éparpillé.

- Ne me regarde pas comme ça, tu as bien vu qu'il en pince pour toi et toi aussi, je suis au courant de votre lien. Mais tu ne peux pas le traiter comme ça.

- Arrête ! Papa ! Je cris. Laisse-moi s'il te plait.

Je lève les mains devant moi, essayant en vain de me protéger, ma poitrine se soulève de manière incontrôlée, mon souffle commence à devenir erratique et mon front se recouvre d'une fine pellicule de sueur. Parler de Will ne fait que remonter ma semaine de captivité. J'ai l'impression de sentir encore les mains de Jay sur moi et la bile me monte à la gorge. Mes pouvoirs surgissent à la lisière de mon esprit, comme pour me protéger des paroles de mon père.

- Non, il insiste.

Je secoue la tête pour tenter de faire disparaitre ses sensations sur mon corps, pour reprendre le contrôle et écraser la peur qui m'anime.

- Ben, tente Karen pour lui indiquer mon état et le danger que je représente, ils m'observent tous les deux et se reculent légèrement.

Je ferme les paupières pour me concentrer, je sais me contrôler, mais à chaque attaque mes pouvoirs semblent se développer encore plus et demandent une nouvelle adaptation de ma part. Comme ce fameux proverbe qui dit « ce qui ne tue pas, te rend plus fort ». Sauf qu'au plus j'accumule de puissance, plus l'adaptation est difficile. En l'occurrence j'ai l'impression que mon énergie veut littéralement se frayer un chemin en dehors de mon corps.

- Char-lie, bégaye mon père.

- Charlie ! ordonne Karen. Contrôle ça !

J'ouvre les yeux ébahis, je constate que toutes sortes de petits filaments, comme de l'électricité statique sortent de mon corps. De tout mon corps. J'ai l'air d'une centrale électrique. Je croise le regard de mon père et me calme aussitôt, comme on appuie sur un interrupteur, mon père est une ancre qui me ramène à la réalité. Je rappelle l'énergie vers mon corps afin d'éviter de toucher les personnes qui m'entourent et souffle un bon coup.

- Désolée, je marmonne encore en colère contre les souvenirs ravivés mais inquiète de mon mauvais numéro devant mon père.

- C'est moi qui suis désolé, dit mon père en se jetant dans mes bras. Il lâche enfin la vanne de ses larmes et les miennes finissent par suivre, encore. Nous nous réconfortons l'un contre l'autre dans une étreinte paternelle apaisante.

- Il faut que tu nous raconte Charlie, Karen brise cette sensation de sécurité en un éclat de voix, que t'ai-t-il arrivé là-bas demande-t-elle ?

Je lui lance un regard méchant, mais elle ne s'offusque en rien. Elle a un certain culot que je n'aime pas vraiment. Je prends donc sur moi à nouveau pour endiguer le flot de bile qui me monte à la gorge. Mon père s'écarte de moi, à moitié pressé d'enfin savoir mais surtout terrifié par la vérité. Je lève un doigt pour leur demander de me laisser un peu de temps. Ils hochent la tête, je ferme les yeux pour me repasser toute ma captivité, luttant contre la colère et la peur qui s'engouffrent en moi.

Pendant que le film de ma séquestration déroule dans mon cerveau je choisis les éléments pouvant être encaissés par mon père et ceux pouvant être utiles à Karen. J'omets volontairement le passage horrible avec Jay, ne souhaitant pas le revivre moi-même. Je ne cache pas l'identité de toutes les personnes que j'ai croisées. J'avoue en gardant les yeux fermés, avoir accidentellement tué un homme. Je m'arrête un moment dans ma tirade et regarde mon père à travers mes doigts. Il se raidit, puis se reprend et semble souffler de soulagement. Mon cœur reprend sa course folle, c'était lui ou moi.

Je les informe du produit avec lequel ils ont réussi à annihiler mes pouvoirs pendant quelques jours, ainsi que l'affrontement avec Johakim et sa faculté à contrôler les esprits, l'innocence de Norah et enfin l'arrivée de Tyler qui a perdu le contrôle. J'accélère volontairement l'histoire afin de ne pas de nouveau perdre mes moyens. Je ne dis pas non plus la possibilité que mes deux... amis, sont peut-être frère.

Une fois terminé, j'affronte leur regard, baissant mes mains de devant mon visage. D'abord Karen qui parait réfléchir à quelque chose de compliqué au vu de son front plissé et de ses doigts sur son menton. Puis mon père, qui a les yeux braqués sur moi, je sais qu'il sait que je lui épargne le pire de l'histoire, mais il n'insiste pas. Il comprend mes réticences à revivre ça, surtout à la façon dont mon corps s'est recroquevillé pendant mon récit, comme si j'avais peur de recevoir à nouveau ce genre de traitement. Je fais secrètement le serment de ne plus jamais permettre ce genre de situation.

- Je vais me charger de retrouver Johakim, nous informe Karen d'une voie sans timbre juste avant de disparaitre sans un mot de plus.

Je déteste ça, elle s'évapore comme Johakim sait le faire. Ça me donne des frissons dans le dos.

- Je déteste quand elle fait ça, renchérit mon père sur la même longueur d'onde.

Je vois ça, il a le nez retroussé, comme s'il avait senti une odeur qui le répugne.

- C'est grâce à elle qu'on a pu vous emmener rapidement à l'hôpital, il me renseigne. C'était... une sacrée expérience, j'ai failli m'évanouir, il sourit, mais se reprend et ajoute, en fait à bien y penser je pense plutôt que c'était dû au fait de voir ma fille inconsciente...

Il est enfoui dans ses pensées aussi je l'en distrait.

- Merci papa, vraiment, de ne pas avoir abandonné et de m'avoir retrouvée.

Il entoure mes épaules de ses bras et me dépose un long baisé sur mon front avant de chuchoter près de mon oreille :

- C'est William qui t'a trouvé ma chérie, je note qu'il prononce le prénom correctement, il a su gérer la situation comme personne n'aurait pu le faire, il a fait appel à Karen et à un autre jeune homme pour vous sortir de là. Il a insisté pour que Tyler soit amené ici aussi, immédiatement, précise-t-il.

Je suis chamboulé par tout ça, je n'ai même pas écouté ses explications la dernière fois, trop obnubilée par Tyler et l'explosion.

- Comment va-t-il ?

Je pince les lèvres en me rendant compte que je souhaite des nouvelles des deux et pas que de Ty'.

- Tu as réussi, sourit-il, fière de moi ce qui me fait sourire à mon tour et me soulage, un peu. Je ne sais pas comment tu as fait, mais il est revenu et il souhaite te voir rapidement. Par contre les médecins lui interdisent de se déplacer et ça ne lui plait pas trop, j'ai failli lui mettre les menottes pour qu'il se tienne tranquille.

Les menottes... je baisse la tête et frotte instinctivement mes poignets. Il ne faut pas que je laisse la moindre allusion me faire basculer dans mes souvenirs.

Le regard de mon père dérive vers mes poignets meurtris, sa pomme d'Adam danse de haut en bas dans un accès de colère tangible, ses doigts glissent tendrement sur ma peau alors que ses yeux lancent des éclairs.

- Ça va, je mens en retirant ma main de son inspection.

Il grince des dents mais se retient encore de commenter pour finir par hocher la tête.

- Est-ce que je peux voir Tyler s'il te plait ?

J'expose ma requête d'une voix légère mais assurée.

- Ok.

Aussitôt je passe une jambe hors du lit, mais mon père m'en empêche.

- Ne bouge pas, il m'intime, je vais chercher une infirmière.

Je le regarde incrédule :

- Je ne suis pas en sucre ! Je râle

- Tu as disparu pendant huit jours, t'es enfermé dans une chambre d'hôpital pendant 2 autres jours, je te préviens que tu vas m'obéir au moins pour aujourd'hui !

Il ne me laisse pas le choix, sa voix vibrant de colère je me tais et acquiesce docilement. J'ai une nouvelle révélation qui clignote dans mon cerveau, à savoir que mon père a vraiment dû souffrir de mon absence et qu'il n'est pas prêt de me laisser seule.

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