7 - Only Fake


L'on vient toquer à la porte de la chambre alors que je suis tranquillement vautré sur mon lit à admirer le plafond. Taehyung n'est pas là en ce début de soirée, va savoir où il est encore allé se fourrer.

Je pousse un grognement, je n'ai aucune envie que l'on vienne me déranger en ce moment qui est de toute évidence très productif.

- Pus tard.

La porte s'ouvre toutefois, et je pousse un soupir résigné.

La tête de ma génitrice apparaît dans l'entrebâillement de la porte, je savais bien que ce serait elle, mais je me crispe tout de même.

Elle entre dans la chambre et vient se placer face à mon lit, et je lève des yeux ennuyés en sa direction.

Mon silence semble lui dit de prendre la parole ou de dégager, aussi elle commence :

- Jungkook.

Lorsque mon nom sort de sa bouche d'une voix si sérieuse, je sais que la conversation ne me plaira pas.

Je ne réponds pas et me contente de la fixer de mes yeux que j'ai voulus froids.

- Ca fait plusieurs mois qu'on a emménagé maintenant, continue-t-elle, et nous n'avons pas encore eu l'occasion d'avoir une conversation, toi et moi.

Je manque à cet instant de m'étouffer.

- Une.. conversation ? Je répète avec difficulté.

- Oui, une conversation, poursuit-t-elle sans prendre conscience de mon état. J'ai l'impression, Jungkook, que tu ne t'es pas bien intégré ici.

Ses mots mettent plusieurs secondes à se frayer un chemin jusqu'à mon cerveau.

Et puis, j'ai besoin de me les répéter, d'être certains de bien les avoir compris.

Je la regarde sans rien dire, j'ai peur de prendre la parole, j'ai peur de briser l'instant.

Serait-ce.. Serait-elle en train de.. Non. Impossible. Pas elle. Mais pourtant.. Je hais, je hais plus que tout cette étincelle que je sens se rallumer en moi, l'étincelle de ce feu que j'avais pourtant cru éteindre il y a si longtemps.

Je la déteste. C'est tout, je la déteste.

Et pourtant, je ne peux empêcher mes yeux de s'humidifier.

Combien d'années.. combien d'années ?

- Est-ce que tout se passe bien avec ton frère, Jungkook ?

Je peux sentir la froide lame s'enfoncer en mon cœur jusqu'à la garde.

Douloureux, c'est tellement, tellement, douloureux.

Qu'ai-je même oser espérer ?

C'est toujours la même personne, elle ne changera pas.

Pourtant, cela fait mal, si mal.

- Tu comprends, reprend ma génitrice, impitoyable, je ne voudrais pas que Taehyung se sente mal à l'aise avec nous. C'est important qu'il se sente bien, que tout se passe bien pour lui.

Je ne peux empêcher une larme traîtresse de glisser le long de ma pommette.

Pendant une seconde, pendant un instant volatile, j'ai cru, j'ai espéré, avoir une quelconque importance. J'ai cru à nouveau en un signe, un signe que malgré tout, elle me considérait encore comme son fils.

Et pourtant, la triste évidence, c'est qu'elle considère probablement Taehyung bien davantage comme un membre de sa famille cher à son cœur qu'elle ne m'a jamais considéré.

J'ai l'impression, j'ai l'impression qu'elle vient de me porter l'ultime coup, qu'elle vient en quelques phrases de détruire cette armure que j'avais passé des années à forger, qu'elle vient d'assassiner ce qu'il pouvait encore subsister de moi.

Je ferme les yeux quelques instants, et quand je les rouvre, c'est pour les poser sur ma génitrice, si près de moi et à la fois si loin, qui n'attend que ma réponse pour s'en aller.

- Est-ce que.. Est-ce que tu.. ma voix tremble, je ne parviens pas à continuer.

- Est-ce que tu.. Est-ce que..

Je n'y arrive pas, je n'y arrive plus.

Je vais m'effondrer, ça fait trop longtemps, bien trop longtemps que je garde tout en moi, je vais m'effondrer. Mais cette fois, j'ai bien peur de ne pas être capable de me relever. Si l'on peut dire que je me suis jamais réellement relevé.

Mon corps entier est pris de soubresauts, je dois agripper les draps de mes deux mains pour me donner un semblant de contenance. Je ne maîtrise plus mes larmes, je ne maîtrise plus ma voix.

Alors, plutôt que de parler, j'utilise toutes les forces qu'il me reste pour me redresser et me tenir assis face à elle. Je remonte faiblement un bras à l'horizontale et je viens relever la manche de mon sweat, montrant ma peau nue. Je fais doucement pivoter mon articulation pour révéler la jonction de mon coude, et vient effleurer de mes doigts toutes ces marques, toutes ces blessures, toutes ces traces.

- Est-ce que tu.. savais ?

Ma voix s'éteint sur le dernier mot, et je ferme les yeux. J'ai enfin pu poser cette question qui  brûle mes lèvres depuis si longtemps, et je n'ai plus le courage de la regarder.

Plusieurs minutes s'écoulent avant que le dernier doute qui maintenait mon univers en place ne s'effondre.

- Oui, Jungkook, je savais.

- Depuis quand ?

Je ne sais pas d'où je tire ces dernières minutes de force, ces dernières minutes de force avant que mon cœur ne sombre en cendres.

C'est d'une voix presque honteuse que ma génitrice répond :

- Depuis le début. Nous vivons ensembles, Jungkook, comment aurais-tu voulu que je ne m'en rende pas compte ?

- Et tu.. tu n'as rien fait pour m'arrêter ? Pour.. me protéger ?

- Tu es assez grand pour prendre tes propres décisions, Jungkook. Tu sais ce qui est bon pour toi ou non. Ce n'est plus à moi de t'apprendre à être responsable.

J'entends le bruit de ses pas s'éloigner alors que je n'ai toujours pas rouvert les yeux.

Mes paupières s'ouvrent doucement, les larmes brouillent ma vision alors que mon regard se pose sur son dos. Sur ce dos qui s'est tourné il y a déjà tant d'années de cela.

- Quand as-tu-cessé d'être une mère pour moi ? Ou plutôt.. Quand as-tu cessé de me considérer comme ton fils ?

Sans répondre, elle ouvre la porte, lentement.

- T'es-tu jamais demandé ce que j'ai pu traverser, toutes ces années ? La peine que j'ai pu ressentir chaque fois que tu posais tes yeux sur moi, tes yeux dans lesquels je ne pouvais  lire que de l'indifférence ? je murmure.

Il y a un instant de silence, et puis le son de la porte qui se ferme.

C'est fini.

C'est fini.

Mes barrières s'effondrent, un torrent de souffrance vient inonder ce qui subsistait de moi.

C'est fini.

Je ne peux retenir les cris rauques qui sortent de ma bouche, les sanglots incontrôlables qui s'échappent, toujours plus puissants. Ma main vient agripper le tissu de mon tee-shirt recouvrant mon cœur et je laisse la peine m'engloutir.  


Je ne sais combien d'heures sont passées depuis que ma génitrice a quitté la chambre.

Ça n'a pas d'importance; rien n'a d'importance. 

Je suis une loque, un moins-que-rien, une loque.

Je ne comprends pas.

Je ne comprends pas ce que j'ai fait pour mériter tout cela.

Je ne suis peut-être pas une bonne personne, mais je l'ai été, un jour. Je ne pense pas avoir été un enfant monstrueux. 

Rien, rien, il n'y a rien que j'aie envie de faire.

Puisqu'il n'y a rien, rien, pour apaiser ma douleur.

Rien.

Probablement, non, sûrement, cela vient de moi.

Je ne mérite pas d'amour. Si j'en méritais, les gens qui comptent pour moi cesseraient de me tourner le dos les uns à la suite des autres. 

Que l'on me sauve, que quelqu'un vienne me sauver.

Que l'on me tue, qu'on me laisse crever.

Qui me regretterait, si j'en venais à mourir ? Manquerais-je à quelqu'un ?

Je connais déjà la réponse.

Vide, tout est si vide. Ma vie est vide, de sens, de couleurs, de joie. Vide.

Je me retourne sur le lit, enfouis ma tête dans l'oreiller, ferme les yeux. Ma respiration me berce, mais je ne m'endors pas. Je reste là, coquille vide, à ne rien faire.

Vide, vide.

Tout n'est que trop douloureux.

J'aurais aimé, j'aurais tellement aimé, pouvoir ne jamais rien ressentir. Mais je suis faible, si faible, bien trop faible.

Vide. Je ne le suis pas, pas complètement, sinon je ne ressentirais pas cette souffrance qui me tord de l'intérieur.

Mes sanglots m'ont laissé épuisé, je n'ai même plus l'énergie de bouger.

Pourquoi, pourquoi ?

Qu'ai je bien pu faire ?

Suis-je donc si horrible que ça ? 

Alors que je croyais ne plus pouvoir pleurer, une nouvelle larme vient glisser sur ma peau humide.

Je voudrais pouvoir mourir.


La porte de la chambre finit par s'ouvrir, je ne saurais dire combien de temps s''est écoulé. Je m'en fous.

J'entends Taehyung traverser la chambre et se laisser tomber sur son lit. 

 - Jungkook ? commence-t-il d'une voix hésitante.

Je m'en fous, je m'en fous, je voudrais pouvoir mourir.

 - Je voulais te dire.. Je suis désolé si j'ai été indiscret tout à l'heure. Je ne voulais pas sembler te dire quoi faire, ce n'est pas mon rôle, je..

Je ne l'écoute pas, je m'en fous, je m'en fous. 

 - Jungkook ? Tu dors ?

Sans répondre, j'enterre ma tête encore un peu plus profond dans l'oreiller. 

Et puis soudain, Taehyung est là, juste à côté de moi. Je le sens, je sens sa présence. 

 - Jungkook.. Tu as pleuré ? demande-t-il d'une voix faible.

Je me redresse lentement en position assise; et Taehyung a un mouvement de recul lorsque je lève mon visage vers lui. 

 - Tu.. Je.. Il.. Il s'est passé quelque chose ? Tu.. tu veux m'en parler ?

D'une voix faible, rauque, brisée, je réponds :

 - Je te souhaite d'être heureux, Taehyung. Je te souhaite d'être heureux; mais prends garde, tu ne sais quand elle reprendra son amour.

Il me fixe sans comprendre, je m'en fous, je m'en fous tellement.

J'ai dû resté vautrer un long moment, mes jambes sont douloureuses lorsque je me lève. 

Sans force, je me traîne jusqu'à la porte de la chambre que je quitte sans prendre la peine de la refermer derrière moi. 

Je ne saurais même pas dire si quelqu'un se trouve dans les pièces à vivre alors que je traverse l'appartement, je ne peux lever les yeux. 

Je ne peux pas, je ne peux plus. 

Je descends lentement les escaliers en me soutenant à la rambarde, et sors de l'immeuble.

Un ciel pluvieux et un air froid m'accueillent, je me laisse tomber au sol.

Roulé en boule, cependant, il n'y a rien qui puisse me protéger.

Vide, noir, vide, noir, tout est si vide, si noir. 

Non, pas noir, sans couleur.

Je prends seulement conscience que les couleurs ont cessé de parer ma vie depuis si longtemps. 

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Bonjour, c'est moi ! 

Je voulais juste vous prévenir, si des"Alec" ou des "Jalen" se glissent à la place des "Taehyung" et "Jungkook", c'est normal, c'est juste une petite erreur de ma part, désolée ! C'est que je travaille cette fiction à deux endroits différents ahah.

Aussi, j'update toujours aussi tardivement, à ma décharge comme j'ai toujours une excuse, je viens d'emménager dans notre belle capitale pour commencer ma vie universitaire, donc le temps vient parfois à manquer !

Avec amour,

Yurin.

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