« Ça fait plaisir de vous revoir ici, Floover »

Le patron du Chat Stupide me tend une assiette avec une énorme part de pizza suintant le gras tellement elle brille. Je la prends naturellement en photo sous plusieurs angles avant de dégainer ma fourchette.

En temps normal, je ne craque pas le midi mais avec l'arrivé de Seb, mes responsabilités pour Go Shape!, l'été annonçant un ralentissement de fréquentation sur mon compte foodporn et... cette foutue rencontre avec ce foutu Andréa Simon, je suis un peu stressée.

Et manger, ça déstresse.

Et si je demandais des jours de congé ? Non, ce n'est pas le moment... mais je n'ai pas une minute à moi. Je n'ai plus le temps de m'épiler, de me coiffer, de prendre soin de moi...

Je touche mes poignets d'amour par habitude en faisant une grimace alors qu'une ombre me surplombe.

« Ben tiens, si ce n'est pas la gamine qui prend ses gribouillis pour de l'art ! »

Oh non. Cette voix, ce ton hautain. Non. Ce n'est vraiment pas le moment pour me briser les ovaires...

Je relève la tête, cachée derrière mes lunettes de soleil et ne retiens pas l'expression de dégoût en voyant Andréa Simon devant moi.

Sans ses lunettes... Il porte des lentilles ? Mais qu'est-ce qu'on s'en tape Flo !

« Tiens tiens, réponds-je d'un ton provoquant, le pseudo artistique culinaire qui vient s'abaisser à fréquenter la plèbe au lieu d'aller dans un restaurant 5 étoiles, c'est étonnant ! »

Andréa arque un sourcil avec son air dédaigneux avant d'appeler le patron du Chat Stupide par son prénom et de lui commander un plat de pâtes à la sauce tomate. Ce chieur s'assoit en face de moi, sans me demander la permission et pose sa sacoche tranquillement avant d'attraper mon verre d'eau et de le boire d'une traite.

— Nan mais ça va ? m'exclamé-je. Tu veux aussi ma main dans ta gueule ?

— Calme-toi tigresse, je n'arrête pas de courir partout aujourd'hui et je n'ai pas la patience d'attendre un verre donc je me sers. Tu ne vas pas me déclarer la guerre pour ça ?

— Pour moins que ça papy.

Andréa ricane légèrement avant de sortir son smartphone et de taper à toute vitesse dessus lorsqu'il reçoit un appel. Son visage se détend et il ne prend même pas la peine de se lever de table pour répondre.

  «  Allo Adam ? Ça va toi ? Non t'inquiète pas, je suis devant une personne sans importance. Dis-moi tout.»

Andréa Simon le connard.

Il continue sa conversation pendant quelques minutes sans aucune gêne et raccroche après avoir apostrophé son correspondant d'un « La prochaine fois qu'on se voit t'as intérêt à couper tes cheveux longs sinon je te les tonds moi-même !». 

Il est charmant avec tout le monde celui-là ! 

Le patron arrive quelques minutes après avec un nouveau verre et son plat de pâte qui, malgré sa simplicité, à l'air alléchant.

Retiens-toi Flo. Pitié retiens toi.

Trop tard, je suis déjà en train de prendre une photo de son plat, sans me gêner. Andréa me regarde avec surprise avant de ricaner comme un démon.

— Je n'arrive pas à le croire... T'en perds pas une, machine !

— C'est Floover ! « Floover, pour les foodporn lovers ».

— Ouais c'est ça... C'est bizarre mais ta voix me dit quelque chose...

Oh shit. C'est vrai que mon « déguisement » de Floover ne dissimule pas vraiment ma véritable identité mais je pensais que l'attitude « je m'en fou des autres » d'Andréa Simon me sauverait moi et ma réputation. S'il apprend qui je suis... Oh shit.

— Est-ce qu'on aurait couché ensemble alors que j'étais bourré ? dit-il en enfournant des pâtes dans sa bouche.

— Même dans l'univers C-404 ce serait impossible. Avec toi... beurk !

— J'aimerais bien, moi.

Je manque de m'étouffer avec mon eau alors que ce chieur me fixe d'un air taquin. Il passe son pouce sur le coin de ses lèvres pour retirer le peu de sauce tomate l'ayant taché, avant de le lécher rapidement d'un coup de langue.

— Qu'on couche ensemble, poursuit-il. Dans cet univers.

— Qu-quoi ?!

— Comme ça je pourrais t'attacher avec des menottes à mon lit pour te torturer en supprimant chaque photo de ton foutu compte instagram.

— « Andréa Simon est un sadomasochiste », ce sera le hashtag sous cette photo de plat de pâte. Tu vas prendre cher niveau réputation.

— Tu ne peux pas savoir à quel point je m'en bas les couilles de ma réputation ! Les gens peuvent penser ce qu'ils veulent de moi, en tant qu'ancien gros je suis paré et j'ai un cœur d'acier.

Je lève les yeux vers lui devant son aveu alors qu'il se concentre sur son plat, ne désirant pas affronter mon regard volontairement.

Andréa Simon, lui, le mec que j'ai vu à poil et qui semble correctement foutu, est un ancien gros ? Sérieusement ?

— Arrête de me regarder gamine.

— Pourquoi gamine ? T'es aussi vieux que ça papy ?

— Non. Bientôt la trentaine... Tu sais que ta voix me dit vraiment quelque chose ? Où est-ce que j'aurais pu te croiser ?

Je me dépêche de finir ma part de pizza sous l'œil interrogateur d'Andréa jusqu'à ce qu'un sourire inquiétant se dessine sur ses lèvres :

— Je ne t'aime vraiment pas du tout mais ouais, je coucherais bien avec toi. Ça te dit ?

— Tu me proposes ça comme si tu m'invitais boire un verre, détraqué va !

— Ça veut dire oui ?

— Je ne couche pas avec l'ennemi, j'aurai trop peur de me salir en te touchant.

— C'est moi qui vais salir mes draps avec ton sang de pucelle.

— MAIS WHAT ?! m'écrié-je en tapant ma main sur la table. Je ne suis pas vierge !

Et j'aurais dû contrôler mes paroles car tous les autres clients me dévisagent. Andréa Simon ne retient pas son fou rire alors que mes joues s'empourprent.

— Je te hais, Andréa Simon.

— Et moi je te hais Floover, toi et tes photos pornographiques qui font mouiller les fit girls, toi et tes putains de photos amatrices qui dénaturent mon travail de photographe culinaire !

— Est-ce que tu en as déjà regardé une ?

— Et toi ?

— Ou-.. Peut-être.

Je m'interromps à temps, à deux doigts de faire craquer ma couverture. Les seules photos de lui que j'ai vu viennent du shooting mais pour ce qui est de sa « photographie culinaire », rien.

Andréa arque un sourcil et retrouve son air dédaigneux que je hais tant avant de fouiller dans sa sacoche et de sortir un livre de cuisine. Et pas n'importe lequel puisque je l'ai vu assez souvent en librairie pour savoir qu'il est dans le top des ventes culinaires.

« Jette un œil là-dessus » me dit-il avant d'attraper son téléphone, de se lever et de se diriger à l'extérieur du restaurant.

Je commence à feuilleter le livre et m'arrête de temps en temps sur des photos qui me font saliver jusqu'à complètement buguer sur l'une d'elles : une simple photo de hamburger.

Je prends des tonnes de photos de hamburger mais celle d'Andréa est juste... magnifique. Ce n'est que de la nourriture mais je la trouve belle, limite sensuelle, pas sexuelle.

Je continue à tourner les pages et fais un constat dérangeant : ses photos sont sensuelles, les miennes sont vulgaires. Les siennes sont pour des adultes, les miennes pour des adolescents en pleine puberté. Il donne une vision artistique de la nourriture alors que je me contente de faire bander des accros au gras.

Andréa Simon, je te hais et en plus, maintenant, je commence à te jalouser à cause de ton travail de photographe sublime.

*nyanyanyaaaa nya nyanyanyaaa*

La sonnerie de mon smartphone retentit, dérangeant certains clients, alors que le numéro inconnu m'appelant me rend perplexe. Je décide tout de même de décrocher, ne voulant pas rater un appel professionnel.

— Allo ?

— Floriane Maillard...

J'entends deux voix. Celle du téléphone et celle devant moi. Je lève la tête et regarde avec de gros yeux Andréa Simon, son smartphone collé à son oreille et les sourcils froncés.

Oh bordel de bordel.

« Je me disais bien que ta voix m'était familière, ''Floover'', enfin plutôt ''Floriane Maillard, chargé de communication chez Go Shape!''. C'est... tellement ironique. Tu présentes et communiques sur une marque de régime/healthy alors qu'à côté tu es branché à fond foodporn ! »

Je ne trouve rien à dire. Comme si Floover était en PLS dans un coin de mon cerveau et que la timide Floriane devait prendre le relais sans préparation face au monstre devant moi.

Je vois déjà le scénario : ce chieur qui balance la vérité à tout le monde, aux gens de notre « milieu », moi qui ne suis plus invité nulle part, qui perd des followers. Mes collègues qui se foutent de ma gueule, Nina qui m'en voudra de ne pas lui avoir avoué, Patrick qui va devoir me virer parce que maintenant mon image fait vraiment tache avec celle de l'entreprise.

Toutes les moqueries qui vont suivre sur mon physique...

« ...Tu pleures ? »

Hein ?

Je sens une petite larme couler le long de ma joue, larme que j'essuie rapidement avant de me lever, de faire un rapide salut au patron qui m'a offert le repas et de quitter son établissement en laissant Andréa Simon, seul.

Je me déteste d'être aussi faible.

! Le casting est déjà disponible juste après ce chapitre !

Le secret de Flo a été découvert par le diable en personne j'ai nommé Andréa Simon ! Que pensez-vous de leur altercation ? Et de la découverte par Andréa ? Des théories sur la suite ?

Comme d'habitude si vous avez aimé ce chapitre n'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire ! On se retrouve la semaine prochaine pour plus de foodporn !

Photo foodporn sucrée du jour 😋