38 - L'urgence mécanique
« ...Tristan ? »
Mes yeux s'écarquillent face au grand roux devant moi, habillé de sa tenue de travail, chemise blanche pantalon noir, un gros sac à dos à la main qui vient de tomber au sol. Ses yeux sont grand ouverts, autant voir plus que les miens.
Moi habillée d'un bustier, d'une culotte, d'un porte-jarretelle et d'un collant, ma tenue « sexy » pour Andréa putain de poseur de lapin Simon.
« Oh bordel de bordel... » chuchoté-je en le fixant, lui qui ne bouge pas d'un pouce mais me détaille de la tête aux pieds jusqu'à enfin ouvrir la bouche, la fermer comme un poisson, puis la rouvrir :
— Je... euh... C'est... J'étais sur le chemin pour rentrer chez moi et rejoindre ton ami Sébastien pour la soirée LAN mais il m'a appelé en me disant que tu avais une urgence... mécanique. Il m'a donné ton adresse et les détails et je... Je pensais que tu étais coincé dans ta salle de bain.
— C-C'était la version officielle... J'avais honte de dire directement la vérité à Seb... Je ne pensais pas que... Enfin tu vois, qu'il t'appelle pour venir « régler l'urgence mécanique ».
— Ouais... « Mécanique ».
Je déglutis, sentant mes joues devenir de plus en plus rouge, avant de lui indiquer de ma main de libre la clé pouvant me libérer de mes menottes. Il me fixe un instant puis hoche la tête et va la chercher avant de se rapprocher de moi.
Il se met à genoux et cherche la serrure des menottes alors que j'évite de le regarder par gêne. L'odeur de son déodorant réveille mes sens et ma curiosité à le voir galérer à faire rentrer la minuscule clé dans le minuscule trou.
Les sourcils froncés et un peu de rouge aux joues, il passe sa main libre dans ses cheveux roux lorsqu'un petit sourire apparait en même temps que le bruit métallique de ma libération.
Et, quand il tourne la tête vers moi, je me sens happé par ses yeux verts me fixant. Sa respiration s'accélère comme la mienne et je sens mon cœur soudainement s'affoler.
Il n'aurait qu'à se pencher pour... Pour quoi Flo ?
— Merci Tristan, murmuré-je sans quitter ses yeux.
— De rien, Floriane.
Ma main glisse lentement hors des menottes alors que mon regard arrive à se détacher du sien pour descendre vers son cou et jusqu'aux deux premiers boutons ouverts de sa chemise.
Je sens qu'il dévisage mon corps avec la même indécence que la mienne, lorsqu'il se relève subitement en sortant son portable vibrant dans la poche de son pantalon, le rouge aux joues.
Je racle ma gorge devenue trop sèche et me redresse en vitesse pour aller chercher un peignoir dans ma salle de bain pouvant me redonner un minimum de dignité devant mon collègue.
Qu'est-ce que c'était que ce moment intense ? J'avais envie de... Et qu'il... Putain Flo, c'est t'être fait recaler par Andréa qui donne à tes hormones un désir de te venger sur le premier homme venu ?
« Je vais y aller » déclare-t-il en fixant l'écran de son téléphone en revenant dans le salon avec son sac à dos à la main.
Tristan arrive devant la porte, la regarde, puis se retourne vers moi pour à nouveau planter ses yeux verts dans les miens.
— Est-ce que je peux te poser une question indiscrète ?
— Tu viens de me voir dans mon plus grand moment de honte donc vas-y.
— Pourquoi... Pourquoi tu étais comme ça ? C'était pour Sébastien ou... ?
— Ah non ! Pas Seb ! C'était une surprise pour... Andréa Simon.
— Ah... Vous êtes ensemble alors.
— En quelque sorte. Pas vraiment. Oui et non à la fois. Bref, c'est c-
— Compliqué. J'avais saisi. Et pourquoi il n'est pas là ?
Sa question fait revenir la frustration et la tristesse en moi. Je me mords la lèvre pour essayer de retenir la larme qui menace de rouler sur ma joue mais c'est une défaite. Je la chasse rapidement d'un revers de la main et fais un grand sourire à Tristan en déclarant d'une voix trop enjouée :
« Oh il a eu un empêchement de dernière minute en venant chez moi, c'est pour ça que j'étais déjà attachée et comme une conne je n'ai pas pensé à mettre la clé plus près de mes mains, haha ! Mais c'est bon, tout va bien, j'ai déjà essuyé pire comme échec critique ! Un bon kebab bien gras et le mal sera oublié ! »
J'ai peiné à feindre que je m'en foutais et mon corps n'a décidément pas voulu suivre le mouvement en laissant couler l'eau salée de mes yeux que je nettoie avec la manche de mon peignoir.
Soudain, Tristan pose son sac contre le mur et vient m'encercler de ses grands bras, posant ma tête contre son torse. Je suis surprise par son geste mais encore plus perturbée par la sensation de bien-être que me procure son étreinte consolatrice.
Alors je me laisse aller. Je ne retiens plus ma tristesse.
Sa main caresse mes cheveux bruns alors que l'autre me serre encore plus contre lui pendant que je mouille sa chemise. J'entends son téléphone sonner mais il ne décroche pas et me garde dans ses bras pendant cinq bonnes minutes.
— C'est ton mécanisme de défense ? me dit-il soudain. La nourriture. Pour éviter la tristesse et le malheur, tu manges sans culpabiliser ?
— Bravo Sherlock, plaisanté-je avec une pointe d'irritation dans la voix. Il n'y a que la nourriture qui me remet d'aplomb dans les pires moments. Le foodporn, c'est ce qui m'empêche de montrer ma fragilité aux autres.
— Je sais.
Je relève la tête pour le regarder enfin et déchiffrer son expression bienveillante après ses deux mots qui veulent dire tant.
Tristan sait. Il est au courant pour Floover. Il ne le dit pas mais je le vois et il me le fait comprendre différemment. Mais qui lui a dit ? Est-ce que mon patron a encore fait sa balance comme avec Nina ?
— Je n'ai pas eu besoin qu'on m'en parle, dit-il pour répondre à ma question silencieuse. C'est quelque chose que j'ai découvert seul, par hasard et en faisant preuve d'observation.
— Tu as l'air d'être doué pour cerner les gens... Alors que toi tu es... En fait, je ne sais pas tant de chose que ça de toi.
— Réfléchis bien et tu verras que tu as tort.
Ce que je connais du Tristan Ferrer du bureau : quand il arrive le matin, il paie le café de la première personne qu'il croise à l'étage, peu importe qui est-ce. Il porte un casque quand il travaille, mais personne n'a idée de ses goûts musicaux. Son bureau dans l'open-space est presque vide si ce n'est qu'il a une petite figurine de guerrier à côté de son écran et de son mug dont j'ignorais le symbole qui maintenant que je suis au courant, est le symbole de la Horde de World of Warcraft.
Il n'est pas toujours convié aux réunions de groupe mais quand c'est le cas, Patrick aime bien rappeler que c'est le « rookie » de la boite alors qu'il est arrivé il y a plusieurs mois déjà et qu'il a eu le temps de faire ses preuves. Je soupçonne notre patron de continuer à utiliser ce surnom simplement parce qu'il est roux.
C'est le collègue avec qui je suis le plus en lien après Nina et son équipe. Nous travaillons très régulièrement ensemble et tout se passe toujours bien. Il a su s'adapter à ma timidité au bureau et m'a déjà défendu devant Agathe la garce. Il est compétent et a eu plusieurs propositions d'autres entreprises, le faisant envisager de quitter Go Shape!.
On m'a souvent fait la réflexion que j'avais couchée avec lui. Pourquoi ? Mystère.
Ce que je connais du Tristan hors bureau : il a une femme appelée Sarah et une fille toute mignonne. Malgré sa parentalité, il semble passer beaucoup de temps à jouer aux jeux vidéo et participe à des soirées entre joueurs ou se coupe de sa famille le dimanche matin à la salle de sport mais toujours avec son ordinateur.
Quand il est stressé, gêné ou énervé, il passe frénétiquement sa main dans ses cheveux courts en les frottant. Il n'a pas de grosse colère mais fait passer ses sentiments dans le ton de sa voix.
Il est toujours en chemise et pantalon au bureau mais a un style très différent au quotidien, un peu geek du peu que j'ai aperçu, qui lui donne un certain charme.
Il m'a appris ma nouvelle catch phrase sur l'importance de s'aimer soi-même.
En réalité, je connais beaucoup de choses sur Tristan.
— Alors ?
— J'avais tort, un peu.
Ce dernier me sourit avant de s'éloigner de moi, la situation étant au paroxysme du malaise lorsque nous remarquons tous les deux que la ceinture de mon peignoir s'étant ouverte et dévoilant à nouveau ma petite tenue devant lui.
Je le referme immédiatement alors qu'il passe sa main sur son visage en se raclant la gorge.
— Est-ce que tu vas mieux ? me demande-t-il tout en tentant de cacher sa gêne.
— O-Oui, merci.
— Tu es sûr ? Je peux rester ici si tu as besoin de soutien. Ou juste de quelqu'un avec qui prendre un kebab.
Je rigole avec lui, pensant dans un coin de ma tête que si j'avais proposé un kebab à Andréa, il m'aurait expliqué par a+b pourquoi ce n'est pas de la nourriture digne pour son palet.
— Tu as déjà ta soirée, je t'ai assez retenu.
— Tu sais, j'en fais assez souvent des LAN party pour pouvoir en rater une seule sans que ça perturbe mes amis. Et puis j'ai dans mon sac le meilleur moyen de remonter le moral de quelqu'un, tu ne serais pas curieuse d'en faire les frais ?
Que Tristan qui est mon collègue et qui vient de me voir très peu habillé reste dans mon appartement pour la soirée... Un homme qui a déjà une femme et une fille dans sa vie... Non, ce serait vraiment comme tomber dans le même piège que Nina...
Et en même temps, j'ai une furieuse envie de voir comment il compte s'y prendre pour me faire oublier Andréa le temps d'un soir. Avec chasteté, bien évidemment.
— Si ça ne te dérange vraiment pas, commencé-je, c'est d'accord. J'avoue qu'un peu de compagnie me ferait le plus grand bien !
— Ne t'inquiète pas, je vais tout faire pour que tu oublies ta peine du soir et crois-moi, tu vas peut-être même adorer cette soirée avec moi.
— Je ne demande qu'à voir ça.
Même si je suis amoureuse d'un homme qui m'a abandonné pour son travail, j'ai le droit de passer du temps avec un autre homme que je considère comme mon ami, même s'il m'a vu dans la pire des situations ?
❗ Remember : chapitre suivant déjà disponible ! Deux chapitres tous les mercredi jusqu'à la fin de l'histoire ❗
Alors ? Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Du moment de gêne intense entre Flo et Tristan ? De ce collègue qui finalement se révèle être un très bon ami consolateur ?
Comment Tristan va réconforter Flo ? Vos théories sur la suite (déjà disponible) ?
Si ce chapitre vous a plus, n'oubliez pas de voter et donner votre avis en commentaire !
Photo foodporn du jour 🍫 :
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