32 - Le cliché de la scène dans l'ascenseur

« Merci Floriane. Mille fois merci. Je pensais galérer longtemps après mon diplôme mais tu me sauves. Je ne vous décevrais pas monsieur Bourbon. »

Je souris timidement à Jennifer, pas habituée à ce qu'on m'exprime autant de reconnaissance, alors que Patrick à côté de moi rayonne. Il a enfin cédé à ma requête et Jennifer vient de signer son contrat d'embauche en tant que chargée de communication sous ma responsabilité.

Elle rejoindra mon bureau après la validation de ses examens dans quelques mois et même si j'ai du mal avec le commun des mortels, j'ai hâte de travailler avec elle dans la même pièce et plus par Skype.

Lorsque Jennifer nous quitte, Patrick s'affale d'un coup dans le canapé de son bureau, passant de la joie à l'irritation.

— Un problème avec Jennifer ? demandé-je timidement.

— Non.

— Je vais y aller alors, hein...

— C'est Nina.

Oh non, tout mais pas cette conversation ! Pitié Patrick !

— Elle... Hum... On avait une réunion ce matin et elle n'est pas encore arrivée à son bureau. Ça m'inquiète.

— J'ai reçu un SMS de sa part tout à l'heure et apparemment elle a pris froid et est clouée au lit.

— Oh... oups.

Comment ça « oups » ? Est-ce qu'il... Non. Pitié qu'il n'en parle pas.

« Ça doit être de ma faute alors. »

N'aurais-tu pas pu la fermer, Patrick ? Maintenant mon imagination folle et perverse va tout reconstituer ! ET ARRÊTE DE SOURIRE !

— Je change de sujet mais c'est bien que Jennifer vienne t'aider, vu que Tristan m'a fait comprendre que ça l'embêtait.

— ...Ah bon ?

— Il n'a pas que ça à faire d'après lui et il pense que tu peux t'en sortir seule.

Mon cœur se serre soudainement à la pensée d'avoir contrarié un de mes collègues. J'avais noté dans un coin de ma tête que je devais me rattraper pour cette charge de travail supplémentaire mais j'ai totalement oublié. Et lui qui doit être crevé par son rôle de jeune papa, je ne lui facilite pas la vie...

C'est ainsi que je passe une bonne partie de la journée à chercher des excuses et un moyen de me faire pardonner auprès du rouquin et ça, même lorsque je m'apprête à entrer dans le bureau de la garce.

Je frappe trois fois à la porte d'Agathe mais n'entends pas sa réponse et prends la mauvaise initiative d'entrer sans y être invitée et de découvrir un spectacle choquant...

« ...Agathe ? »

Un gros reniflement, les yeux rouges, le nez qui coule et sa chevelure décoiffée, la garce rousse me regarde de ses yeux assassins et me paralyse de peur. Je manque de lâcher les feuilles que j'étais venu lui donner et murmure un timide pardon en détournant le regard.

« Oh ça va ! » s'exclame-t-elle avant de se moucher, « Qu'est-ce que tu veux Maillard ?! »

Je m'approche doucement malgré qu'elle m'ait aboyé dessus, et dépose le contrat de Jennifer sur son bureau rempli de mouchoirs usagés. Je tire une grimace, prends un stylo dans le pot d'Agathe et les écartes petits à petit jusqu'à ce qu'elle les attrape tous pour les jeter à la poubelle.

— C'est le contrat de Jennifer... On voulait que tu le vérifies avant qu'il ne soit transmis aux RH mais je reviendrais plus tard.

— C'est bon, pose-le là.

— E-Est-ce que... Tu as besoin de quelque chose ?

— Oui. Que tu ne racontes pas ce que tu as vu... S'il te plait. J'ai déjà assez d'emmerdes en privé pour en rajouter au boulot.

Je hoche la tête d'un air entendu, ne voulant pas en savoir plus sur les malheurs de la rousse, et quitte son bureau. Je m'appuie contre sa porte fermée et entends des reniflements qui me convainquent de partir avec quelques questions en tête dont une réflexion qui tourne en boucle : Agathe est capable de ressentir d'autres émotions, comme un vrai être humain.

C'est bien une garce mais la voir comme ça ne m'a pas fait du bien. Je n'ai ressenti aucune envie de me réjouir de son malheur alors que beaucoup l'auraient fait. Ça m'a limite choquée.

*PAF*

Je me cogne contre un torse, faute d'attention et perdue dans mes pensées, avant de relever la tête et de m'excuser timidement jusqu'à me perdre dans le vert clair des yeux de l'homme qui à peine quelques secondes avant que ça ne devienne gênant, se racle la gorge pour me ramener à la réalité.

— Pardon ! m'exclamé-je. Vraiment désolé, ma tête était ailleurs et j-

— Excuses acceptées, me répond simplement Tristan en détournant le regard. Tu descends ?

— Pourquoi est-ce que je descendrais ?

— J'ai croisé un coursier tout à l'heure et il a déposé un paquet pour toi à l'accueil mais sans ta signature je ne pouvais pas te l'amener.

— Ah oui effectivement... Bon ben je descends.

Nous entrons dans l'ascenseur sans un mot de plus, une légère tension rendant le silence insupportable jusqu'à ce qu'un grésillement soudain nous fasse sursauter.

« Oh non non non ! » murmure Tristan en appuyant à multiple reprise sur le bouton d'ouverture des portes. « Il est quelle heure ? »

Je sors mon téléphone pour lui montrer l'écran indiquant midi pile lorsqu'il roule des yeux et s'appuie sur la petite barre devant le miroir.

— C'est aujourd'hui l'exercice d'évacuation. On ne devait pas prendre l'ascenseur car il le coupe pour au moins quinze minutes.

— Quoi ?! m'exclamé-je. Mais pourquoi je n'étais pas au courant ?

— On en a parlé à la dernière réunion.

Merde, à quoi est-ce que je pensais ?... Ah oui, à ce foutu Andréa Simon !

Je soupire et tente de me connecter en 4G, sans succès. Pas de réseau dans la cage de fer. Le silence revenu entre nous me rend mal à l'aise en à peine une minute et je décide de mettre enfin sur la table ce pour quoi le rouquin m'en veut.

— Tu vas pouvoir te libérer du fardeau que Patrick t'a confié, mon alternante vient de signer son contrat.

— Le fardeau ? m'interroge-t-il en fronçant les sourcils.

— Désolé de t'avoir donné du travail supplémentaire, malgré moi. Apparemment ça a du bien t'embêter et je m'en excuse enc-

— Arrête de t'excuser Floriane.

Mon corps se tend automatiquement, surpris par le ton énervé qu'il a employé, et je sais que si c'était Andréa qui m'avait parlé comme ça j'aurais répondu avec la même colère mais...

Au boulot, je suis toujours la « simple » Floriane Maillard.

Pourtant, lorsque je me tourne vers Tristan, son expression m'intrigue. Ses bras croisés contre son torse pourraient indiquer qu'il est en colère mais malgré tout, son regard est étrangement doux.

« Je ne t'en veux pas et même si c'était fatigant de faire des heures supp', ce n'est pas de ta faute. Je suis content d'avoir travaillé avec toi. »

Un léger sourire se dessine sur son visage et fait s'envoler tout la tension en moi d'un seul coup. Je lui réponds en l'imitant avant de pousser un soupir de soulagement.

— Je croyais vraiment que tu m'en voulais à mort ! m'exclamé-je en m'appuyant sur le mur en face de lui. Excuse-moi, je suis nulle en sociabilité !

— C'est comique pour une chargée de communication...

— Ahah oui et-

— Et pour une influenceuse.

Mon sourire disparaît instantanément. Je sens les battements de mon cœur s'affoler alors que le rouquin me fixe intensément, comme s'il souhaitait que j'avoue de moi-même ce qu'il sait déjà.

« Je voulais dire « influenceuses » dans le sens où tu donnes de la présence à Go Shape! sur les réseaux et que par conséquent, tu peux entraîner les gens à faire un choix en notre faveur entre notre marque et une autre. »

Ouf... Il ne sait pas pour Floover. Quoique... vu la façon dont il me fixe, j'ai l'impression que ce n'est pas innocent.

— Je ne fais que suivre les stratégies marketing proposées par Nina. Et avec ce qu'Andréa Simon me donne.

— Andréa ? Le photographe que tu as embrassé samedi soir ?

— J-Je n'ai pas.. ! bégayé-je en sentant le rouge me monter aux joues. Je ne l'ai pas embrassé !

— Oui c'est vrai, tu as léché son cou.

— M-Mais arrête ! Enfin oui mais c'est l'alcool et-

— Et tu as fini la partie chez toi.

Je fais une grimace de coupable avant de cacher mon visage dans mes mains, comme lorsque j'étais enfant, avant de secouer la tête et de répéter « oublie, oublie, oublie ! ».

— Tu étais aussi rentré avec lui lors de la soirée Start-Up!, vous êtes ensemble ?

— Non ! Enfin peut-être !... Je ne sais pas. C'est tellement compliqué les relations entre les gens !

— Il y a bien un truc alors. Il t'a aussi apporté à manger l'autre soir quand je lui ai ouvert la porte du bâtiment en partant. Peut-être qu'il est amoureux ?

— Ne lie pas ce mot avec Andréa Simon, je t'en supplie !

Je me tourne vers le mur pour cacher l'intégralité de mon visage rouge et mourir de honte dans mon coin alors que le rire de mon collègue résonne dans tout l'habitacle.

« T'es mignonne comme ça, Floriane. »

Je me fige, fixant le mur et n'osant me retourner.

— Tu me rappelles les héroïnes dans les otome games qui se torturent à comprendre leurs sentiments, qui en bavent, complexent sur leurs physiques et leurs attitudes alors que la seule chose qui devrait compter n'est pas l'amour d'un homme.

— ...Et c'est quoi ?

— Qu'elles s'aiment comme elles sont avant tout. Des femmes avec des qualités et des défauts, de multiples facettes qui font d'elles des merveilles que seuls les plus attentifs des hommes ont envie de découvrir, de comprendre et d'enfin garder pour soi. Andréa Simon doit faire partie de ces hommes.

— Je ne suis pas une merveille, Tristan. Je ne le serais jamais.

—Retourne-toi.

Je suis sa directive et rougis de plus belle en voyant qu'il s'est rapproché de moi. Le rouquin me sourit avant de poser ses mains sur mes épaules et de me tourner face au miroir. Il ne dit rien pendant quelques secondes, me laissant observer mon reflet avec perplexité.

— C'est moi, et alors ? Tu vas me sortir un truc cliché du genre « Tu dois être qui tu choisis d'être » ?

— S'aimer soi-même c'est ça, le vrai amour.

*DING*

Nous sommes légèrement secoués par l'ascenseur se remettant en mouvement et Tristan en profite s'éloigner de moi en se tournant vers la porte. Je tapote mes joues toujours plus rouges et n'ose pas regarder le rouquin dont les mots m'ont étrangement fait du bien.

« Sarah a beaucoup de chance. » lui dis-je en souriant avant de quitter l'ascenseur comme une fuyarde pour me diriger vers l'accueil et récupérer mon petit paquet dont le nom du destinataire me fait arquer un sourcil.

Un paquet rempli de photo prise par Andréa. Des photos datant du soir où j'avais pris la pose chez lui alors que nous avions bien bu, juste avant...

Je ne peux retenir un sourire pervers en me souvenant de cette nuit-là avant de le réprimer et de refermer le paquet.

Andréa Simon m'a contaminée.



Dorénavant, on se retrouve chaque mercredi pour toujours plus de Floover !

Alors ? Qu'avez-vous pensé de ce chapitre au bureau ?

De la réflexion de Patrick ? Des larmes d'Agathe ? De la scène cliché d'ascenseur avec Tristan ? Que pensez-vous de sa dernière phrase ?

Si ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire !

Photo foodporn du jour :

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