22 - Craquage

— NON ! C'est non-négociable ! La palette de couleur pour cette pub c'est noir-jaune-rose !

— Et moi je te dis que c'est une idée à la con ! Il faudrait que la mannequin soit métisse, porte du turquoise et que le produit soit vert ! On aurait une très belle association et puis le turquoise rappelle le logo Go Shape!.

— Alors pourquoi est-ce que tu changes tout maintenant ?! Pourquoi tu me fais cette proposition à quelques jours du shooting ?!

— Parce que de nous deux, je suis apparemment le seul à réfléchir !

— Mais tu crois vraiment que j'ai le temps avec tout mon travail de penser aux couleurs de nos affiches ?!

— Tu devrais prendre le temps au lieu de te gaver de foodporn chaque midi ! GROS CUL !

— PETITE BITE !

Je raccroche en grognant avant de balancer mon smartphone contre la vitre de mon bureau. Mes collègues de l'autre côté, dans l'open-space, me regardent avec de grands yeux.

« PUTAIN D'ANDRÉA ! » m'écrié-je en tapant mes poings sur mon bureau avant de me lever et d'aller récupérer le fruit de ma colère.

Andréa Simon me rend folle.

Il me laisse un post-it pourri sur sa porte, sans rien d'autre, puis ne me donne aucune nouvelle pendant deux semaines alors que nous avons du travail, pour enfin me prendre la tête à chaque putain de minute depuis le début de la semaine sur des détails pour le shooting de notre prochaine affiche publicitaire.

« Flo, ça va ? » me demande mon patron en entrant dans mon bureau, l'air inquiet. Il regarde mon téléphone presque hors d'usage avant de soupirer.

— Je ne t'ai jamais connu aussi en colère que ces derniers jours Flo... Est-ce que tout va bien ?

— Tout est parfait ! Juste mon syndrome prémenstruel mais sinon, TOUT VA BIEN !

Patrick s'assoit dans mon fauteuil en croisant les bras, attendant que je me calme pour me tirer les vers du nez. Il tire sur les manches de sa chemise blanche en se raclant la gorge mais sans dire un mot.

— Non Patrick... repris-je. Tout ne va pas bien... C'est la semaine où Jennifer est en cours et je dois t'avouer que c'est tendu de faire son travail en plus du mien. On est en plein rush et je suis toute seule. Je finis toujours tard, j'ai dû écourter mes pauses repas donc j'alimente de moins en moins mon compte Floover, mon meilleur ami ne me donne plus de nouvelle et la seule personne qui me permet de me sentir encore bien c'est Nina mais pareil, elle croule aussi sous le travail.

— Et pour ta crise de colère ?

— C'est Andréa Simon. Comme chaque jour. Il ne se passe pas une heure sans que nous nous prenions la tête lui et moi ! Ce perfectionniste et chieur professionnel !

— Tu veux arrêter de bosser avec lui ?

— Si seulement... parce que le pire dans tout ça c'est que toutes ces remarques sont justifiées, mais surtout très judicieuses ! Le problème c'est qu'il s'y prend toujours au pire moment et de la mauvaise façon.

Je laisse tomber ma tête sur le clavier de mon ordinateur, quitte à en avoir une trace sur la joue et le front jusqu'à ce que le monstre défiguré me servant de téléphone se mette à sonner. Je regarde l'écran et voir le nom d'Andréa s'afficher me fait pousser un long soupir.

Soudain, Patrick attrape le téléphone et décide de répondre à ma place avec son assurance habituelle :

« Allo. Non, c'est Patrick Bourbon. Oui. Non, Flo est un peu à bout en ce moment. Laissez-la respirer au moins jusqu'au shooting d'après-demain. Oui. Non mais je m'en fou, faites comme vous voulez. Arrêtez juste de l'appeler, faites un mail récapitulatif en soirée, mettez-moi en copie et ce sera tout... Quoi ? Non, si c'est pour en plus lui prendre la tête dans la vraie vie, n'y comptez pas !... Oui. D'accord. J'attends un travail à la hauteur de votre réputation. Oui. Non. Très bien. Bonne journée monsieur Simon. »

Patrick raccroche et me fait un petit sourire en sortant une petite boite de sa poche.

« J'étais venu t'apporter un nouveau smartphone. C'est un de nos partenaires qui me l'a offert et je n'en ai pas besoin alors que j'ai l'impression que le tien morfle pas mal en ce moment. »

J'accepte le cadeau, les yeux humides en me retenant de laisser couler mes émotions perturbées par tout le stress de ces derniers jours. Je change ma carte SIM et mémoire devant mon patron dégageant un calme impressionnant malgré le ton employé pour répondre à ce chieur d'Andréa.

— Écoute Flo, dit-il d'une voix très douce, je ne veux pas que tu fasses un burn-out d'accord ? Il faut que tu finisses moins tard le soir et tu vas reprendre tes horaires du midi normaux, ok ? Pour ta charge de travail, mets de côté le budget prévisionnel de la prochaine campagne, je te donne plus de délais. J'ai réfléchi au sujet de ton alternante et j'ai déjà prévenu son école : Jennifer deviendra ton assistante dès la fin de son contrat dans quelques semaines. Pour ce qui est de la gestion des réseaux, j'ai demandé à Tristan de t'aider en tant que community manager pendant que Jennifer est en cours. Il a eu une formation lorsqu'il passait son diplôme de développeur web et cette semaine il est en période creuse donc ça ne le dérange pas. C'est d'accord ?

— Patrick... Tu es mon sauveur.

— Je suis aussi ton bourreau, ne l'oublie pas.

Patrick est parfois un patron exigeant, mais aussi consciencieux du bien-être de ses employés. Surtout pour notre productivité mais tout de même, c'est une crème... Mais...

— Patrick ? Est-ce que ça va toi ? Tu as des cernes.

— Ah ? Oui ça va... Enfin ce n'est pas évident à la maison ces temps-ci.

— Tu veux en parler ? Je pense qu'on se connait assez pour s'en dire plus, non ?

— Cathy me reproche encore le fait d'avoir refusé de lui faire un autre enfant après mon fils. Elle commence à paniquer parce qu'il va bientôt être majeur et qu'elle a peur de ne plus servir à rien à la maison. Je lui ai dit de trouver un travail, de reprendre une de ses passions, de s'occuper autrement mais elle passe ses journées à regarder des émissions de télé-réalité. Elle aimerait aussi se faire refaire les seins et se faire liposucer. J'ai du mal à la comprendre en ce moment... Et je vois de moins en moins mon fils vu qu'il révise pour le bac. J'aimerais l'aider mais il refuse toujours.

— Ah... Ce n'est vraiment pas évident pour tout le monde en ce moment...

— Tu n'as pas idée. Surtout que, tu ne l'as pas vu mais Agathe à fait une crise tout à l'heure et la machine à café a tout prit. Elle est sur les nerfs à cause de son divorce qui commence à traîner.

— Encore ? Mais ça ne faisait pas un an qu'elle avait quitté son ex-mari ?

— Le divorce ça prend du temps et c'est éprouvant.

Je soupire alors que Patrick commence à quitter mon bureau, l'air las, mais je tente tout de même d'avoir une information :

— Qu'est-ce que voulait Andréa Simon ?

— Encore te prendre la tête. J'ai l'impression qu'il adore ça, c'est limite malsain.

— Hm...

— Mais bon, vu la qualité de son travail, je comprends pourquoi il est comme ça. J'espère juste qu'il va suivre ma consigne et te laisser tranquille.

— Je le connais depuis peu mais je sais qu'Andréa en fait un peu qu'à sa tête et quand ça lui chante. Il est spécial.

— Tellement spécial qu'il arrive à faire sortir de ses gonds la Floriane qui s'écrase toujours au travail ? J'aimerais bien avoir son secret alors parce que te voir comme ça, sortir de ta carapace pour la faire exploser, ça n'a pas de prix.

Il n'y a qu'Andréa pour me mettre dans cet état.

Je vais mourir si je ne mange pas, genre maintenant.

Il est déjà 20h30 quand j'étire mes bras en poussant des petits bruits de félin avant de passer ma tête hors de mon bureau : l'open-space est déjà plongé dans le noir et je suis la seule à être encore présente à cette heure c-

« Floriane. »

Je sursaute en entendant la voix de Tristan qui me fait un faible signe en redressant sa sacoche sur son épaule. Le rouquin s'approche de mon bureau et se tient dans l'embrasure de ma porte du haut de son mètre 90.

— Tu vas dormir ici ? plaisante-t-il. J'ai modéré les derniers commentaires sur Facebook.

— Merci beaucoup Tristan. Ça ne te donne pas trop de travail en plus ?

Mon collègue se frotte les cheveux, un peu gêné, et n'ose pas avouer tout haut ce que j'avais supposé lorsque Patrick m'avait proposé l'aide du rouquin : vu l'heure à laquelle il finit chaque soir, Tristan n'est JAMAIS en période creuse. En tout cas pas depuis son arrivée.

Et je lui apporte un poids supplémentaire.

— Tristan... commencé-je timidement, je suis vr-

— Laisse, m'interrompt-il, ce n'est pas grave. Ne rentre pas trop tard.

Il me salut mollement avant de s'en aller et de s'engouffrer dans l'ascenseur arrivé à notre étage.

Il m'en veut... et je le comprends. Je vais devoir trouver un moyen de me faire pardonner.

Je soupire et continue à travailler pendant quelques minutes lorsque j'entends le « ding » de l'ascenseur arrivant à notre étage. Je ne relève pas la tête de mon écran et me contente de m'écrier :

« Tu as oublié quelque chose, Tristan ? ». Pas de réponse. J'hausse les épaules alors que les bruits de pas se rapprochent de mon bureau. J'entends un sac en papier se poser au sol puis les bruits de pas s'éloignent de moi.

Je lève enfin la tête, me demandant pourquoi il était revenu lorsque je remarque le sac en papier devant ma porte. Je me lève, l'ouvre et me prends une odeur appétissante dans le visage.

Qu'est-ce que...

Ça fait tilt dans mon cerveau en même temps que le « ding » des portes de l'ascenseur s'ouvrant. Je sors de mon bureau en trombe, coure jusqu'à l'ascenseur encore ouvert et arrive devant les portes se refermant mais, à cause de mes foutus talons, je fais un faux pas et m'étale sur le sol.

Les portes arrêtent de se fermer alors que l'homme en face de moi les retient tout en s'esclaffant de rire sur mon malheur.

Ce foutu rire qui hérisse mes poils.

Même s'il continue à rire comme un idiot, il me tend la main pour m'aider à me relever et sors de l'ascenseur partant au rez-de-chaussée.

« Ça fait presque trois semaines que je ne t'ai pas vu et la première image que tu m'offres est cette magistrale cascade finissant sur un rampage de sol extrêmement gênant pour ta personne ! Il n'y a pas à dire, Floriane Maillard, me moquer de toi en vrai m'avait tellement manqué ! »

Je te hais Andréa Simon. De tout mon être.





Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De l'altercation au téléphone entre Flo et Andréa ?

Du sauvetage de Patrick et de sa vie personnelle ? De la surprise d'Andréa à la fin du chapitre ?

Si ce chapitre vous a plu n'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire ! On se retrouve jeudi prochain pour la suite !

Photo foodporn du jour 😛 :

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top