21 - Pièce de théâtre
Je me réveille la bouche pâteuse et les membres engourdis dans un lieu que je ne connais pas, des draps inconnus et toujours en robe de soirée.
Qu'est-ce que j'ai fait hier soir ?
Un léger mal de tête et une envie de vomir lorsque je me redresse me font regretter mon geste. Mes doigts frôlent une chemise blanche étendue à côté de moi ainsi qu'une veste de costume et une cravate... rouge grenat.
Et tout me revient en mémoire. Absolument tout.
De l'aveu d'Andréa sur son passé à notre courte séance photo dans son salon, son envie de m'embrasser sur le balcon de la salle de réception à son suçon dans mon cou.
Je cherche du regard un signe de vie de sa part, mais rien. Je me relève avec difficulté, à la recherche de toutes mes affaires en parcourant son appartement. Je retrouve tout, sauf lui.
Andréa est partie.
Lorsque j'arrive au niveau de la porte d'entrée, je remarque un post-it jaune accroché au-dessus de la poignée.
« Claque la porte en partant. »
On ne peut pas faire plus froid et désintéressé qu'Andréa Simon.
J'ai passé mon dimanche à comater sur mon canapé, les membres engourdis et mon corps souffrant de l'alcool et de la brutalité de mon amant. Une journée entière pour me convaincre que coucher avec Andréa Simon était la pire idée qui soit et que je devrais me venger de ce mal qu'il m'a fait sous excitation. Même si ça m'a plu. Beaucoup.
Je glisse ma pièce dans la machine à café tout en massant mon cou et la trace qu'Andréa m'a encore laissée avant de jurer. Nina arrive vers moi, tout aussi fatiguée, et ne dit pas un mot en prenant son café.
Étrange... Elle qui déborde souvent d'énergie.
— Ça va Nina ? demandé-je d'une petite voix.
— Hm. Oui. Enfin c'est compliqué. Disons que samedi soir, ça a été compliqué pour tout le monde...
— À qui le dis-tu... confirmé-je en buvant mon breuvage.
— Je t'ai vu partir avec le photographe.
Je fige mes mouvements, attendant la suite de sa réflexion... mais rien. Nina semble préoccupée par quelque chose d'autre.
« Bonjour mesdemoiselles. »
La salutation de notre patron la fait étrangement sursauter et, elle qui pourtant sourit à tout le monde, se contente de regarder Patrick avec un air blasé.
Hyper étrange...
« Bonjour... »
Un nouvel arrivant, Tristan, nous surprend le plus. Pas parce que lui aussi à l'air fatigué, mais parce qu'il porte toujours sa chemise de samedi soir. Ce qui veut clairement dire qu'il a découché tout le week-end.
Ce dernier passe sa main dans ses cheveux roux avant de fouiller dans son portefeuille à la recherche d'une pièce pour son café, qu'il ne trouve pas et qui semble l'irriter de plus en plus.
Nous nous regardons tous à tour de rôle avant de finalement soupirer et de retourner chacun dans nos bureaux. À peine la porte du mien fermé, elle s'ouvre sur Nina qui se laisse tomber dans mon fauteuil.
— J'ai un aveu à te faire, commence-t-elle en plongeant sa chevelure blonde dans ses mains. Un gros aveu que tu ne dois révéler à personne ici.
— Tu peux me faire confiance.
— En réalité, je n'ai pas de fiancé. C'est du vent ! Un jour, j'ai voulu faire fermer le clapet d'une femme et ça s'est retourné contre moi. Tout le monde pense que je suis fiancé à un homme parfait alors que je n'ai rien. Personne. La pire traversée du désert du monde.
— Oua Nina... C'est... Enfin je...
— Non attends, m'interrompt-elle d'un doigt, il faut que je te dise pourquoi je t'avoue ça.
Elle se redresse, inspire longuement avant de prendre un air pensif et de plonger ses yeux dans les miens.
— Samedi soir, j'ai reçu énormément de proposition de potentiel recruteur. Mais surtout d'hommes me voulant dans leur équipe juste pour mon physique. Et ça m'a fait rager... Je ne suis pas qu'une poupée, je suis compétente ! Je n'aime pas servir de trophée. Bref, on a essayé de me démarcher et Patrick m'a fait une réflexion là-dessus. On s'est engueulé salement, je crois que tu étais déjà parti à ce moment-là.
— Merde... Et tu penses qu'il va te virer ?
— J'ai peur pour mon poste, oui, mais pas pour ça.
— C'est-à-dire ?
— Patrick et moi on a couché ensemble.
....
« Flo, dis quelque chose... »
Je bug.
« Patrick Bourbon ? Notre patron ? »
Elle hoche la tête, la mine sérieuse mais dépitée. Nina, l'ange, la parfaite femme a couché avec notre patron.
— Attends mais... commencé-je en réfléchissant. Vous vous êtes engueulé et ensuite vous avez couché ensemble ? Comme ça ?
— C'est un peu plus compliqué... Je ne me suis jamais pris la tête avec Patrick. Même quand il exigeait de moi un travail surhumain. J'ai toujours tout fait pour satisfaire ses exigences mais en ce moment ça commençait à peser et il le savait. Alors quand pendant la soirée je lui ai dit que j'avais reçu de très bonnes propositions ailleurs, il m'a dit un truc qui m'a fait craquer. J'ai explosé d'un coup et mon image de femme parfaite avec. Je me suis vraiment énervée contre lui et... tu sais comment est Patrick. Généralement il évite les problèmes avec une pirouette ou en rigolant mais cette fois-ci il s'est aussi mis en colère.
— Ça n'explique pas pourquoi...
— Disons que l'air est devenu soudainement électrique entre nous et que, sans m'en rendre compte, nous étions vraiment très proches. Je l'ai embrassé. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça mais j'en avais envie. Je me suis excusé mais il a refusé de m'entendre et m'a attrapé par la taille pour reproduire ce baiser.
— Nina...
— C'était passionné Flo. Je n'avais jamais vécu ça... On s'est rapidement trouvé un coin tranquille et on a couché ensemble... sans protection. Enfin je prends la pilule mais lui... il n'avait rien.
— Putain Nina... Merde... Et en plus Patrick est...
— Marié. Je sais. Et il a un fils presque majeur. Et il a 15 ans de plus que moi. Je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai fait ça Flo... Je viens de jouer ma carrière sur une impulsion...
Je sors un paquet de mouchoirs à mon amie qui commence à pleurer et viens l'enlacer de mes bras maladroitement. Je n'ai jamais été bonne pour les consolations mais ça semble lui faire du bien alors je reste auprès d'elle pendant de longues minutes.
Nina vient de me prouver que malgré les apparences, on ne maitrisait pas forcément sa vie. Qu'elle aussi portait un masque mais que ce samedi soir, il s'était brisé à cause de notre patron. Que Patrick, lui qui est censé avoir une vie d'adulte épanouie, d'homme marié fidèle, est tout aussi perdu que nous. Que lui aussi porte ce masque de patron toujours trop parfait.
Une vie remplie de masque. Nous sommes tous des acteurs dans une grande pièce de théâtre bancale et le public est en train de quitter la salle, déçu de nos vrais visages.
Je réconforte mon amie tant bien que mal pendant une bonne heure avant de la laisser repartir et d'encaisser sa révélation. Que maintenant, même si elle remet son masque de femme parfaite, je ne pourrais m'empêcher de la regarder elle et Patrick avec des yeux intrigués. Curieuse de savoir réellement comment est-ce qu'ils ont pu en arriver là.
Je hais les lundis matins.
Je ne hais pas que les lundis matins mais les lundis en général.
En mode automatique dans une journée qui tourne aux ralenties, je suis lessivé par mille et une choses à gérer pour une marque que je n'approuve qu'à moitié.
Les paroles de l'homme m'ayant présenté sa marque similaire à Go Shape! samedi dernier me sont revenus de nombreuses fois dans la tête. Une marque capable de faire aussi bien et sans fausse promesse de régime qui était intéressé par moi...
Je soupire en appuyant sur le bouton de l'ascenseur alors que l'étage vide et sombre à 21h salue sa dernière travailleuse.
« Attends ! » s'écrie une voix dans la pénombre.
La dernière et le dernier travailleur.
Je retiens l'ascenseur du pied et fais une place pour un Tristan peinant à reprendre sa respiration, des auréoles au niveau des aisselles et un sac à dos dont des écouteurs pendent négligemment de sa poche avant.
Le fameux « malaise d'ascenseur » sans musique s'installe quelques interminables secondes jusqu'à ce que le roux se tourne légèrement vers moi :
— Tes heures supp' sont payées ?
— Jusqu'à une certaine heure que je dépasse... Et toi ?
— Pareil... Je viens d'arriver et j'envisage déjà de partir.
— Quoi déjà ? m'étonné-je.
— La soirée de samedi me fait pas mal cogiter. Les gens sont sympa ici mais il règne un je-ne-sais-quoi de faux et... Je dois t'avouer un truc, Floriane.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le rez-de-chaussée encore éclairé par le poste de sécurité du gardien qui a les yeux rivés sur son écran. Tristan se penche vers moi pour me chuchoter quelque chose à l'oreille et je me retiens puissamment de lui faire une réflexion sur son odeur de transpiration.
« Je trouve que les produits de chez Go Shape! sont dégueulasses.»
Le rouquin me sourit légèrement avant de me souhaiter une bonne soirée et de quitter le hall. Moi qui pensais être la seule à ne pas aimer nos produits, il vient de me surprendre. Tristan reflète l'image du rookie « corporate », soutenant à fond son entreprise, mais pourtant j'ai l'impression qu'un autre de mes collègues se révèle à moi.
La vie est une pièce de théâtre : choisissez votre rôle et tentez de vous y tenir jusqu'à la fin de la représentation. Si vous n'y arrivez pas, faites comme Tristan et jetez votre masque, le menton levé et sans une once de peur et de jugement. Alors vous vous rapprocherez du bonheur.
Alors ? Que pensez-vous de ce chapitre ? Je l'ai rallongé exprès comme il n'y en a pas d'autres aujourd'hui !
Le lundi matin... Que pensez-vous de réveil solitaire de Flo ?
De l'aveu de Nina sur sa fin de soirée ? De celui de Tristan ?
Si le chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et donner votre avis en commentaire ! On se retrouve jeudi prochain 😊
Photo foodporn sucrée du jour 😜 :
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