Chapitre 7: Quand Séoul devient le théâtre d'une amitié

Trois jours s'étaient écoulés, marqués par l'agitation d'Eonjin préparant méticuleusement son exposition.

— Écoute, pourrais-tu te poser deux secondes, s'il te plaît ? Tu m'étourdis à force de bouger ainsi ! lançai-je alors que ma colocataire fouillait frénétiquement pour dénicher le vêtement parfait.

— Je n'y peux rien si tu ne sais même pas repasser correctement les vêtements ! J'ai un rendez-vous crucial avec le propriétaire de la galerie et aucun de mes hauts n'est à l'abri de- C'est une catastrophe !

— Arrête un peu... Prends celui-là. Il faudrait vraiment que quelqu'un ait une loupe pour repérer ce malheureux pli que j'ai laissé en repassant, je m'en excuse d'ailleurs ! Je n'avais pas réalisé à quel point tu étais maniaque, m'irritai-je en lui tendant un élégant blazer jaune qui s'harmoniserait parfaitement avec son pantalon noir bootcut.

— Non ! Hors de question ! s'exclama-t-elle.

Je reposai le vêtement avec un soupir exaspéré. Il ne me restait plus qu'à attendre que sa crise passe...

— Bon, de mon côté, je vais sortir un peu pour...

— Voilà ! Enfin ! m'interrompit-elle, les yeux brillants devant un blazer gris chic, avec des boutons noirs assortis et des motifs de la même couleur.

— Quoi donc ? Il a échappé à l'empotée que je suis, c'est ça ? chuchotai-je, légèrement piquée par sa remarque sur mes compétences en repassage.

Eonjin sembla percevoir mon ton acerbe et s'approcha de moi pour dissiper la tension par une pluie de compliments.

— Désolée, je ne voulais pas être blessante... J'ai tendance à regarder les détails de près, c'est tout... conclut-elle, finalement apaisée.

— Laisse tomber, mets ce blazer, et n'y pensons plus, déclarai-je en secouant la tête.

C'était absurde de se disputer pour si peu.

— Comme je l'ai mentionné, je vais prendre l'air un instant pour me rafraîchir ! m'exclamai-je, prête à m'éloigner tout en la voyant ajuster son blazer.

— Attends une minute ! J'ai une bonne nouvelle pour toi ! annonça Eonjin alors que je m'apprêtais à partir.

Intriguée, je me retournai vers elle, les sourcils levés.

— Une amie à moi est tombée malade au point que le médecin recommande une opération... Ça ne semble pas très positif, je te l'accorde...

— J'espère surtout que tout va bien se passer pour elle et qu'elle se rétablira rapidement... Transmets-lui mes vœux de rétablissement, veux-tu ?

— Ne t'en fais pas, le médecin a assuré qu'il s'agissait d'une opération nécessaire mais pas trop inquiétante. Apparemment, c'est un problème courant chez ses patients... Mais bon ! Ce n'est pas à propos de cela que je voulais te parler à l'origine !

Voyant mon air perplexe, Eonjin poursuivit :

— En fait, cette amie devait assister au concert des BTS avec son petit ami. Cependant, elle ne peut plus y aller à cause de l'opération et son petit ami refuse d'y aller sans elle. Ils cherchent donc des personnes à qui donner leurs billets...

— Ne me dis pas... commençai-je, sentant une légère excitation monter en moi.

— Et si ! Tu as deviné juste ! Je leur ai parlé de ton désir d'y aller pour l'anniversaire de ton amie. Alors, tu peux maintenant faire cette surprise à Jade ! s'exclama-t-elle en sortant de nulle part deux billets pour le concert des BTS qui devait avoir lieu dans vingt jours.

J'ai failli m'évanouir. J'eus même une vision éclair de mes neurones en train de danser un tango à l'intérieur de mon crâne épuisé.

— Tu es un génie ! la remerciai-je en prenant les billets dans mes mains, toujours un peu étourdie par cette nouvelle. Assure-toi de transmettre mes remerciements chaleureux à ton amie. Je lui souhaite un prompt rétablissement également !

— Bien sûr, je vais leur dire ! répondit-elle avec un sourire.

— Merci infiniment encore une fois ! Il n'y a pas de meilleur cadeau que je puisse offrir à ma chère amie ! ajoutai-je, en regardant à nouveau les billets. 

S'ils me font déjà cet effet, je me demande quelle sera la réaction de Jade !

— En parlant de Jade, ce matin elle m'a dit qu'elle viendrait me rendre visite dans une quinzaine de jours, ce qui tombe à pic ! Encore merci à toi d'avoir pensé à moi et d'avoir parlé à tes amis pour les billets ! lui dis-je en la serrant dans mes bras.

— De rien, c'était la moindre des choses. répondit-elle avec un sourire énigmatique.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? demandai-je, perplexe.

Je pressentais qu'elle allait me sortir une liste de requêtes que je devrais ensuite m'efforcer de satisfaire...

— Est-ce que je n'ai pas le droit de sourire ? se défendit-elle.

— Soit c'est moi qui interprète mal les expressions faciales, soit ton sourire est suspect...

Eonjin soupira puis me fit une pichenette sur le front.

— Il n'y a rien d'étrange dans mon sourire. Je vais finir par me vexer si tu continues !

— Mouais... Je vais faire ma promenade, d'accord ? Je te laisse travailler tranquillement, je vais m'inscrire à une salle de sport dans le quartier.

— D'accord, à plus tard ! Tu penses revenir vers quelle heure ?

— Je ne sais pas... Je risque de m'entraîner pendant un moment et de me balader dans les rues encore un peu... réfléchis-je. Oh ! Que dirais-tu d'aller dîner ce soir au restaurant de ta tante ?

— Excellente idée ! Je vais l'appeler pour lui demander de nous réserver une table. Il vaut mieux être prévoyants...

— Oh mon Dieu, tu me fais penser à Jade, à agir de la sorte ! m'exclamai-je en enfilant mes baskets.

— C'est plutôt une bonne chose, non ?

— Non ! Une Jade me suffit, je n'ai pas besoin d'une deuxième ! Je n'ai pas signé pour ça!

Ma colocataire éclata de rire pendant que je franchissais déjà le pas de la porte.

— Bonne journée ! me lança-t-elle alors que la porte se refermait derrière moi.

— À plus tard !

Bon, alors... La salle de sport la plus proche, où était-elle déjà ? Une rapide recherche sur Mappy me donna la réponse. Elle se trouvait à environ quinze minutes de marche d'ici ! Il n'y avait donc pas très loin à parcourir...

Je me renseignai auprès de la réception sur les tarifs de leur salle. Le prix était raisonnable, alors je m'y inscrivis. On m'a ensuite montré les différents espaces disponibles : un pour le cardio, un autre pour la musculation, et enfin un espace détente. Celui qui m'intéressait aujourd'hui était le premier ! J'avais vraiment envie d'aller courir sur ces petits tapis roulants là-bas, au fond de la salle... Vous savez, ces tapis qu'on voit souvent dans les films, où les héros se mettent au sport !

Deux heures plus tard, je suis revenue épuisée mais contente de ma séance. Eonjin m'attendait depuis un moment déjà pour aller au restaurant de sa tante. J'avoue que j'avais un peu flâné avec les haltères mis à disposition...

Nous sommes donc arrivées un peu en retard par rapport à l'heure convenue avec sa tante.

— Misérables ! Votre retard a refroidi mes plats ! J'avais été prévoyante, sachant que tu prends toujours la même chose, fripouille ! s'exclama la tante envers Eonjin, alors que nous entrions. D'habitude, tu es toujours à l'heure, qu'est-ce qui s'est passé pour que tu aies un quart d'heure de retard ??

— Mademoiselle ici voulait prendre une douche après son sport, alors qu'on était déjà en retard, se défendit Eonjin en me pointant traîtreusement du doigt. Heureusement pour toi que tu ne traînes pas sous la douche ! ajouta-t-elle à mon attention, en prenant place à l'une des tables.

— Sinon quoi ? La tante frappa sa nièce sur la tête avec sa spatule, que je catégorisais désormais comme un "outil dangereux". Qu'aurais-tu fait, hein ? Elle n'a pas le droit de se laver maintenant ? la réprimanda-t-elle.

Je ris de la scène, le menu devant mon visage pour cacher ma joie, tandis que mon amie vérifiait si ses cheveux étaient toujours impeccables après l'attaque de la spatule.

— Ne fais pas attention à elle, vis ta vie comme tu le veux ! Elle est toujours trop pointilleuse malheureusement, dit l'adulte depuis son comptoir. Tout comme sa manie de vouloir que tout soit parfait ! Surtout, ne te vexe pas si elle te dit que la fenêtre n'est pas assez propre ou que tu as mal repassé les vêtements ! Eonjin fait le coup à tout le monde !

— Tatie ! Qu'est-ce qui te prend de déballer toute ma vie devant tout le monde comme ça ! s'exclama ma voisine, s'excusant ensuite auprès des autres clients, gênée par les révélations de sa tante.

Nous avions fini par choisir nos plats, et la tante n'a pas été surprise de constater qu'elle avait encore une fois raison : Eonjin avait commandé les mêmes plats qu'à chaque fois. L'adulte a soupiré avant de transmettre la commande à son chef cuisinier. J'appris plus tard qu'il s'agissait de son mari.

— Et donc, la salle de sport t'a plu ? me relança Eonjin en lissant son pantalon d'une main distraite.

—Absolument ! Je compte bien y aller régulièrement ! m'empressai-je de répondre, souriant de toutes mes dents.

Je n'avais pas menti. Après cette soirée, ma routine se dessina autour de ce nouveau rendez-vous avec la salle de sport. Comme je l'avais annoncé à Eonjin ce soir-là au restaurant, j'étais devenue une habituée assidue. Parfois, Eonjin se joignait à moi.. Une fois épuisée, je rentrais chez nous, éliminais la sueur de mes pores, et m'attelais à la préparation du repas du soir.

Évidemment, mon travail n'était pas en reste. Avec un horaire flexible, mon assistance n'était sollicitée par l'agence que lorsque la situation l'exigeait. Cela signifiait que j'avais beaucoup de temps libre, mais la contrepartie était la nature imprévisible de mes missions. Je ne savais jamais quand SM aurait besoin de mes services, rendant impossible tout planning précis.

Deux semaines s'écoulèrent et le grand jour arriva enfin. Jade devait atterrir aujourd'hui et j'étais chargée de la récupérer à l'aéroport. Pour lui donner un avant-goût de la Corée, j'avais préparé une sélection de mets coréens à grignoter dans le taxi, accompagnée d'une baguette tout droit sortie des célèbres boulangeries "Paris Baguette" du coin. C'était ma mission sacrée de faire apprécier à Jade la subtilité d'une baguette à la coréenne ! Excusez-moi d'être chauvine, mais ces baguettes, aussi proches soient-elles des françaises, gardaient leur petite touche distinctive ! Pas mauvaises, entendons-nous bien, mais le savoir-faire à la française, c'est autre chose !

Je remerciai le taxi qui m'avait menée à l'aéroport de Séoul, refermant la porte avec un bruit sourd.

—Je suis arrivée ! Dis-moi par où tu sortiras, une fois que tu auras désactivé le mode avion... envoyai-je en message à Jade, avant qu'une tornade ne me tombe dessus.

Tout juste réussis-je à la rattraper de justesse, alors qu'elle me couvrait de bisous et de cris de joie. Premier constat : elle a une voix qui porte loin. Deuxième constat : toute l'aérogare s'est retournée vers nous. Troisième constat : elle est plus lourde que prévu. Quatrième constat : les étreintes m'avaient manqué !

La population coréenne n'était pas connue pour sa tactile attitude, malheureusement ! Un choc culturel auquel je peinais toujours à m'habituer...

Une fois le moment d'euphorie passé, Jade posa ses pieds au sol. J'avais vraiment senti chacune de ses courbes généreuses ! Mes bras tremblaient encore de l'effort.

—J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne t'ai pas vue ! s'exclama-t-elle, me tenant le visage comme pour s'assurer que j'étais bien là.

—Sentiments partagés, ma vieille ! lançai-je en lui donnant une tape dans le dos.

Une onde de choc sembla parcourir son corps, faisant onduler gracieusement ses rondeurs. Jade en profita pour replacer ses cheveux courts derrière ses oreilles. Je l'y aidai et m'efforçai à les aplanir, les boucles prenant déjà le dessus.

Une fois la bataille capillaire gagnée, mon amie entreprit de me scruter de la tête aux pieds, tournant même son nez à la recherche d'une quelconque senteur.

—Qu'est-ce que tu fabriques ? m'écriai-je, couvrant instinctivement mon corps de mes mains.

On ne savait jamais à quoi s'attendre avec elle.

—La baguette, où est-elle ? Je sens une odeur de pain. Où est la baguette ? On ne peut pas m'avoir sur mon flair ! déclara-t-elle.

—Ah... J'avais oublié... me souvins-je, réalisant mon erreur. 

Jade pouvait suivre l'odeur du pain comme un limier, tout comme suivre la piste d'une glace pistache, de son glacier au détenteur....

Sortant le pain de mon sac d'un geste théâtral, je le présentai à Jade, qui l'observa avec une faim non dissimulée. Je savais qu'elle avait dû se retenir d'acheter des en-cas dans l'avion. Son souci de l'argent était légendaire ! À quelques exceptions près, comme les dépenses inconsidérées pour les BTS, par exemple ?

—Chère demoiselle, voici un festin spécialement préparé pour l'accueil grandiose et chaotique de mademoiselle, m'amusai-je à déclarer sur un ton posé, m'agenouillant presque pour lui tendre la baguette.

On aurait dit une scène tout droit sortie d'une légende arthurienne, où un chevalier remettait son épée à son seigneur. Jade entra immédiatement dans le jeu, improvisant un discours théâtral sur l'honneur de recevoir ce présent, son importance capitale dans son cœur, et ainsi de suite.

Durant toute la scène, je tentai d'ignorer les regards curieux autour de nous. Oui, nous étions étranges, et alors ? Comme le disait si bien Aristote : "Il n'y a pas de génie sans un grain de folie" !

Sur ces entrefaites, nous nous dirigeâmes vers la voiture en direction du centre-ville, chez Eonjin. J'avais hâte de faire les présentations ! Encore plus hâte que de lui annoncer ma surprise por son anniversaire, six jours plus tard.

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