Chapitre 43: Alliance brumeuse

La pénombre de l'appartement était baignée de la lueur faible de la lune, éclairant discrètement le chemin vers la cuisine. Avec précaution, je contournai les silhouettes endormies, slalomant habilement entre les corps de Jungkook, Taehyung et Suga qui occupaient le salon.

À ma grande surprise, en arrivant dans la cuisine, je découvris Jade, debout près de l'évier, en train de boire un verre d'eau. Un sourire complice se dessina sur nos visages à la vue l'une de l'autre.

— On dirait que nous avons eu la même idée, chuchotai-je pour ne pas réveiller les autres.

Jade rit doucement.

— C'est l'effet festin et rires, ça donne soif. Comment tu te sens après tout ce qui s'est passé aujourd'hui ?

Je m'adossai au comptoir, prenant une gorgée d'eau.

— Mieux, beaucoup mieux. Les rires et la compagnie font des miracles. Et toi?

Jade haussa les épaules.

— Pas mal. Je me sens juste un peu coupable de ne pas être intervenue quand ces gars ont commencé à t'aborder.

— Tu veux mon avis ? Heureusement que tu ne l'as pas fait ! ris-je. Tu te serais retrouvée un gros coquard sur ton joli minois et j'eus été bien embêtée d'expliquer la situation à tes parents !

— C'est un fait...

Nous continuâmes à discuter tranquillement. La nuit s'étirait paisiblement, enveloppant nos confidences.

Un léger bourdonnement retentit, rompant le silence de la nuit calme. Mon téléphone, posé sur le comptoir de la cuisine, s'anima soudainement. L'écran s'illumina doucement dans l'obscurité, révélant un message provenant d'un numéro inconnu.

Mes yeux se plissèrent légèrement alors que je lisais le contenu du message énigmatique. "Tu es la seule à qui je peux donner ma confiance à présent" Accompagnant ces mots, des coordonnées géographiques apparurent, tracées en chiffres précis.

Qui pouvait bien avoir une telle confiance en moi, et pourquoi maintenant? Les questions tournoyaient dans ma tête alors que je partageais le contenu du message avec Jade. Une lueur d'inquiétude se dessina sur son visage, reflétant notre perplexité commune.

— Tu es sûre que c'est une bonne idée de suivre ça ? C'est peut-être un piège, suggéra-t-elle.

La prudence de Jade était justifiée, mais une curiosité irrésistible m'envahissait. La confiance évoquée dans le message suscitait en moi un sentiment d'obligation. Je lui lançai un sourire rassurant.

— Ne t'en fais pas, ça pourrait être important. Réveille les garçons si je ne suis pas de retour dans quarante-cinq minutes. On ne sait jamais.

Alors que je m'apprêtais à sortir, Jade tenta une dernière fois de m'arrêter, inquiète. Un léger mouvement dans le salon figea nos deux silhouettes, mais ce n'était qu'un des garçons qui bougeait légèrement dans son sommeil.

La main sur la porte, je me tournai vers Jade pour apaiser ses préoccupations.

— Ne t'inquiète pas trop, ça peut être quelque chose de totalement inoffensif. Je ne vais pas tarder, et je reste en contact.

Elle hocha la tête, visiblement réticente. La porte se referma derrière moi, laissant derrière elle l'atmosphère calme de la maison endormie. Mon cœur battait un peu plus fort, alors que je m'aventurais vers l'inconnu.

Arrivée non loin du lieu sur la position partagée, je garais la voiture avec empressement. L'atmosphère dans ce quartier délabré était imprégnée de mystère, chaque coin d'ombre suscitant des pensées inquiétantes. Mon instinct me pressait de me hâter, et je m'engageai à pied dans les ruelles étroites.

Les immeubles décrépis se dressaient en silence, leurs fenêtres brisées et leurs façades témoignant d'un passé glorieux maintenant oublié. Les lampadaires vacillants jetaient des ombres fantomatiques sur le sol désert. Mon téléphone en main, je suivis les coordonnées partagées, m'enfonçant davantage dans ce labyrinthe urbain.

***

Devant moi se dressait un hangar verrouillé par un cadenas robuste. J'inspectai les environs et repérai en hauteur une fenêtre aux carreaux brisés. Déplaçant tout ce qui se trouvait à portée de main – poubelle, pneu, planches de bois –, je me créai un support improvisé. Une fois solidement installée, je m'élançai, rattrapai de justesse les rebords de la fenêtre et, d'un coup de pied habile, me hissai pour m'asseoir sur l'appui.

Ma main enveloppée d'un morceau de tissu, je frappai les carreaux restants, créant un passage pour m'infiltrer. Atterrissant plusieurs mètres plus bas, je réalisai une roulade pour atténuer l'impact sur mes muscles endoloris. En position accroupie, je retirai ma capuche pour mieux discerner l'intérieur. La pénombre régnait, mais je discernai sur le sol des taches sombres qui ne laissaient aucun doute : du sang.

Prenant une profonde inspiration pour me préparer à ce que je pourrais découvrir, je m'avançai prudemment.

À la lueur de la faible lumière filtrant des interstices des murs, je distinguai des formes. Des cartons éparpillés, des outils abandonnés et des objets inidentifiables jonchaient le sol. Les murs semblaient avoir absorbé la solitude de cet endroit.

Continuant mon exploration, j'atteignis une partie plus éclairée du hangar. C'est là que je découvris une silhouette affaissée dans un coin. Mon cœur s'emballa. La personne paraissait inconsciente, peut-être blessée. Je m'approchai avec précaution, laissant mon regard scruter chaque détail.

Je laissai la lueur de mon téléphone éclairer le visage de la personne allongée. Le souffle court, je distinguais progressivement les traits familiers de Théo. La surprise me figea un instant, et mes pensées tourbillonnèrent dans ma tête.

Un frisson me parcourut lorsque je réalisai que celui qui avait jadis été un ennemi acharné, un adversaire prêt à en découdre, gisait désormais inconscient à mes pieds. Une ironie cruelle se dégageait de cette scène, et la méfiance s'ajoutait à la perplexité. Mon regard se déplaça du visage de Théo aux environs sombres du hangar, cherchant des indices sur ce qui avait bien pu se passer ici.

Ma main trembla légèrement en déverrouillant son téléphone avec son empreinte. À nouveau, la surprise m'envahit alors que je réalisais que l'expéditeur du message mystérieux n'était autre que lui. Stupéfaite, je me demandais depuis quand cet ennemi juré, pouvait me faire confiance.

Un peu plus tard, Théo ouvrit les yeux, visiblement désorienté. Ma présence semblait l'interroger davantage, mais son regard se posa sur les soins que je lui prodiguais. Un soupir d'inconfort s'échappa de ses lèvres, et il me demanda d'une voix un peu rauque ce que je faisais là.

— Dixit celui qui m'a fait venir, répliquai-je avec un sourire sarcastique, soulignant l'ironie de la situation. 

Les circonstances avaient pris un tour inattendu, et l'alliance temporaire entre nous était autant surprenante qu'étrange.

Théo sembla assimiler lentement la situation, ses sourcils se fronçant légèrement. Il tenta de se redresser, grimaçant sous la douleur. C'est alors que je lui demandai, d'un ton qui oscillait entre la suspicion et la curiosité :

— Que s'est-il passé ici, Théo ? Et pourquoi m'as-tu envoyé ce message ?

Théo me scruta avec méfiance, ne sachant visiblement pas à quoi s'attendre de ma part. Je m'empressai de le rassurer... Ou pas.

— Pas besoin de t'inquiéter, je ne suis pas armée, déclarai-je d'une voix calme.

Un silence s'installa avant que je ne rompe le charme en ajoutant d'un ton nonchalant : 

— Enfin, peut-être que je mens... J'ai peut-être glissé un couteau dans ma poche. Qui sait ?

Poker face en réponse. Bien... Je vois que mon humour est très apprécié par ici...

— Bref, j'aimerais bien une explication quand à la situation.

— Pour être franc, je m'attendais à tout sauf à ce que tu débarques ici à ma demande.

— Accouche, le coupai-je.

— Attends, tu veux que je te raconte toute l'histoire digne d'un soap opera ?

 Théo esquissa un sourire sarcastique, mais son regard trahissait une certaine tension.

— Mais tu vas finir par parler oui??! m'écriai-je en le saisissant par le col, ma curiosité instatisfaite depuis de longues minutes déjà.

— En gros, la Main Noire m'accuse de trahison. Des histoires compliquées de pouvoir, de territoire et d'ego. Tout ça parce que je n'ai pas suivi le plan établi. Et toi, qui es partie de ton gang, tu es la seule personne que je connaisse actuellement en dehors de ce foutoir, alors me voilà! La neutralité, c'est un atout dans ce genre de jeu, n'est-ce pas ?

Il haussa les épaules comme si toute cette situation n'était qu'un jeu de circonstances auquel il ne pouvait échapper. La résignation flottait dans l'air.

— Ah, donc l'idée lumineuse t'est venue de demander de l'aide à quelqu'un à qui tu as fait un trou dans l'abdomen il y a quelques années...

Ma voix résonnait avec un cynisme évident.

— À vrai dire, je misais sur le fait que tu ne laisserais pas un mystère irrésolu, répondit-il d'un ton désinvolte. C'était soit ça, soit je mourais.

— C'est sûr qu'avec tout le sang que tu crachais à mon arrivée, c'est exactement ce qui se serait passé si je n'avais pas été là.

Théo éclata de rire, mais la douleur dans sa poitrine le fit s'interrompre brusquement.

— Quoi? Demandai-je.

— Nan rien, pendant un instant j'ai imaginé mes anciens "collègues" en train de nager dans les littres de mon sang, un coktail à la main, fêtant ma mort.

— Mais ma parole, c'est que t'es barjot dis-moi!

— Plus sérieusement... Merci, Ambre, reprit-il.

Je relevai la tête, étonnée.

— Quoi? demanda-t-il en voyant ma réaction.

— Rien, c'est juste que c'est la première fois que tu m'appelles par mon prénom... Et puis c'est pas tous les jours qu'un ennemi me remercie, je te ferais remarquer !

— Ambre, Ambre, Ambre... répéta-t-il comme s'il essayait de s'habituer à l'idée. Ah bon? Si tu le dis...

On entendit du bruit à l'extérieur. Sur le qui-vive, on se redressa. Théo était prêt au combat, malgré ses blessures. Je reconnus la voix de Jade, et il semblait qu'elle n'était pas seule: d'autres personnes l'accompagnaient.

Je regardais l'heure affichée sur le téléphone. Mince, j'avais dépassé l'horaire fixé, et j'avais oublié de lui envoyer un message pour la rassurer. Elle avait probablement suivi ma trace à l'aide du message de Théo que je lui avais fait suivre.

— Tu la connais?

J'hochai la tête.

— Jade?

— Oui, c'est- Attends, comment tu connais son nom?

— Et comment j'ai obtenu ton numéro, à ton avis? fit-il remarquer.

Haussant les épaules, j'entrepris d'ouvrir le hangar, toujours verrouillé, en utilisant une approche "démolition contrôlée". Une planche, deux planches, trois planches... La porte semblait aussi solide qu'un château de cartes lors d'un typhon. Une fois dehors, Jade me sauta dessus. Les trois plus jeunes du groupe des garçons, Jungkook, Jimin et Taehyung, étaient derrière elle.

En voyant le sang sur mes mains, Jade se mit à paniquer.

— Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?? Ça va ?! Tu n'es pas blessée ?!?!

Je la rassurai tout de suite en lui expliquant la situation. Théo apparut derrière moi à cet instant précis, comme par magie. Il avait déplacé un pan de tôle dans le mur, faisant de moi la personne la moins cool du groupe. Je le regardai, désabusée.

— Tu ne pouvais pas me le dire plutôt ? Ça m'aurait évité de casser la porte.

Je regrettais déjà de lui être venue en aide lorsque je croisai le regard de Taehyung. Un regard aussi incisif qu'une enquête de la CIA. Je ne savais ce que cela voulait dire, mais je me sentais confuse, voire coupable, comme si j'avais fait quelque chose de mal. Il s'approcha de moi pour vérifier, tout comme Jade, mon état. Il souffla d'aise en constatant que je n'avais effectivement rien.

Pendant ce temps, Jimin faisait le guet, scrutant les environs à la recherche d'un danger potentiel, tandis que Jungkook lançait à Théo un regard méfiant qui aurait pu rivaliser avec celui d'un détective privé cherchant à démasquer un imposteur. Soyons honnêtes, qui ferait confiance à un mec ensanglanté contactant votre amie minuit passé ? Même un détective amateur aurait émis de sérieux doutes à ce sujet.

Soudain, Jimin m'attrapa le bras plutôt méchamment. Des ombres se dessinaient, nous encerclant. Jade se crispa, tandis que les garçons se placèrent instinctivement en position de défense. Théo, bien que blessé, se redressa, dégageant une aura indomptable.

Il fixa les inconnus avec une intensité telle que l'atmosphère devient électrique. Puis, d'une voix grave et teintée d'une assurance mordante, il lâcha :

— La nuit ne fait que commencer, et déjà les cartes sont redistribuées. Préparez-vous, mes amis, car le jeu s'annonce des plus captivants.

Je m'avançai et me plaçai à ses côtés.

— Tu sors ça d'où? lui demandais-je, sortant un couteau de ma poche, prête à me battre à ses côtés pour la première et dernière fois.

— Touché, coulé. J'espérais que tu ne t'en rende pas compte.

— Tu devais t'y attendre, tu n'es pas aussi loquace que ça dans mes souvenirs.

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