Chapitre 3: Des flageolets pour la route

Le jour s'annonçait à travers un rayon taquin qui se faufilait entre les pans de mes rideaux. Il devint insistant, m'invitant à émerger de mon sommeil. L'horloge digitale à côté de moi clignotait 7:00. L'excitation monta instantanément en moi, malgré la brume persistante de la fatigue matinale. Dans à peine deux heures et demie, je devais me présenter devant l'agence. L'idée refusait toujours de se fixer dans mon esprit engourdi : l'une des géantes de l'univers de la K-pop, SM Entertainment, s'intéressait à moi !

Je me redressai dans mon lit, les yeux fixés sur le plafond. Une vague de pensées tumultueuses tourbillonnait dans mon esprit, toutes plus vives les unes que les autres. Mes pensées dérivaient entre les souvenirs des longues heures de pratique acharnée dans ma chambre, à tenter de reproduire les performances impressionnantes des idoles. Maintenant, cette obsession prenait une dimension inattendue, se concrétisant en une opportunité réelle. Je tentai de calmer les battements frénétiques de mon cœur, mais l'excitation se propageait dans mes veines comme un feu insatiable. Ce rendez-vous représentait bien plus que la simple possibilité de réaliser mon rêve. C'était une brèche dans un univers autrefois inaccessible, une chance de défier les limites de mon destin, de laisser ma marque dans le monde étincelant de la musique pop coréenne.

Je lançai un regard à la pièce qui s'illuminait progressivement, des ombres dansantes jouant sur les murs. L'heure pressait, mais chaque seconde s'étirait, chargée d'attente et d'appréhension. Je me levai d'un bond, mes pieds touchant le sol froid, et la réalité s'imposa enfin, m'arrachant à mon état de rêverie. Ce n'était pas le moment de flancher. Je me hâtai vers la salle de bains, l'excitation se mêlant à une légère appréhension. Mon avenir se déroulait devant moi, vibrant d'incertitude et d'espoir, et j'étais déterminé à en saisir chaque instant, à laisser mon empreinte dans les annales de la K-pop.

Alors que l'eau tiède s'écoulait sur ma peau, je laissai mes pensées vagabonder vers le moment où tout avait commencé. Un sourire timide se forma sur mes lèvres en me rappelant l'excitation qui m'avait submergée à la réception de cet e-mail si crucial. "Eh bien, bon sang, ils ont enfin remarqué ma présence !" avais-je lancé. Je secouai la tête, faisant presque glisser mon shampooing dans les abysses de la baignoire. Mais aussitôt, une alarme discrète mais insistante s'était déclenchée dans un coin reculé de ma tête.

Je me rappelai avoir immédiatement entrepris une recherche rapide pour mieux appréhender ce que signifierait cette opportunité. Les résultats de ma quête m'avaient propulsée dans un tourbillon de noms célèbres, de superstars et de groupes légendaires. Super Junior, Girls'Generation, Shinee, EXO, Red Velvet... Chacun de ces noms était accompagné de récits de succès retentissants, d'ascensions fulgurantes vers les sommets de l'industrie musicale mondiale.

Un sourire diabolique s'était étiré sur mon visage, mais pas pour les raisons nobles que l'on pourrait imaginer. Non, c'était pour la simple et pure perspective de voir mon compte bancaire passer d'un rouge à un vert criard. Merci à la magie du capitalisme et de SM Entertainment !

Lorsque je finis par éteindre le jet, une brume tiède flottait dans la pièce, adoucissant les contours nets de tout ce qui m'entourait. Je m'emparai du rideau de douche, le faisant glisser lentement sur son rail en métal. Un frisson fugace parcourut ma peau, réveillant mes sens de leur torpeur tranquille.

Je posai le pied sur le tapis de bain moelleux, laissant une empreinte humide derrière moi. L'air était rempli du parfum doux et propre de mon shampoing, s'entremêlant avec celui du gel douche aux agrumes. Une légère buée flottait devant le miroir, comme un voile pudique dissimulant mes reflets furtifs. Je pris une serviette douce et épongeai délicatement chaque parcelle de ma peau, chassant les dernières gouttes d'eau qui s'accrochaient à moi comme des perles capricieuses.

Debout devant ma valise éventrée, je scrutais mes vêtements avec une expertise forgée au fil d'innombrables entretiens d'embauche. S'adapter au style de chaque entreprise était devenu une seconde nature pour moi. Mais cette fois, c'était une toute autre affaire. La K-pop, cet univers énigmatique où la mode semblait tenir les rênes, exigeait un sens aigu de l'esthétique. Pour cette seconde audition axée sur la danse, tout se compliquait : je devais être à la fois dans le coup, et libre de tout mouvement entravant. Pas de place pour les faux pas vestimentaires !

Après un bref moment de réflexion, je me décidai pour un compromis décontracté-chic. Un sweat-shirt d'un bleu ciel lumineux et un jogging gris s'étaient imposés comme mes compagnons de route pour cette journée cruciale. J'ajustai rapidement les manches du sweat-shirt et tirai sur les extrémités du jogging pour parfaire l'illusion d'une tenue soigneusement étudiée. Me scrutant dans le miroir, je réalisai que les tenues sportives ne faisaient pas grand-chose pour mettre en valeur mon sens inné du style. "Bon, ça fera l'affaire", me résignai-je en haussant les épaules. Après tout, dans ce monde impitoyable, parfois, il faut savoir jongler avec les vêtements à portée de main.

Je me rapprochais du miroir avec un bâillement qui se mua en un soupir las. Sous mes yeux marron, je pouvais observer la trace du décalage horaire. Habituellement, le maquillage ne faisait pas partie de mon rituel matinal, mais aujourd'hui, la réalité me rattrapa sans ménagement. Il allait falloir dissimuler tout ceci avec un peu d'anti-cernes, au moins pour paraître un tant soit peu présentable. Mes yeux sont ce qui faisaient ma fierté, mais leurs sillons bleutés ne m'aidaient pas... Clairs et parsemés de taches jaunes ocres, c'était ces mêmes yeux qui avaient inspiré mon nom, Ambre, aux policiers qui m'avaient retrouvée. Au début, j'avais cru à une malformation, mais j'avais appris à les chérir, ces imperfections étranges.

J'expulsai ces divagations futiles en clignant des yeux avec l'intensité d'une chouette contrariée. Il n'y avait pas de temps à perdre: ma tignasse rebelle semblait déterminée à me jouer des tours ce matin-là. Je m'efforçai alors de façonner mes cheveux en un chignon approximatif, quelques mèches récalcitrantes s'échappant de l'ensemble comme des fugitives en cavale. En matière de cheveux, j'étais le prototype même de la banalité : une simple brune sans caractéristiques particulièrement marquantes, sans les boucles folles ou les reflets flamboyants qui font tourner les têtes. Cette réalisation m'arracha un sourire moqueur. Au moins, dans le grand bal des soucis de célébrité, je pouvais me vanter d'avoir la tranquillité d'une feuille morte flottant sur l'étang.

Le compte à rebours de mon départ était déjà lancé, ainsi mon petit déjeuner fut englouti comme si j'étais en compétition pour le titre mondial d'avaleurs de céréales. Mes dents subirent un brossage éclair, probablement plus rapide que l'éclair lui-même. Et puis, libérée, je m'échappai enfin de l'hôtel.

Le trajet, je le fis à pied. Oui, c'était plus long que de prendre un taxi, mais au moins mes jambes ne se mettraient pas en grève pour protester. Un peu d'exercice improvisé ne faisait de mal à personne, n'est-ce pas ?

En chemin, je me laissai distraire par la vie trépidante de la cité, capturant ici et là quelques moments clés du paysage urbain, d'arbres désespérément solitaires et d'une multitude de chiens qui semblaient avoir envahi la ville, leur mignonnerie conquérant mon cœur à chaque coin de rue. Cependant, la voix de la raison se fit entendre, me murmurant de cesser cette activité si je voulais que mon pauvre téléphone puisse survivre à la journée. Je glissai donc l'appareil dans ma poche avec une légère appréhension. La dernière fois que j'avais vérifié, ma galerie était devenue un nid douillet pour pas moins de quatre-vingts nouveaux clichés, tous loyalement installés et prêts à drainer la précieuse énergie de ma batterie.

Une fois à l'intérieur du vaste complexe de SM Entertainment, je m'annonçai au centre de réception avec un mélange de nervosité et d'excitation. Après quelques indications, je me retrouvai au premier étage, guidée le long d'un couloir étincelant, encadré de baies vitrées. Une femme au sourire rassurant me pria de patienter sur l'un des bancs soigneusement alignés, destinés aux candidats comme moi. Obéissante, je m'assis, tentant en vain de dissimuler mon impatience grandissante. Pas moins de dix minutes plus tard passées à trépigner sur mon siège, une porte s'ouvrit enfin, libérant un flot d'anticipation, et mon nom s'échappa des lèvres d'un membre du personnel.

—Ambre Sulot est-elle ici? s'éleva une voix avec un accent coréen plus prononcé que celui d'un plat de kimchi épicé.

Sans même y réfléchir, je bondis de mon siège, comme propulsée par un ressort surpuissant, et me dirigeai vers la porte ouverte. J'entrai dans la pièce avec une hésitation à peine perceptible, puis, en un éclair de lucidité, je me repris. Les premières impressions, après tout, étaient cruciales, et je ne pouvais me permettre de ruiner mes chances en donnant l'impression d'être une timide chronique. J'entamai donc ma marche vers l'avant d'un pas aussi résolu que possible. Bon, d'accord, mes pas n'avaient rien de spectaculaire, mais dans mon esprit, ils semblaient plus grandioses que ceux d'un géant en pleine parade. Je ne peux pas me vanter d'avoir une taille qui inspire le respect, mais je ne suis pas non plus une candidate pour un rôle dans Blanche-Neige. Je me réconfortais en me disant que la simplicité a son charme, n'est-ce pas ?

Je m'inclinai devant mon public restreint mais redoutable, composé de trois jurés d'une trentaine d'années chacun. L'un d'eux griffonnait fébrilement sur des fiches, semblant à la fois absorbé et agacé par ce qu'il y découvrait. M'asseyant sur une chaise métallique qui semblait tout droit sortie d'un film de science-fiction bon marché, je me préparai mentalement à affronter leurs questions qui semblaient tomber sans fin, aussi implacables que les annonces de retard dans un aéroport bondé.

—Alors, vous êtes bien Ambre Sulot, n'est-ce pas ? répétèrent-ils par acquis de conscience.

—Bingo ! C'est bien moi ! rétorquai-je avec une assurance presque déconcertante, comme si j'avais préparé cette réplique depuis ma naissance.

Leurs visages fatigués par une journée de sélection sans fin s'illuminèrent brièvement de quelques sourires épuisés. Était-ce bon signe ou devais-je les prendre pour des guignols sarcastiques en quête de divertissement dans leur marasme professionnel ?

Après un bref rappel de mon parcours, ils firent référence à mon audition virtuelle qui, selon eux, était restée gravée dans les annales de la SM Entertainment. "Nous avons déjà un aperçu de vos motivations et de vos compétences, mais aujourd'hui, c'est la vraie épreuve, la mise en situation grandeur nature !" déclarèrent-ils avec une solennité qui semblait presque parodique.

Je hochai la tête.

—Si nous mettions de la musique, seriez-vous capable de danser dessus ?

—Bien entendu ! clamai-je, sereine.

Je me levai de ma chaise, saisie par l'énergie frénétique de la musique qui battait déjà son plein. Un souffle profond s'échappa de mes lèvres, emportant avec lui un tourbillon d'émotions incontrôlables. Je tentai de focaliser mon esprit en priant silencieusement pour que la concentration et l'inspiration daignent faire une apparition soudaine. Les premières notes m'emportèrent dans une danse étrange, un mélange chaotique de gestes calculés et de mouvements spontanés. Mon corps se lança dans une série de soubresauts rythmés, une quête effrénée de mouvements adroits et opportuns.

Je me lançai dans l'air, semblant flotter pour un instant, puis glissai sur le sol, tentant d'incorporer une certaine fluidité à mes mouvements saccadés. Un moment en particulier se gravait dans ma mémoire : j'avais contraint ma cheville à effectuer une rotation forcée pour éviter une chute embarrassante, propulsant mon corps dans une arabesque sauvage, comme si mon équilibre dépendait de ce geste imprudent.

La danse prit fin, mes mains tremblantes masquant mon visage dans une tentative désespérée de camoufler ma dégaine désastreuse. Les observateurs pourraient penser que ce geste était une touche artistique bien pensée, ajoutant une dimension mystérieuse à ma prestation. Mais la vérité, aussi frustrante soit-elle, résidait en une seule explication : mes mains agissaient comme un bouclier pour dissimuler l'horrible résultat de ma performance sur mes cheveux, maintenant plaqués sur mon front par la sueur, formant une frange épouvantable.

Toujours en proie à l'extase de ma propre performance, je répondis machinalement aux questions qui me furent posées, mon esprit encore suspendu dans les nuages de ma prestation. Les voix des jurés semblaient s'éloigner et se mêler au bourdonnement des pensées qui tournoyaient dans ma tête, créant un brouhaha confus mais agréable.

Une bonne demi-heure plus tard, je fus libérée de l'interrogatoire. Un sourire de contentement s'étira sur mon visage. J'avais donné le meilleur de moi-même, et il était indéniable que j'avais accompli un travail remarquable. Ils m'avaient spécifiquement demandé de transmettre des émotions au spectateur, en particulier la tristesse. 

La tristesse était une vieille amie avec laquelle j'avais appris à composer, mais pas à exhiber. Cette familiarité paradoxale avec celle-ci rendait étrangement difficile la tâche de la retransmettre, plus que d'embrasser la joie ou de se plonger dans la colère. Elle était comme un précieux secret que je gardais soigneusement enfoui, une émotion que je connaissais intimement mais que je n'étais pas prête à révéler au grand jour.

Alors que je reprenais lentement mes esprits, une lueur d'espoir s'éleva en moi, portée par l'optimisme que semblaient exprimer les membres du jury. Pourtant, la certitude restait insaisissable, comme une brume persistante qui se refusait à se dissiper. Il était toujours possible qu'une candidature plus éblouissante que la mienne vienne éclipser mes modestes efforts, me reléguant au rang de simple spectatrice dans cette aventure.

Je m'apprêtais à prendre congé, mes pas résonnant déjà sur le carrelage de l'allée, quand une porte s'ouvrit brusquement, laissant échapper un tumulte de pas et de voix enchevêtrées. Sans même poser les yeux sur la scène, je devinais la présence d'une poignée de personnes. Intriguée, je me retournai pour observer deux groupes distincts échanger des au-revoirs chaleureux.

Je crus un instant que j'étais en train de rêver éveillée. Quelle était la probabilité pour moi de tomber sur ces personnalités ? Il s'agissait ni plus ni moins des BTS et des Shinee qui se livraient à une salve d'accolades. Je me préparais discrètement à me fondre dans les ombres et à disparaître, tel une spectatrice chanceuse d'observer cette scène. Cependant, mon plan fut rapidement contrecarré lorsque le manager d'hier, m'ayant remarquée, me fit signe d'approcher. J'avançai vers eux avec une certaine hésitation, sentant le regard curieux des autres membres du groupe peser sur moi. J'avais un sentiment de culpabilité sourde, résultat de ma fuite précipitée la veille, qui me fit baisser les yeux, honteuse de mon manque d'élégance.

— Hello~ Désolée pour la dernière fois, j'avais... Un rendez-vous avec mon poisson rouge malade ? lançai-je avec un sourire éclatant.

Je n'ai pas de poisson rouge.

Pendant que j'attendais une réponse, l'alarme incendie dans mon cerveau s'enclencha brusquement. Mes neurones, se bousculant les uns les autres dans un tumulte chaotique, fouillèrent frénétiquement à la recherche du dossier bien rangé par Jade dans l'un des recoins obscurs de ma mémoire. Le dossier arriva enfin en tête de ma pile mentale, juste à temps pour sauver les apparences, comme un ami fidèle qui vous tend un mouchoir au moment opportun. Je l'ouvris avec empressement, dévorant les informations sur les membres comme si j'étais en train de mémoriser la liste des ingrédients d'un plat compliqué. Mais pour ce cher Taehyung, il était clair qu'aucun dossier n'était nécessaire. Les présentations étaient déjà faites.

Mon regard se posa sur le jeune homme brun, assis près de V avec une aisance déconcertante. Il ne fallut qu'un instant pour que mon esprit connecte les points et que je réalise qu'il s'agissait de Jungkook, le principal vocaliste et également le plus jeune du groupe. Un salut silencieux fut adressé à mes vaillants neurones qui, après avoir fait le gros du travail, reprirent leur position de veille.

Mon observation se poursuivit, s'arrêtant finalement sur l'une des figures qui se démarquait du lot. Vêtu de la tête aux pieds d'une teinte kaki, avec un air de lassitude affiché sur le visage, je reconnus en lui Suga, ou Yoongi, de son vrai nom.

Un mouvement à ma droite m'alerta d'une présence. C'était Jimin, le grand ami de V, qui m'adressait un sourire radieux. Son énergie rayonnante et sa bienveillance naturelle semblaient jaillir de lui sans qu'il en soit lui-même conscient. Il s'était approché du leader du groupe, curieux de comprendre la raison de ma présence. Les yeux perçants du dit leader,  Namjoon, ou RM, me donnèrent l'impression qu'il avait déjà été informé de toute l'histoire par Taehyung.

Un léger chuchotement de voix à ma gauche capta mon attention, me faisant pivoter sur mes talons. C'était simplement Jin, le membre le plus âgé du groupe, accompagné de J-Hope, alias Hoseok, qui semblait extrêmement intéressé par la perspective d'obtenir plus de détails croustillants sur les événements de la veille.

La question redoutée, celle qui planait tel un nuage sombre au-dessus de nos têtes, finit par être soulevée par leur manager. J'eus une soudaine envie irrépressible de filer à toute vitesse, encore une fois. Comment expliquer à ces têtes dures que je n'étais ni désireuse ni digne d'une récompense ? Au contraire, l'idée même me plongeait dans un embarras profond. J'avais simplement aidé parce que c'était nécessaire, point final. Après un court moment qui semblait s'étirer jusqu'à l'infini, je me résolus à prononcer la première chose qui me vint à l'esprit, dans un acte désespéré.


—Une banane pourrie.

Ma déclaration déclencha un silence gêné, avec tous les regards fixés sur moi, comme si j'avais soudainement proposé quelque chose de parfaitement insensé.

—Pardon ? répéta le manager, l'air aussi perdu que moi.

Peut-être que mes neurones avaient un peu trop fricoté le dossier de tantôt et perdus la tête en cours de route. Qui sait ?

— Eh oui, une banane pourrie ! C'est ce qu'il y a de mieux au monde, un vrai délice ! m'exclamai-je, alors même que mon cerveau essayait de se faire la malle.

Après l'inévitable tempête de rires qui suivit ma déclaration fantaisiste, je me retrouvai à rougir jusqu'à la racine de mes cheveux, sentant une goutte de sueur dévaler péniblement le long de ma colonne vertébrale.

—Bien, bien... tentai-je maladroitement, essayant de trouver un moyen de rectifier le tir. 

Mais en vain. Comment expliquer ce déluge d'idées farfelues?

—Je vais devoir m'en aller, j'ai... des patates à éplucher, malheureusement ! annonçai-je avec une fausse sérénité, tournant les talons dans un mouvement qui se voulait décidé mais qui trahissait en réalité ma fuite précipitée.

Le manager me retint de justesse.

—Est-ce que vous vous moquez de nous ? demanda-t-il, une lueur d'incompréhension dans les yeux.

—Oui, c'est ça, je préfèrerais une boite de flageolets ! répliquai-je du tac au tac, avec un sérieux feint, déclenchant un nouveau déluge de rires chez les garçons. 

Leur manager, cependant, affichait toujours une expression de pure perplexité, comme s'il était convaincu d'avoir été parachuté dans un sketch absurde sans le moindre avertissement.

Je m'échappai ensuite telle une furie vers l'ascenseur, mes doigts tambourinant frénétiquement sur le bouton du rez-de-chaussée. "Allez, mon grand, on se bouge !" pensai-je avec empressement, alors que l'ascenseur commençait sa descente vers la liberté, ou du moins vers la relative sécurité du rez-de-chaussée.

Je laissai échapper un long soupir de soulagement une fois à l'extérieur, gonflant mes poumons de l'air vicié saturé de l'odeur enivrante des pots d'échappement. C'est à ce moment précis que la réalité de ce qui venait de se passer me frappa de plein fouet. J'avais tout juste fini de passer devant un jury que je m'étais embarquée  dans un numéro de clown devant les BTS, mondialement connus. Oh la la... Rien qu'à y penser, je sentais un besoin urgent de me réfugier derrière un grand verre de coca bien glacé pour noyer mes chagrins!

Ainsi, je me lançai à la recherche d'un café tranquille où je pourrais prendre un moment pour moi. Heureusement, il y en avait un à proximité. J'y entrai, commandai ma cannette de coca, puis m'installai confortablement sur l'une des chaises de la salle. Les bulles frétillantes de ma boisson chatouillaient mon palais, tandis que le parfum réconfortant du café d'un voisin chatouillait agréablement mon nez. Une douce mélodie rétro émanant du bar caressait mes oreilles, créant une atmosphère paisible et agréable. C'est à ce moment-là que je reçus un appel vidéo de Jade. Eh bien ! Avec les évènements d'aujourd'hui, j'avais encore de quoi la rendre jalouse.

—Tu as passé une bonne nuit ? demanda Jade de l'autre côté de la ligne.

—Divinement ! J'ai dormi comme un loir ! Hormis ce fichu décalage horaire... Et toi ? répondis-je.

—Disons que j'ai beaucoup cogité sur une certaine photo qu'une certaine amie m'a envoyée, mais tout baigne ! souffla-t-elle.

En plaisantant, je lançai, "En parlant de ça... Devine qui je viens de croiser ?"

—Si tu me dis que c'est V, je viens en Corée pour venir récolter ta chance ! s'écria-t-elle.

—Raté ! Non seulement V, mais aussi tout le reste du groupe, révélai-je.

Le silence s'installa pendant un moment.

—Hé, tu es décédée ou quoi ? demandai-je en riant.

—Très bien ! Si c'est ainsi, j'embarque illico !! répliqua-t-elle avec enthousiasme.

—Rappelle-toi que tu as un examen dans trois jours ! Tu ne peux pas te permettre cette folie ! la raisonnai-je. De plus, je ne suis pas certaine que tes finances apprécieront le geste...

—Mais ce n'est pas juste ! Pourquoi c'est toi qui peux les voir alors que tu n'en es même pas fan ? protesta-t-elle.

Je lui promis avec un sourire dans la voix, "Si un jour, je les recroise, j'essaierai d'avoir leurs autographes pour toi."

—Tu n'as pas intérêt à oublier cette promesse ! Si tu le fais, je hanterai tes cauchemars jusqu'à la fin de tes jours ! plaisanta-t-elle.

—Oui oui, ne t'inquiète pas ! assurai-je. Je crois que je vais te laisser et aller faire ma parfaite touriste dans les environs. Surtout, prends garde à tes notifications... Tu risqueras de recevoir pléthore de photos ! dis-je alors.

—Rien de nouveau dans ce cas, le protocole habituel ! répondit-elle, amusée.

—En effet ! Bonnes révisions à toi pour ton examen ! lui souhaitai-je.

—Merci ! Bye~ termina-t-elle avant que nous ne raccrochions.

Je me levai pour jeter ma cannette dans la poubelle la plus proche, saluant les employés du café d'un hochement de tête décontracté. Dès que je franchis le seuil de la porte, le vent décida de jouer à saute-mouton avec mes cheveux, comme s'il avait soudainement pris des cours de coiffure. À ce stade, j'avais sérieusement besoin de l'adresse du service des réclamations météorologiques pour leur donner un cours intensif sur la politesse du temps. Qui sait, peut-être qu'ils pourraient offrir des réductions sur les éclairs et les bourrasques intempestives ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top