3. Beautiful Tango.
Août 2013
April
Je me levai, légèrement sonnée. Je n'avais qu'une seule envie : aller courir pour me dépenser. J'attrapai une brassière de sport, un legging et un sweat. J'enfilai ma tenue en un claquement de doigt, je m'attachai les cheveux en un chignon flou et mis une paire de basket. J'emportai avec moi mon téléphone et mes écouteurs que je rangeai dans la poche de mon sweat.
Je descendis les escaliers et me retrouvai face aux jumeaux. Je ne prêtais guère à attention à leur regard brûlant sur mon corps épuisé par le jetlag. Je survolai la pièce en un regard, essayant de repérer mon père qui avait décidé de se cacher. Parfait, je n'avais aucune envie de le voir.
J'ouvrai le frigo et me servis un verre de jus de pomme. Je le bus d'une seule traite et remis la bouteille à sa place ainsi que mon verre dans la machine à laver.
— Tu comptes aller où comme ça, à huit heures du matin ? me demanda Antoine.
Sa voix était grave et je devais l'avouer, elle était vraiment très sexy.
Je souris et roulai des yeux. Je me tournai vers les deux frères et fis claquer ma langue contre mon palais. Je sentais qu'Antoine me dévorait des yeux et que ça avait le don de faire marrer Charles.
— Je vais entretenir mon corps de déesse, finis-je par répondre en sortant de la cuisine.
— Je peux venir avec toi ? se précipita Antoine en se levant de sa chaise.
Charles ricana, je me tournai vers Antoine en souriant. C'était vraiment drôle à voir. J'haussai les épaules, sa compagnie ne me dérangeait pas plus que ça finalement.
— Charles tu viens avec nous aussi, décida Antoine. J'enfile une sweat et c'est parti.
— T'as pas entraînement normalement ? lui demanda son frère amusé de son enthousiaste.
— Non, c'est ce soir.
Ils montèrent et descendirent une bonne dizaine de minutes après. Nous sortîmes de l'appartement en dévalant les escaliers. Quand nous fûmes dehors, j'inspirai l'air frais et souris. Étrangement, j'étais de bonne humeur ce matin.
— On va où ? hasarda Charles en soupirant.
— Le plus loin, et le plus longtemps possible.
Antoine sourit et nous fit signe de le suivre. Il avait une idée derrière la tête, mais ça ne me dérangeait pas. Pire, j'aimais ça. Ce gars faisait bizarrement ressortir mon côté sombre que j'avais tant laissé de côté ces derniers mois.
Je me retrouvai donc à courir dans les rues de la capitale française, avec deux jumeaux que je ne connaissais à peine. Parfois l'un d'eux faisaient des blagues pour détendre l'atmosphère silencieuse. Nous arrivâmes sur les quais de Seine, le soleil commençait à taper et il faisait chaud. Je décidais d'enlever mon sweat, que je nouais autour de ma taille. Les garçons reprirent leur souffle, ils avaient l'air épuisés.
— Tu n'es pas fatiguée ?
Je secouais la tête en souriant.
— Non, jamais, et certainement pas en faisant du sport, ris-je.
Ils sourirent tous les deux et échangèrent un regard complice, que j'ignorai. Nous nous assîmes tous les trois, les pieds au dessus de la Seine. J'observais les péniches qui passaient devant nous.
— Tu faisais quoi comme sport avant de partir ? me demanda Charles en tournant la tête vers moi.
— Je courais avec mon frère, je faisais de la boxe et puis du volley. Mon copain m'apprenait aussi à jouer au foot.
J'adorais faire de la boxe et jouer au volley. C'était les activités sportives que je préférais faire. J'aimais les sports de combats et également d'équipe.
— J'adore cette fille, lâcha Antoine en souriant avec arrogance.
— D'ailleurs j'aimerai continué de faire de la boxe et du volley, vous savez où je pourrais m'inscrire ?
— Oui, je t'y emmène lundi prochain, tu viens me chercher au lycée et on y va, lança Antoine.
— T'en perds pas une miette, le taquina Charles.
J'esquissai un sourire, amusé.
— C'est d'accord, répondis-je contente.
Il se tourna vers moi en souriant fière de lui. Il passa sa main dans ses cheveux bruns.
— Génial.
Nous nous relevâmes et nous continuâmes de courir. Nous finîmes par rentrer à la maison – je détestais dire ça. Quand nous posâmes un pied dans l'appartement, Valérie, qui lisait un magazine de mode dans le salon, se retourna en souriant, contente de nous voir tous les trois.
— Vous êtes allés où pour finir dans cet état ? rigola-t-elle en se levant pour nous dire bonjour.
— April nous a proposé d'aller courir avec elle, répondit sèchement Charles.
— On est allé jusqu'aux quais, rajouta Antoine fière de lui.
Leur mère sourit et me regarda. Elle me contemplait plutôt et c'était très embarrassant.
— C'est génial, tu as eu une très bonne idée April.
Je la remerciai et me tournai vers les garçons.
— Tous les dimanches matins, huit heures pile, si vous n'êtes pas dans la cuisine je partirais sans vous, leur dis-je. Je vais me doucher, à toute à l'heure.
Je les laissai et montai en haut. Je pris un jean et un débardeur au hasard, dans ma valise, j'allai dans la salle de bain et fermai le verrou. Je sautai sous la douche, laissant l'eau fraîche couler sur ma peau chaude. Je fermai les yeux et restai comme ça pendant un long moment. Je savourai ce moment de détente, cette course m'avait bien défoulé. Bien que j'appréhendais toujours le moment où je verrai mon père, je ne comptais pas lui reparler. Je n'avais pas besoin de lui pour me débrouiller, j'avais mon propre compte bancaire depuis un an maintenant, où il versait une somme d'argent assez importante tous les mois, j'avais juste à utiliser la carte qu'il m'avait fait faire. De toute façon, ça faisait bien longtemps que je m'étais rendue compte que mon père s'en foutait de sa famille. Je me demandais même pourquoi il m'avait forcé à venir avec lui ici. Cela restait encore un pur mystère.
Je me savonnai puis me rinçai. Après avoir quitté la douche, j'enclenchai ma playlist en mode aléatoire. Je m'habillai et retrouvai les garçons dans la pièce télé. Je m'assis et mon téléphone diffusa une chanson qui attira mon attention. Ne me dites pas qu'il a osé faire ça. Je souris quand j'entendis la chanson. C'était moi. Il avait téléchargé la chanson que j'avais reprise à la radio. Lost on you. Je me mis à chanter, comme si j'étais totalement inconsciente.
— Let's raise a glass or two...
Je souriai et des larmes s'échappèrent de mes yeux. Je me souvenais de ce moment, Luc m'avait accompagné pour que je chante à la radio. Je n'avais pas cessé de le regarder en souriant niaisement.
La chanson prit fin beaucoup trop vite à mon goût et je mis pause au mode aléatoire pour me remettre de mes émotions.
— C'était toi pas vrai ? Me demanda Antoine, surpris.
J'acquiesçai et baissai la tête.
— C'était magnifique.
— Merci, bredouillai-je honteuse.
— Je sens que je vais plus la lâcher, rigola Antoine. Tu chantes souvent ?
— J'ai juste enregistré cette chanson, après on m'avait contacté pour en chanter une avec quelqu'un mais mon père a refusé, dis-je sèchement.
Ils ne répondirent pas et je les remerciai secrètement. Je n'avais pas envie d'en parler. Il s'agissait d'un sujet extrêmement sensible que je préférais mettre dans un coin de ma tête pour l'oublier. Ce jour-là, mon frère c'était énervé contre mon père car il ne comprenait pas pourquoi il avait refusé. Il estimait qu'à cause de lui je ne pourrais pas réaliser l'un de mes rêves et il trouvait cela injuste qu'un père ne pense pas au bonheur de son enfant.
— Bon, je vais ranger mes affaires, je vous laisse, dis-je en m'enfuyant dans ma chambre.
J'entrai dedans puis refermai précipitamment la porte derrière moi. Je me laissai glisser jusqu'au sol et fermai les yeux. Il fallait que je reprenne mes esprits, je ne devais plus pleurer. J'étais une fille forte, je ne devais pas montrer mes faiblesses, toute cette histoire allait s'arranger et j'allais vite rentrer chez moi.
Je me relevai, commençai à sortir tous mes vêtements de mes valises et les rangeai soigneusement dans mon dressing. J'avais également classé toutes mes chaussures. Pour une fois que l'envie de ranger me prenait, j'étais fière de moi. Je pris également ma guitare et mon micro que j'avais secrètement emmené avec moi, et les cachais derrière une pile de vêtements. Je fermai la porte de mon dressing et pris au vol mon Mac afin de m'installer confortablement sur mon lit et d'allumer ce dernier. J'enclenchai une série que j'aimais beaucoup et me laissai porter dans cet univers qui semblait si parfait.
*
Valérie entra timidement dans ma chambre, ce qui me fit relever la tête et la tourner vers elle. Je la fixai, attendant qu'elle me parle. Elle semblait chercher ses mots.
— Je sors dehors retrouver ton père dans un café. Je pense qu'on va rentrer tard, passe une bonne soirée, je te laisse te faire à manger.
— Pas de problème, soupirai-je en me relevant de mon lit.
Elle s'apprêtait à me dire quelque chose mais elle se ravisa. Elle me sourit et finit par sortir de ma chambre. Cette femme était vraiment étrange. Elle réfléchissait à ses moindres faits et gestes, comme si elle avait peur des répercussions. Moi, je ne savais plus vraiment si j'étais le genre de personne à foncer tête baisser ou plutôt à réfléchir comme elle. J'étais sans doute, les deux à la fois.
Je pris mon Mac avec moi et descendis dans la cuisine après que Valérie ait claquée la porte de l'appartement. J'ouvris le frigo et regardai ce que je pouvais bien cuisiner. Je sortis alors quelques aliments du frigo et le refermai. Ça serait pâte carbo. J'avais pris l'habitude de me faire à manger lorsque ma mère était à l'hôpital. Mon père n'étant jamais à la maison, à croire qu'il préférait son boulot plutôt que d'être aux côtés de sa femme, je me retrouvais souvent seule à la maison avec mon frère.
Quand j'eus finis, je sortis trois assiettes, des verres et des couverts. Je servis les pâtes et m'assis à table.
— Les garçons ! On mange ! M'écriai-je en levant la tête.
Ils arrivèrent et froncèrent les sourcils comme s'ils ne s'attendaient pas à ce que je fasse à manger. J'haussai les épaules comme simple réponse et commençai à manger.
— On va passer la journée que tous les trois je crois, dis-je soudainement. Vous voulez qu'on fasse quelques choses de spécial ?
— Moi, j'ai entraînement à seize heure, c'est à dire dans deux heures.
J'arquai un sourcil et penchai la tête.
— Il fait de la natation, m'expliqua simplement Charles.
— Ah, d'accord.
Après cette courte réponse, nous mangeâmes en silence. Je ne savais pas quoi dire et je n'avais tout simplement pas envie d'entamer un sujet de conversation.
*
— April, j'y vais à plus, me lança Antoine.
— À plus, tu rentres à quelle heure ?
— Vers vingt heures.
— D'accord, à toute à l'heure, répondis-je.
Il s'approcha de moi en souriant et il déposer un bisou baveux sur la joue. Son geste m'électrocuta. Je frissonnai et me tournai vers lui sans comprendre, les mains moites. Il me regardait avec son fidèle rictus arrogant.
— Bisou, minette.
Il s'enfuit de l'appartement sans me laisser le temps de répliquer et Charles éclata de rire. Je fronçai les sourire encore sous le choc.
— Bon courage April, il ne va plus te lâcher, me taquina Charles.
— C'est à dire ?
— Tu veux que je développe ?
J'acquiesçai, n'étant pas sûre de comprendre ce qu'il me disait. Je m'assis en tailleur sur le canapé et attendis qu'il m'explique.
— Tu le rends fou, lâcha-t-il enfin.
— Ah... et c'est plutôt positif ou négatif ?
— J'en sais rien, rit-il.
J'haussai les épaules ne sachant pas quoi répondre à cela, le silence y répondait mieux à mon avis. Je décidai alors de monter et de chanter pour me détendre. La musique avait un don impressionnant pour m'apaiser. Elle m'aider à me créer mon propre univers, à m'évader et à me donner confiance en moi. Cela faisait longtemps que je n'avais pas utilisé mes cordes vocales pour lâcher, ne serait-ce qu'une note. Je branchai le micro, mis mon casque tout en cherchant les paroles de "Beautiful Tango" et commençai à chanter.
« Beautiful Tango, take me by the hand
Beautiful Tango, until you make me dance
How sweet it can be if you make me dance ?
How long will it last, baby if we dance ?
Come to the, come to the world
Come to the, come to the world
And baby let me show you things
Cause time is running and we can loose,
Baby come and dance we gonna make it threw
Cause we've got time
Yes we've got time [...] »
Je relevai la tête et vis que Charles était entré dans ma chambre. Il souriait et m'écoutait calmement. Je retirai mon casque et il pointa ma guitare du doigt.
— Tu sais la jouer à la guitare ?
— Oui, tu veux que je te l'apprenne ?
Il acquiesça, ça avait l'air de lui faire plaisir. Je saisis ma guitare par le manche et m'assis à côté de lui. Je l'accordai rapidement et relevai la tête vers mon demi-frère.
— Tu n'as jamais joué de guitare ?
— Jamais.
Cela s'annonçait plus compliqué que prévu mais ce n'était pas grave. Je commençai à lui montrer toutes les positions des barrés dont on avait besoin pour la chanson. Il était plutôt doué et il comprenait très vite. En plus de ça, cela me faisait plaisir de la lui apprendre. J'aimais transmettre ma passion aux autres, surtout quand elle les intéressait. Charles n'abandonnait pas quand il n'y arrivait pas, il persévérait et moi, je me régalais à lui montrer comment placer ses doigts.
— Merci April.
— Ça te dirait de m'accompagner à la guitare ? lui demandai-je contente d'avoir réussi à lui apprendre cette chanson.
Il accepta et je remis mon casque pour chanter jusqu'à ce qu'une idée me vint à l'esprit. Je le retirai en vitesse et allumai mon Mac. Je voulais filmer une video, c'était un moment qui ferait un magnifique souvenir. Mon idée avait l'air de plaire à Charles car il n'arrêtait pas de sourire.
J'aimais le pouvoir qu'avait la musique de réunir les gens, quelque soit leur origine, leur culture ou leur âge.
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