18. Le passé fut turbulent.

Novembre 2013,
April.

Je me relevai de mon lit et allai dans mon dressing. Je restai planté devant mes vêtements. J'attrapai un pull rouge, que j'enfilai et sortis de ma chambre après avoir pris mes écouteurs, mon téléphone et mon sac à main. Je descendis en bas, Charles et Antoine étaient en train de discuter. Quand ils me virent, ils fermèrent leurs bouches et firent semblant de regarder une émission débile qui passait à la télé. Grillés !

—  Je sors, dis-je en ouvrant la porte.

—  Tu sors où ? Me demanda Antoine en fronçant les sourcils.

—  Dehors.

J'entendis Charles ricaner et Antoine baragouiner quelques choses d'incompréhensibles. Je refermai la porte derrière moi. Je descendis rapidement les escaliers, mes écouteurs dans les oreilles. Je me retrouvai à marcher dans la rue, sans trop savoir où j'allais.

J'avais envie d'être seule.

Depuis juillet, rien ne va. Entre la mort de ma mère, mon subite déménagement, mon frère et Luc qui me manquent, mon enfoiré de père, et puis cet accident de merde. Mais aussi avec Antoine. Mon couple avec Antoine est bizarre. J'ai besoin de lui, je l'aime bien, il me remonte le moral et je pense que je me suis beaucoup attachée à lui. Mais son comportement m'énerve parfois, que foutait-il avec son ex vendredi ? Pourquoi avait-il un bleu sur la pommette ? Pourquoi des fois il est très présent et d'autres fois non ? 

Je soupirai et m'assis sur un banc, face à cette jolie petite place.

Ma mère me répétait sans cesse que la roue tourne toujours, et qu'il faut juste être patient. Sauf que là, j'aimerai bien qu'elle tourne !

Depuis jeudi soir, pleins de questions trottent dans ma tête. Tous mes problèmes resurgissent  depuis la mort de ma mère et me donnent mal à la tête atroce. Pourquoi Luc a-t-il eu ce stupide accident ! Il y a forcément une raison. Ça ne lui ressemble pas, mais alors vraiment pas. Parfois il se bourrait la gueule, comme un adolescent qui aime bien faire la fête, mais il ne prenait jamais le risque de conduire juste après. Il était responsable, beaucoup plus que moi.

Ma mère me manque énormément, tous les soirs avant de m'endormir je pense à elle. Chaque soir, dans mon lit, je m'imagine la journée que j'aurais pu passer si elle avait été là. J'aurai pu décrocher la lune pour elle. J'aimais la voir sourire, la voir rire, même quand elle m'engueulait j'étais heureuse car je l'aimais plus que tout. Et je l'aime toujours autant. Si ce foutu cancer ne l'avait pas emporté, elle serait encore là !

Au départ, elle avait un cancer du sein, le droit, il a été soigné et cela allait mieux. Puis un an après, il est revenu, et de fil en aiguille cela c'est empiré.

Mon père m'agace, je ne peux plus le supporter. Je me demande bien ce qu'il se passe dans sa tête parfois. Il a fait du mal à tellement de personnes. Il aime détruire tout ce qu'il y a sur son passage. Commençons par ma grand-mère, Solange, sa mère. Il a été horrible avec elle. Quand j'allais chez elle, avec mon frère, il ne restait jamais, il ne lui disait même pas bonjour, il nous laissait en bas de l'immeuble et il se cassait je ne sais où. Quand j'étais toute petite, elle venait parfois à Greenwood mais un jour, il lui a interdit de revenir. Je ne sais pourquoi. Il ne l'appelait plus, il ne lui parlait plus. Pourtant dieu sait que ma grand-mère était extraordinaire.

Quant à sa relation avec ma mère, elle était tout aussi horrible. Premièrement, il n'était jamais à la maison. Quand il était là, ce qui était rare, il sortait avec des potes, il se fichait de ma mère. Souvent, quand il repartait en France, je remarquai qu'elle avait une multitude de bleu, et qu'elle avait toujours une pointe de tristesse dans le regard.

Il ne sait jamais entendu avec mon frère, ou peut-être ne l'aimait-il pas. Quand mon frère avait 14 ans, ils se sont violemment engueulés. Je ne sais pas pourquoi, mon frère n'a jamais voulu me raconter, et ma mère non plus. Ils se détestaient, ils se parlaient mal. Georges était souvent incontrôlable quand il était là et devenait violent.

Quant à moi, je pense que c'est moi qu'il a le plus brisé. Comme je l'ai déjà dit, petite il ne cessait de me rabaisser lorsque ma mère n'était pas là. Il adorait le faire. Je me souviens, une fois pour la fête des pères, je lui avais offert une jolie carte où je lui avais fait un dessin et écrit une joli poème. Il l'avait lu, puis il m'avait giflée à la fin, prétextant que j'avais fait une faute. Il avait ensuite brûlée cette carte sous mes yeux. Il m'insultait, parfois il me frappait, mais il n'y avait jamais de raison. J'ai commencé à me renfermé, à devenir une petite fille triste, impassible, voir parfois méchante. Plus je grandissais, plus cette obscurité se développait. À l'âge de mes douze ans, il a commencé à abuser de moi, il venait le soir dans ma chambre, faisait ce qu'il voulait de moi et repartait. Et c'est à partir de là, que je suis devenue cette fille que personne n'appréciait, excepter ma mère, mon frère, Benjamin, Paola et Brad. J'étais devenue une fille méchante, froide et violente. Il m'avait complètement détruite.

Et puis j'ai rencontré Luc. Je me souviens, on était chez un coiffeur et il m'avait regardé en souriant. J'étais restée impassible, et j'avais continué de me regarder dans le miroir. Puis on s'est recroisé, cette fois, j'étais avec mon frère, ils étaient amis. Mon frère me l'avait donc présenté et il avait toujours ce beau sourire aux lèvres. Après ce jour-là, il a tout pour me revoir, il avait obtenu pleins d'informations à mon sujet grâce à mon frère. Honnêtement, je pense que mon frère voulait à tout pris qu'on sorte ensemble.

Puis un jour, où, il était venu voir mon frère, il était entré dans ma chambre et je l'avais méchamment recalé. Il n'avait pourtant pas obéis et m'avait demandé de lui donner des cours de français et qu'en échange il m'apprendrait quelques choses, lui aussi. J'avais bien sûre refusé, mais mon frère m'a obligé à accepter.

J'ai donc commencé à lui donner des cours de français, au départ je restais impassible, le regard sans émotions et j'étais parfois méchante avec lui. En échange, il m'apprenait à jouer au foot, car j'adorais ça mais personne ne m'avait appris à jouer. Ça a duré deux mois et puis j'ai arrêté d'être exécrable avec lui. On rigolait tout le temps, et je l'adorais, j'attendais toujours avec impatience ce cours de français. Je m'entendais également super bien avec son petit frère. Puis un jour, à la fin du cours, il m'a dit qu'il voulait me parler, il m'a dit qu'il éprouvait des sentiments pour moi, qu'il était dingue de moi. Et j'ai pris peur, je l'ai laissé, je suis partie et je ne lui ai plus donné de nouvelles pendant un mois. Mon frère ne comprenait pas ma réaction pourtant c'était évident. Je ne pouvais pas, ce n'était pas possible. J'étais détruite, je ne pouvais pas faire confiance à quelqu'un d'autre pour qu'il me brise encore plus. Je m'étais forgée cette carapace et je ne voulais pas qu'elle se casse. Le pire dans tout cela, c'est que moi aussi je l'aimais. Et puis, je ne sais par quel miracle son petit frère m'a convaincu et je suis allée le voir. Je l'ai embrassé, je ne rien fait d'autre et je suis partie.

À partir de ce jour là, Luc a commencé à me changer. J'étais amoureuse et lui aussi, on formait le couple parfait. Petit à petit, je reprenais goût à la vie, cette carapace tombait et cette obscurité laissait place à de la lumière. Des que mon père revenait à la maison, j'allais dormir chez Luc. Je ne lui avais pas expliqué, il ne savait rien, mais il ne me demandait aucune explication. Personne n'était au courant, et c'était mieux comme ça.

Mais depuis que j'ai quitté Luc, cette obscurité refait surface. Je redeviens cette fille méchante, et je n'y peux rien. Je suis seule, et j'ai besoin de Luc. Il faut que je rentre, il faut absolument que je rentre.

J'essuyai les larmes qui perlaient sur mes joues et courus chez Benjamin. J'avais besoin de parler, j'avais besoin d'en parler, j'avais besoin d'être écouter et surtout de livrer toutes mes peurs.

Arrivée chez Benjamin, je tapai à la porte comme une folle. Je l'entendis crier et il ouvrit  violemment la porte quand il me vit en pleure, il fronça les sourcils et ses yeux se voilèrent d'un sentiment d'inquiétude. Il me prit dans ses bras et m'assit sur son canapé. Je lui racontai tout d'un bloc, il ne dit rien et m'écoutait attentivement. À la fin de mon récit, il s'approcha de moi, il me serra dans ses bras et me consola.

—  On va retourner à Greenwood, je te le promets, me dit-il.

*

Novembre 2013,
Antoine.

Assis sur le canapé, je regardai une émission débile. Je soupirai bruyamment et fermai les yeux. J'avais du choisir entre ma mère et mon père, et je déteste faire ça ! D'habitude le choix est simple, Charles choisit mon père et du coup pour ne pas laisser ma mère, je la choisis elle. Mais là, tout était différent. Je ne peux plus voir Arthur, je me retiens parfois de défoncer sa jolie gueule de connard. Mais en plus de ça, April n'avait pas le droit de venir en Normandie. Ce fils de pute ne souhaite même pas passer Noël avec sa fille.

Le choix s'est donc compliqué et j'ai préféré choisir April à ma mère. Ou plutôt à Arthur. Dans tous les cas, je voulais passer Noël avec April.

— T'es sûr que ça va ? Entendis-je derrière moi.

Je me tournai lentement et fis face à mon frère. Il avait l'air inquiet. Il s'approcha et s'assit à mes côtés.

— T'as pas l'air bien ?

— Si, si, t'inquiète ! Mentis-je en fuyant son regard.

Il soupira et secoua la tête.

— Tu sais, tu peux encore changer d'avis. April ne t'en voudra pas, elle comprend tu sais.

Certainement pas, je ne vais certainement pas la laisser. Je tiens beaucoup trop à elle pour ne pas passer Noël avec elle. Mais en même temps, ça me fait plaisir qu'elle comprenne.

— Nan, je ne changerai pas d'avis.

— Si tu le dis, en tout qu'à c'est cool que tu passes Noël avec nous, me sourit-il.

Je venais de recevoir une douche froide. Figuré bien sûr. Depuis tout ce temps où je choisissais ma mère pour ne pas la laisser tomber, je ne remarquai pas que cela blessait Charles. Il voulait passer des repas de famille avec moi, passer des fêtes avec moi. C'est vrai que depuis que ma mère a rencontré Arthur, nous nous sommes beaucoup éloignés, on est devenu très différent. Mais pourtant je l'aime toujours autant, et ça me fait mal de voir à quel point je ne remarquais pas son malheur.

— Je suis désolé, dis-je.

Il esquissa un petit sourire et haussa les épaules. Je m'approchai de lui et lui fit une accolade.C'est vrai que mon frère me manque.

— Bon, et si on parlait du bleu que tu as sur ta pommette, ça inquiète notre jolie demie-soeur.

Eh merde. Qu'est ce que je peux répondre à ça ?

Je soupirai bruyamment et lui racontai tout ce qu'il s'était passé, comme au bon vieux temps quand je lui racontai mes problèmes. Charles a toujours été le plus compréhensif de nous deux, il est toujours de bons conseils.

— Ok, bon je vais te poser une question, est-ce que tu as couché avec Eleonora ?

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