1. Improbable.
Août 2013
April
Je me retournai après avoir entendu le parquet grincer et découvris une femme et deux garçons. Une colère inexplicable s'empara de tout mon être. Je fermai les poings aussi fort que je pouvais et regardai cette femme qui avait à peu près l'âge de mon père – je dirai même plus jeune. Quant aux garçons, ils étaient tous les deux grands et se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Des jumeaux. Ils étaient grands, brun et leurs yeux semblaient être de couleurs noisette. L'un des deux paraissait très gentil et l'autre avait cet air mystérieux et insupportable qui ne m'annonçait rien qui vaille.
Je fermai les yeux prête à exploser de colère.
April réveille toi ce n'est qu'un mauvais rêve.
Je rouvris les yeux, la femme me souriait. Comment mon père avez pu faire une chose pareil à ma mère. À vrai dire, ce n'était pas étonnant. C'était même étrange que je n'y ai pas pensé avant.
— Putain de merde ! hurlai-je comme une hystérique.
Je serrai encore plus mes poings. Mes mains me faisaient mal et je sentais mes ongles traverser ma peau.
— Calme toi, c'est assez clair pour toi ? s'énerva mon père.
Il essaya de s'approcher de moi mais je le repoussai violemment. Et dire que j'avais cru, l'espace d'un voyage, qu'il avait changé.
— Ne me touche pas, murmurai-je en lui lançant un regard noir.
Je sortis rapidement de l'appartement sans manquer de claquer la porte derrière moi. Mon coeur battait si rapidement qu'il me faisait mal. Mes mains étaient en feu. Je descendis les escaliers et me retrouvai dans la rue. Je me mis à courir, le plus vite que je pouvais sans même pas prendre la peine de réfléchir à ce que je faisais. J'allais certainement me perdre mais c'était le cadet de mes soucis. Le soleil commençait à tomber mais il faisait encore bon. L'air chaud me fouettait le visage et mes poumons me faisaient horriblement mal. Mais qu'importe.
Comment avait-il pu nous cacher ça pendant tout ce temps ?
Je m'arrêtai de courir et m'appuyai contre le mur d'un immeuble pour reprendre mon souffle. Je m'étais sacrément éloignée et je ne savais même pas rentrer, mais je m'en foutais.
— Tu compte courir encore longtemps ?
Je relevai la tête, surprise par cette voix. C'était un des garçons, en l'occurrence celui qui avait l'air insupportable. J'ignorai sa question et me concentrai sur ma respiration. J'étais hors d'haleine. Il s'appuya sur le mur à mes côtés et je pus sentir son regard me détailler.
— Tu as fini de me mater ? Lui dis-je soudainement, d'un ton qui n'était pas très agréable.
Un sourire arrogant avait prit place sur son visage. Il ricana et me regarda droit dans les yeux.
— J'aime regarder les gens beaux, minette.
Son sourire faillit me faire défaillir mais il ne fallait pas que je cède. Son jeu ne fonctionnerait pas avec moi. Je n'avais aucune envie de rigoler. Je l'ignorai royalement et regardai droit devant moi.
— Je m'attendais à accueillir une fille moche, timide et qui ne parlait pas un seul mot de français. C'est une jolie surprise, lâcha-t-il sans arrêter de m'observer.
Je rigolai amèrement en écoutant ce qu'il me disait. J'avais raison, ce gars était insupportable. Je tournai la tête vers lui, il avait toujours ce foutu rictus qui devait en faire craquer plus d'une.
— C'est vrai, tu t'es bien trompé, répondis-je froidement.
— C'est quoi ton petit nom ?
— April.
— Antoine, enchanté minette.
Je souris hypocritement, et l'ignorai une fois de plus. Je regardai l'état de mes mains qui commençaient vraiment à me faire mal. Elles avaient toutes les deux la marque de mes ongles, avec un peu de sang. Je soupirai et les refermai.
— Quel âge ?
— Quinze ans, soufflai-je irritée par toutes ses questions.
— Non, c'est vrai ? fit-il choqué. Je pensais que tu avais dix-huit ans !
— Si j'avais dix-huit ans, je ne serais certainement pas ici dans la rue avec toi, en train de répondre à toutes tes questions débiles mais plutôt en train d'embrasser mon copain, dis-je amèrement.
— Je vois, répondit-il un peu après.
Je me tournai vers lui et le fixai. Pourquoi aurait-il le droit de me regarder et moi non ? Il était plutôt mignon, ses cheveux étaient assez bien coiffés et ses yeux étaient vraiment beaux à regarder, mais pas autant que ceux de mon ancien copain.
— Et toi ? demandai-je piqué par la curiosité.
— Je viens tout juste d'avoir dix-sept ans.
J'acquiesçai et baissai la tête. À ce moment précis, j'avais juste envie d'être dans les bras de mon frère ou dans ceux de Luc. Le reste m'importait peu, mais me passer d'eux deux était une chose impossible. Mon frère représentait tout pour moi et Luc était tout simplement mon premier amour, c'était une partie de moi.
— Donc, comme ça tu es en couple ?
Je soufflai quand je compris sa question. Il était vraiment pathétique. Mon cœur se resserra pendant que le prénom « Luc » clignotait dans mon tête.
— J'étais, mais pour moi c'est comme si on l'était encore.
Il ne me répondit pas, de toute manière je ne disais que la stricte vérité. Je l'aime et je l'aimerai toute ma vie. Peut-être pas de la même façon mais c'était pareil.
— Parle moi de toi, finit-il par dire pour changer de sujet.
— C'est simple, il n'y a rien à dire.
Son interrogatoire commençait vraiment à m'énerver. De plus, on venait tout juste de se rencontrer et il voulait déjà connaître toute ma vie. Moins il en saurait, mieux il se porterait.
— Ma mère m'a dit que tu rentrais en seconde, tu sais dans quel lycée tu vas aller minette ?
— T'en n'a pas marre de me poser des questions ?
Il sourit, amusé de me voir en colère, puis il secoua la tête.
— À Carnot, répondis-je en roulant des yeux. Et toi ?
— Un à dix minutes d'ici. Tu es dans le lycée de mon frère.
— Génial ! m'exclamai-je hypocritement.
Il ricana amèrement et m'attrapa le poignet.
— Aller minette, on rentre maintenant.
— Arrête de m'appeler comme ça.
— Non.
Je râlai mais cela n'avait pas l'air de l'embêter. Il me tapait sérieusement sur le système. J'allais devoir trouver un moyen de m'en débarrasser, et vite. Je le suivis à contrecœur jusqu'à mon nouvel appartement. Il introduisit sa clef dans la serrure et me laissa entrer la première, puis il referma la porte derrière lui. J'avançai de quelques pas et jetai un bref coup d'œil à l'appartement. C'était un duplex. La cuisine était éclairée par un grand vellux et elle était ouverte sur le salon. Il y avait même une terrasse. Les chambres avaient l'air d'être en haut mise à part celle des parents. C'était parfait. Je ne pouvais pas mieux demander que d'être loin de mon géniteur.
— Ah, vous êtes enfin là ! chuchota une voix féminine.
Je me retournai et me retrouvai nez à nez avec la mère d'Antoine. Qui je suppose était ma belle-mère à présent. Elle avait l'air gentille mais rien que le fait de savoir qu'elle remplaçait ma mère aux yeux de mon père ne me donnait pas envie de la porter dans mon cœur. Je ne ferai que le strict minimum : gentille, polie, serviable et aimable mais rien de plus, comme m'avait appris ma mère.
— Ton père dort, tu veux peut-être manger quelque chose ?
J'acquiesçai et la suivis jusqu'à la cuisine. Elle sortit un paquet de gâteau d'un placard et le posa sur l'îlot centrale qui n'était autre qu'une table en marbre blanc.
— Tu veux boire quelque chose en particulier ?
— Si vous avez du jus de pomme, ce serait avec grand plaisir.
Elle acquiesça et sortit une bouteille de jus de pomme du frigo.
— Tu peux me tutoyer tu sais, dit-elle en s'asseyant face à moi. Je m'appelle Valérie, enchanté.
— April, répondis-je simplement.
— Antoine, je vais me coucher moi aussi, il est tard. Si tu as faim, il y a des pâtes dans le frigo. Charles est en haut, il regarde un film. Tu montreras à April sa chambre.
Elle embrassa son fils sur le front et se tourna vers moi.
— Bienvenue April, bonne nuit.
Je lui souris comme seule réponse et me concentrai sur mes gâteaux. Je sortis mon téléphone de ma poche et regardai l'heure. J'étais complètement déréglée mais pas du tout fatiguée.
— Tu veux la wifi ? lâcha Antoine en s'asseyant en face de moi.
J'hochai la tête de haut en bas et lui donnai mon téléphone. Il s'arrêta un instant pour regarder mon fond d'écran.
— C'est qui ?
— Personne, tu peux me mettre la wifi s'il te plait.
Il secoua la tête de droite à gauche en éteignant mon téléphone. Je soupirai d'énervement. Il était vraiment insupportable.
— Antoine, arrête s'il te plaît, j'en ai vraiment besoin pour appeler mon frère.
— Tu me dis qui c'est et je te la mets, sinon tu peux aller te faire voir, répondit-il sans broncher.
Je le foudroyai du regard et roulai des yeux, épuisée par son comportement puéril. C'était impossible de se comporter de cette façon à dix-sept ans.
— Le premier fond d'écran c'est mon frère et l'autre c'est mon ancien copain.
— Tu vois quand tu veux, dit-il en souriant, satisfait d'avoir obtenu ce qu'il voulait.
Il me mit la wifi et me rendit mon téléphone. Je me dépêchai d'aller sur l'application WhatsApp et envoyai un message à mon frère.
À Georges :
T'es là ? Je peux t'appeler ? Tu devineras jamais !
Je reposai ensuite mon téléphone sur le marbre de la table et me levai de mon tabouret en fixant Antoine.
— Tu peux me montrer l'étage ? lui demandai-je en rangeant la bouteille de jus de pomme dans le frigo.
— Oui, viens.
Nous montâmes à l'étage, et je tombai directement sur une grande pièce avec une grande télé et des canapés. Le deuxième garçon, qui à mon avis était Charles, regardait un film et ne nous prêta pas la moindre attention. Il y avait deux couloirs, l'un avec la chambre de Charles, la chambre d'Antoine, une salle de bain et des toilettes et de l'autre côté ma chambre, une salle de bain et des toilettes.
Ma chambre était vraiment très grande, il y avait un lit double et une petite porte qui donnait sur un très grand dressing. Cela ne m'étonnait pas, mon père faisait parti des gens "riches". Il travaillait tout le temps, et n'était pas souvent présent à la maison. Qu'il ait choisi cet appartement ne m'étonnait pas. Il y avait également dans ma chambre, une porte-fenêtre qui ouvrait sur un petit balcon qui offrait une jolie vue sur Paris. Mes valises étaient déjà dans ma chambre. Je m'assis sur le lit et éclatai en sanglots.
Mon téléphone m'indiqua que j'avais reçu un nouveau message. Je reniflai alors bruyamment et jetai un coup d'œil sur mon écran.
De Georges :
Je t'appelle.
• Allô, dis-je la voix tremblotante après avoir décrocher.
• April ? Qu'est ce qu'il se passe ? S'inquiéta mon frère.
• C'est horrible ! Je suis arrivée et tu devineras jamais ! Il a une double vie ! Je suis arrivée et j'ai vu une femme et deux garçons !
• Hein ? Attends je ne comprends pas ?
• Bah.. J'habite pas seule avec Arthur, on a une belle-mère et des demi-frères, Georges !
• Putain ! Putain de merde c'est pas possible ! S'énerva mon frère.
• Je vais pas tenir ici...
• Si, si, tu vas tenir et tu vas revenir habiter avec moi ensuite.
• Tu me manques...
• Toi aussi, tellement fort. Luc est venu aujourd'hui, il était déprimé.
• Il me manque tellement...
• Toi aussi, tu lui manques.
• Je vais lui envoyer un message toute à l'heure.
• D'accord. April prends soin de toi, je te rappelle demain même heure.
• Je t'aime fort.
• Moi aussi sœurette.
Je raccrochai le cœur lourd. J'allai sur l'icône "messages" et laissai mes doigts courir sur l'écran.
À Luc :
Je t'aime et je t'aimerai toute ma vie Luc. Tu me manques horriblement, ça va être difficile de passer des journées sans te voir. Je te promets que je reviendrai. Je suis désolée.-A-
Je rabattus mes jambes contre ma poitrine et fermai les yeux. Je me sentais comme vide, seule et impuissante. J'étais au plus bas. Au bas de cette gigantesque falaise rugueuse, dangereuse et dont on ne voyait même pas le sommet. Le seul moyen de gravir cette falaise était de souffrir, de payer le prix qu'il fallait et d'encaisser jusqu'à en voir le sommet. Je le ferai pour eux, juste pour les revoir.
De Luc :
Je t'aime aussi mon April, je te le pardonnerai jamais, mais je t'aime quand même. -L-
Des larmes s'échappèrent de mes yeux et je fus surprise quand la porte s'ouvrit lentement, laissant apparaître l'un des jumeaux. Je venais de les rencontrer mais j'arrivais déjà à les reconnaître. Il s'agissait de Charles. Son visage était nettement plus rassurant que celui de son frère.
— Je peux entrer ? demanda Charles.
Je fis « oui » de la tête et séchai mes larmes d'un revers de manche. Il s'assit à côté de moi et me prit dans ses bras sans rien dire. Son geste m'apaisa. Nous restâmes dans cette position quelques minutes, sans parler. Je me relevai et je le regardai.
— Merci.
— Je suis venu te dire que si tu as le moindre problème, n'hésite pas. Je t'avoue que moi non plus je n'aime pas le fait d'avoir un beau-père, ni une demi-sœur, je suis contre et j'ai réagi comme toi. Mais nous pouvons peut-être se soutenir, non ?
— Je suis plutôt d'accord avec toi, dis-je avec un petit sourire triste.
— Bon alors, bonne nuit, April.
Je lui souhaitai la même chose et il me laissa seule. J'ouvris ma valise et me mis en pyjama. Je branchai mes écouteurs et m'allongeai dans mon lit en écoutant de la musique.
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