16



— Angèle ?

La brune ne sent plus aucun effet de ce qu'elle a fumé ou bu. Ça doit bien faire une heure qu'elle s'est isolée du monde. Elle sait qu'elle est encore un peu soûle, mais elle a juste envie de vomir de tout son soûl.

C'est Anatole qui fait la queue aux toilettes qui lui parle.

Il la regarde avec un regard assez confus. Elle doit être pathétique à se cacher là, à recoller ce cœur rouillé.

— T'as gagné cinquante balles. Elle avait seize ans, lance le brun en essayant de la faire sourire.

Elle sourit mollement, même si son cœur souffre atrocement.

— J'ai vu ce qui s'est passé avec Selim de là où j'étais... et...

Angèle l'interrompt, la gorge brûlante :

— Tu sais, le pire c'est pas qu'il m'ait repoussée. C'est que j'arrive pas à me rappeler de ce que je lui ai dit pour que son visage se ferme à ce point. Je suis une fille réfléchie Anatole... Et... je fais pas souvent de la merde comme ça. Mais là, putain, je te jure je me déteste à avoir tout gâché et foutu en l'air.

Le brun essaye de la réconforter.

— T'as pas tout gâché ou tout foutu en l'air. Tu te fais des films, je suis sûr. Il a juste pas voulu t'embrasser parce que... t'étais défoncée peut-être. Qu'il voulait pas... Selim est pas méchant...

— J'ai envie de vomir Anatole.

Il l'aide à se relever et lui tient les cheveux quand elle se met à tout vomir. Le haut-le-cœur est terrible. Il lui passe de vrais tic-tac quand c'est fini.

— Meuf, t'es forte, ça va aller. C'est juste un mec.

— J'ai tout gâché, répète-t-elle sans s'arrêter.

— Viens.

Elle le suit. Anatole l'amène près de Coline, qui découvre l'état de sa meilleure amie.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

Isidore fronce les sourcils et interroge Anatole du regard. Il explique la situation sans donner de détails, puis le drame arrive. Elle voit Selim. Il est allongé sur l'herbe. Il doit être trois heures du matin et elle n'arrive pas à comprendre ce qui s'est passé il y a une heure de cela.

— Va le voir. Ça va se régler. Te fais pas des mélodrames, ça va aller, on parle de Selim. Tu lui dis que t'étais pas dans ton état normal et tu verras, ça va se régler pour de vrai, encourage Isidore.

Coline reste muette.

On la force à aller vers lui. Finalement, elle cède et fait un pas vers lui.

— Selim ?

Il ouvre les yeux.

— Désolée. J'ai merdé.

Le brun la fixe.

— Pourquoi tu t'excuses ? questionne-t-il.

— Parce que j'ai essayé de t'embrasser ?

— Désolé alors.

Selim l'invite à s'allonger avec lui.

— Pourquoi tu t'excuses, demande-t-elle cette fois ?

— Parce que j'ai pas réussi à t'embrasser.

Un silence sourd plane.

— Je sais pas quoi dire, avoue-t-elle sincèrement.

— Moi non plus, réplique-t-il en se tournant vers elle.

Elle observe le ciel. Il y a des étoiles, mais elle n'arrive pas à se concentrer sur elles ce soir. Angèle préfère contempler la masse sombre qui l'entoure, les nuages qui cachent les tracés illuminés du ciel.

— Tu te souviens de ce que tu m'as dit ?

— Pas vraiment.

— T'as dit que tu t'excusais de pas pouvoir être Coline et de pas pouvoir enlever le cancer de mon père de mon esprit.

— Oh.

La musique bat son plein, mais elle n'arrive pas à se concentrer sur ça. Dans le son, il y a des silences parfois.

— T'es pas Coline, tu sais ? T'es Ange. Et t'as pas à enlever une réalité de mon esprit.

Elle ose le demander :

— Il va mourir ?

Silence.

— Je crois, mais la médecine fait son taffe. C'est compliqué, parce qu'on l'a repéré tard, mais on espère vraiment que ça ira.

Angèle ne peut s'empêcher de lui prendre la main. Comme pour lui donner du courage. Un courage qu'elle a souvent avec elle, mais qu'elle oublie pour des raisons futiles. Elle est là pour lui.

— Tu me connais pas Ange, lâche-t-il enfin.

— J'essaye, en tout cas.

Ils restent encore amis, elle le sent. Même si elle voit maintenant que leur ambiguïté est en train de s'éclipser pour laisser place à de la compréhension, à de la profusion d'espoir.

— Faut que je te montre un truc tout à l'heure, souffle-t-elle tout bas.

Ils se serrent les doigts.

Puis arrive Anatole, Coline et Isidore. Les trois s'allongent ensemble, côte à côte. Les deux autres sourient. Peut-être qu'ils regardent les étoiles. Ou les nuages. Ou la lune.

Mais un bruit détonnant surgit sur leur droite, brisant toute la poésie de l'instant. Isidore est le premier à éclater de rire. Tout le monde se tourne vers le blond qui essuie les larmes qui perlent autour de ses yeux. Et il s'écrie :

— Anatole, je rêve où t'as pété, là, maintenant ? 

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