Chapitre XXXVII
Légende
Des hurlements déchainés s'élevaient dans l'air, se mêlaient à la démence dans laquelle la jeune femme se noyait. Il faisait froid. Non, chaud. C'était un bal de confusion où la folie et l'euphorie dansaient sans répit. Une seconde, une minute, plus, moins ? Rien ne s'éclaircissait dans les méandres de cette mine abandonnée.
La petite scientifique ne savait même pas si ses cris sortaient de ses cordes vocales ou d'ailleurs. De toute façon, que ce soit elle ou un autre, es cris stridents lui martelaient le crâne. Elle ne savait plus rien si ce n'est qu'un liquide brûlant lui sciait les joues, que ses yeux quand bien même grands ouverts ne voyaient rien et que son crâne assourdi oscillait entre la conscience et l'inconscient.
Du rouge.
La roche tombait sous les cris assourdissants de celle qui ne savait même plus son nom. Les bruits d'effritements précédèrent la chute du plafond de la mine et le sol gronda. Durant un instant, elle eut l'impression qu'un feu virulent commençait à l'envelopper tout doucement. Les torches tombées au sol déversait leurs flammes comme une coulée de poudre et de multiples odeurs emplissaient l'air rocailleux. Les flammes avalaient les corps disséminés autour d'eux et et léchaient la poussière cendrée qui s'élevait.
La grotte s'effondrait sur elle-même. Le Vénérable Minotaure frappé le premier par les chutes e pierre se perdit sous les décombres et la scientifique, elle, avait quitté les lieux poussée par ses camardes dans un état qui ne s'expliquait pas.
Haletants, fébriles, incapables de penser, ils avaient couru à en perdre haleine. La peur de se retrouver ensevelis sous les décombres semblait leur avoir donner des ailes tant la vitesse avec laquelle ils avaient remonté les étages de la mine, escalier après escalier, était tout simplement hors-norme. Ils voyaient le plafond se décomposer peu à peu et laisser ses pièces transpercer et retomber sur les cadavres de bête qui jonchaient les galeries qu'ils parcouraient.
Désormais au beau milieu d'une vaste plaine, leurs corps cédèrent sous leur propre poids et celui de la fatigue et de la pression qui les avaient assaillis. Aussitôt, les aventuriers s'attelèrent autour de celui d'où le sang s'écoulait dangereusement.
Le vent semblait souffler plus fort qu'à leur arrivée datant d'il y peut être une journée entière, il ne savait même plus à quelle hauteur se trouvait le soleil lorsqu'ils avaient atteint la grotte désolée. Le bruit grondant de l'orage s'approchait de leur position et des nuages gris et épais grandissaient à vue d'œil. Comme appuyant le tourment qui s'emballait dans l'esprit confus des jeunes gens, le ciel laissait place à la tempête.
Soudain, comme frappée par les bourrasques de vent sur ses joues, Sasha sentit son corps lui répondre petit à petit et tout redevenait clair dans son cerveau. Ses yeux exorbités se déposèrent sur le corps de Samaël, complètement lâche sur l'herbe oscillante et trempée. Ses jambes en coton se dérobèrent sous le choc encore bien présent et elle retomba lourdement sur ses genoux.
Le torse du garçon se soulevait irrégulièrement et se contractait à chacun de ses mouvements respiratoires. Des côtes avaient dû se planter dans l'un de ses organes. Même pour une personne qui n'y connaissait rien à la médecine, les blessures internes du jeune homme paraissait aussi évidente que le filet de sang chaud qui s'écoulait lentement à la commissure de ses lèvres éclatées.
Dans une inspiration cinglante, Sasha souffla presque délicatement le nom de l'homme qu'elle aimait, le cœur comme étranglé par la vue de son aimé à demi-mort. Elle crut le voir lui esquisser un faible sourire.
Autour d'eux, leurs camarades s'étaient aussi approchés et, agenouillés, ils observaient sans un mot Samaël. Au fond de son esprit, Sasha hurlait à ses amis des demandes telles que pourquoi étaient-ils si silencieux, pourquoi ne se hâtaient-ils pas à la ville voisine pour sauver leur chef, juste pourquoi. L'idée qu'il soit condamné ne la traversait même pas. Pour une noble qui n'avait jamais été privée de ce qu'elle souhaitait, il était tout bonnement inconcevable que la mort emporte celui qu'elle aimait de toute son âme.
Les yeux à demi-clos de Samaël brillaient. Malgré sa peau encore plus pâle que d'ordinaire, il affichait une joie et un air si plein de vie qu'il paraissait impensable que son buste soit transpercé par un monstre en ce moment même. Avec sa main plus tremblante qu'un bourgeon un jour de blizzard, Sasha effleura la joue creusée de son Maître et ne put se résoudre à la retirer.
Le froid soudain qui se heurta à ses doigts moites lui coupa le souffle, la ramenant à la dure réalité. Elle ne pouvait pas y croire. Les gouttes d'eau violentes qui frappaient les cheveux turquoises du garçon s'écoulèrent le long de son bras et en les suivant, son regard tomba nez à nez avec un creux effroyable.
Une partie gigantesque du torse de l'homme qu'elle aimait avait été arrachée par la corne de la bête et de là, un flot incessant d'hémoglobine noyait son habit de mauvaise facture. Même en tant que Maître d'une guilde, tu ne t'es pas détachée de tes origines modestes, n'est-ce-pas, Samaël, l'interrogea-t-elle en son for intérieur. Au fond, tu as toujours honte de toi, j'imagine. Tu ne t'es pas rendu compte d'à quel point tu es exceptionnel...
Même si tous étaient choqués par l'état de leur camarade, aucun de détournait le regard et cela eut le don d'arracher un petit rire amusé de celui dont les réactions n'étaient jamais celles escomptées.
- " Dites les gars, je suis si beau que ça ? Vous ne me lâchez pas des yeux depuis tout-à-l'heure..." plaisanta-t-il malgré le peu de force qui persistait dans sa voix plus faible qu'elle ne l'a jamais été auparavant.
Cette insouciance naturelle et sa nonchalance habituelle eurent le don de briser les masques d'acier de tous les guerriers aguerris qui s'attelaient autour de lui et chacun éclata en sanglots, leurs larmes encore plus douloureuses que n'importe quelle torture.
Lorsque l'image d'une Sasha au visage recouvert indénombrables pleurs lui parvient à l'esprit, il trouva une force provenant de nulle part lui permettant d'amener sa main fébrile là où la scientifique lui soutenait le visage au-dessus de ses genoux.
- " Hahaha... Alors comme-ça, ma belle scientifique ne peut pas cesser de me regarder ?" commença-t-il en absorbant toute l'attention de la concernée. " Si c'est le cas, je suis content parce que moi, c'est le cas... Je ne peux pas me détourner de toi et quoi que je fasse, j'en reviens toujours à la même chose... Je t'aime, ma petite Sha..."
Elle sentit sa gorge se nouer plus fort qu'une corde ne l'aurait fait et sa surprise ne put même pas dépasser le sentiment de joie intense qui voulait poindre au milieu de sa tristesse et de sa peur. Plus que jamais, elle ne savait pas ce qu'elle ressentait mais au fond d'elle, sa paume au contact de la joue de son aimée s'animait d'une chaleur plus délicieuse que tout ce qu'elle avait gouté.
La main de Samaël posée contre elle voulut se lever jusqu'au visage de la scientifique mais retomba lourdement par manque de force. Sasha ne distinguait plus l'expression de Samaël sous le rideau de larmes qui cascadait sur elle alors elle ignorait combien les yeux de ce dernier incarnaient un amour qu'aucun mot sur cette terre n'aurait pu décrire.
Inconsciemment, elle rapprocha son visage de celui de Samaël et sans même pouvoir s'en apercevoir, le garçon vola un baiser à la scientifique. Elle ne saisissait plus rien à la situation et ses lèvres épousèrent petit à petit celui du jeune homme. Même dans des moments pareils, il parvenait à la surprendre.
Elle avait toujours trouvé cette phrase ridicule mais à cet instant précis, l'expression "le temps semblait s'être arrêté" prenait tout son sens. Son esprit semblait à la fois se perdre et en même temps se souvenir de tout. Elle savait qu'elle n'oublierait jamais les gouttes de pluie glaciales fouetter son visage, les brins d'herbes déferler comme des vagues sur la terre et le vent se faufiler à travers ses cheveux d'ébène.
Mais c'était surtout la sensation délicate et chaleureuse sur ses lèvres qu'elle ne parviendrait pas à oublier. Une douceur, une chaleur et un goût métallique mêlé à des larmes salées tourbillonnait au creux de sa bouche brûlante.
Cependant, ce typhon de passion et de bonheur s'évanouit bien trop tôt. Même si une éternité semblait s'être écoulée le temps de leur baiser, elle avait bien commencer à sentir combien la langue de Samaël se liant à la sienne s'affaiblissait, combien ses lèvres devenaient froides, sa respiration disparaissant, son pouls presque inexistant et son corps de plus en plus lâche sur le sien.
Comme une bourrasque violente peut éteindre un feu d'un souffle, la blessure sur sa poitrine lui avait arraché la vie.
Sasha le retenait encore contre elle, le sang de Samaël maculant ses lèvres et son menton, elle trembla brusquement quand le bras de son aimé chuta de son corps. Et un cri si puissant qu'il fit voler tous les oiseaux perchés sur les arbres alentours déchira le ciel avec plus de violence que le ferait n'importe quel éclair.
Samaël, le Maître de la guilde de Rosran, venait de s'éteindre au moment même où il avait l'habitude d'aller regarder la montagne chaque soir aux côtés de ses camarades, rêvant du jour où leur nom serait écrit dans les livres.
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