Chapitre XXIX

Le scaphandrier d'argent

Alors que les dernières lueurs du soleil faisaient leurs adieux à notre pôle, l'horizon se para de la silhouette gigantesque d'une bonne cinquantaine de sirènes approchant comme des vagues déferlantes prêtes à se déchirer sur les rochers.

Leurs corps se soulevaient à chaque coup de nageoires et, à mesure qu'elles avançaient, je pus distinguer quelques différences parmi ces dernières. Tout d'abord, élément notable pour une scientifique telle que moi, leur reproduction ne possédait pas les mêmes caractéristiques que la plupart des espèces puisque aucun triton ne semblait répondre à l'appel.

De plus, en y regardant de plus près, les créatures en première ligne avaient vu leurs membres avant de se transformer en un semblant de trident et leur chevelure tentaculaire laissait place à une forme de casque gélifié contrairement au reste de la formation n'ayant rien de plus que des griffes à la place de leurs doigts aquatiques et  des excroissances pareilles à une crinière d'eau sur leur crâne. Par ailleurs, contrairement aux gardiennes du portail, qui ne pouvaient pas se déplacer à proprement parler, les autres habitantes de cet endroit avaient toutes une paire d'yeux et non un seul et unique œil.

Alors comme ça, il y aurait une hiérarchie et des classes dans leur cité, songeais-je une dernière seconde avant l'assaut. Me remémorant les paroles de Samaël et observant son profil, je réalisais qu'il avait déjà constaté ce fait en portant allusion au château de pierre. Une partie de moi ne put s'empêcher d'être jalouse de sa vue si performante.

- " Paré... Collision dans quatre, trois..." murmura notre chef, penchant son corps vers l'avant, comme prêt à bondir sur les premières créatures qui se posteraient à portée de son épée.

- " On risque de se perdre dans la mêlée alors, rappelez-vous, notre objectif est d'atteindre l'entrée du château de pierre. Compris ?" ordonna Seth, fidèle à son poste de tacticien.

Je me positionnais tant bien que mal en suspension dans l'eau, mes pieds battant, et amenais ma rapière, pointe en avant et garde profilée. Quand bien même je m'étais entrainée, je ne pouvais m'empêcher d'appréhender la confrontation et une pellicule de sueur se forma petit à petit sur les pores de ma peau, mon souffle court.

Nous n'avions, certes, encore jamais affronté une armée pareille mais ce n'était point cela qui m'angoissait. Se battre sous l'eau risquait d'être bien plus difficile que sur terre et, pire encore, si nous sommes amenés à nous séparer.

Une première sirène se jeta, trident en avant, sur Samaël, hurlant avec je-ne-sais-quelles-cordes-vocales un cri strident qui marqua le début de cette bataille foudroyante. Du coin de l'œil, même le métissé semblait avoir du mal à s'en défaire et les dents du trident enserrant dans un bruit métallique sa lame, il dut bander ses muscles avec force pour la repousser et lui trancher l'abdomen. 

Tandis que je plantais itérativement ma rapière dans le corps transpercé de part en part de mon premier adversaire, je crus m'évanouir de peur en voyant ses blessures se refermer quelques instants plus tard. Visiblement arrivé à la même conclusion que moi, Samaël soupira :

- " Punaise... Les coups d'épée ne leur font rien..." serrant sa mâchoire et ses poings, il cracha difficilement la suite de sa phrase. " Retraite ! Ils ne nous arrivera rien de bien si nous continuons comme ça..."

- " S'il s'agit véritablement de ce que vous souhaitez alors nous ne vous retiendrons pas et vous remercions d'avoir été nos cobayes. Sur ce, nous allons prendre le relais et assurez votre retraite." déclama une voix sortie de nulle part.

Portant un scaphandre aux antipodes de la vieil combinaison que l'on portait, une silhouette vêtue d'argent se tenait au dessus de nous et, l'air supérieur, regardait comme un roi devant ses sujets notre cuisante défaite. Malgré la profondeur, sa voix nous était parvenue sans difficulté en dépit qu'aucun tube ne nous reliait.

Derrière lui, un nombre de guerriers quasiment égal à celui de nos adversaires se tenaient, postés derrière celui qui paraissait être leur chef. Je mourrais d'envie de les observer plus en détail, comme captivée par l'aura éblouissante de la personne en avant mais, si je ne souhaitais pas mourir physiquement, il fallait que je suive les combattants aquatiques face à moi.

- " Nan... Tu n'y penses pas, mec ?" murmura soudainement Keith, guettant d'un air inquiet son meilleur ami.

- " Oh que si, j'y pense... Hors de question que ce type ne se mesure à moi et que j'abandonne comme un lâche. Les gars, partez si vous voulez, moi je reste et je vais montrer à ce prétentieux ce dont on est capable !" répondit-il, le ton plus acéré que son épée.

Prise par l'incompréhension, je pris quelques secondes avant de pouvoir réaliser ce qu'il venait de dire. Ce crétin n'allait-il tout de même pas se battre même en sachant que nos armes sont inutiles face à un tel adversaire, n'est-ce-pas ?

- " Ha... Pourquoi ai-je posé la question,c'était si évident... J'en suis." poursuivit Trois Pommes en riant.

- " De même pour moi, mon commandant." plaisanta Seth sur le même ton que son compère.

Je tournais brutalement la tête, à la recherche de la silhouette d'Yvan, difficilement reconnaissable parmi tous ces scaphandres. Lui, il ne va pas s'y mettre, c'est un homme responsable !

- " Vous ne me laissez pas le choix. Sachez tout de même que si je meurs à cause de vous, ça vous restera sur la conscience, bande d'idiots..." annonça-t-il d'un air serein.

A ces mots, ils me lancèrent une œillade, toujours concentré sur la bataille face à des sirène agacées d'être ignorées. Je n'y croyais pas... Je n'avais aucune envie de mourir, moi et je m'en fichais que des gens nous prennent de haut si cela me sauvait la vie. Arès tout, une noble est fière jusqu'à ce que son existence ne soit menacée...

- " Vous n'avez pas intérêt à me laisser mourir, vous... Sinon, je reviendrais vous hanter jusqu'en enfer !"

- " Ne t'en fais pas, Sasha. En tant que bouseux, on protégera la noble que tu es au péril de notre vie !" s'amusa notre chef en usant d'un ton guindé comme j'aime le faire.

Samaël sourit  et face à une bouille pareille, j'eus peur que mon visage rougisse malgré le froid des profondeurs.

- " Alors, c'est décidé, mec ! Comme on se doute bien que vous allez vous faire laminez, on vous offre notre précieuse aide, du moins pour cette bataille."

Sur ces mots, l'homme au scaphandre d'argent descendit nous rejoindre, ses guerriers dans son dos et, accompagné d'un soufflement du nez et d'une élégante révérence, il annonça que dans ce cas, il comptait sur nous.

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