Chapitre XXI

Fleurir

Un jour, les feuilles brunies tombèrent au sol, l'herbe se laissa brûler sous l'ardent soleil et la brise glaciale fouetta les joues rosies par le froid. Les arbres revêtaient leur plus bel apparat d'ocre alors que les corbeaux chantaient déjà le requiem de l'été.

Un autre, la terre frigorifiée se couvrit d'un manteau neigeux et scintillant. Le blizzard naissant offrait au ciel sa teinte perlée tandis qu'un blanc dehors se levait. Les mèches bataillant se laissaient tremper par les flocons de poudreuse et une brume glacée s'échappait de nos lèvres en un souffle.

Et puis vînt le moment où les bourgeons émergèrent de la banquise fondue pour accorder à leurs fleurs les rayons de l'astre du jour, réveillé par l'amour parfumant l'air plus doux. Les feuilles recouvraient de nouveaux les troncs nus et accordaient une place pour de véritables nids de tendresse.

Enfin, un bruit de craquement apparaissait à chacun de nos pas sur l'herbe verdoyante. Les dorures des champs rivalisaient le soleil déchirant et les grillons chantaient leur réveil. Tantôt une pluie aux éclairs ravageurs tantôt une chaleur étouffante, camouflé à l'ombre d'un pêcher plein de fruits, la plupart ne se souciait pas du temps, si ce n'est de savourer les lueurs d'un bonheur éphémère.

Ainsi, les années défilèrent à grande vitesse pour les enfants qu'ils étaient. Leurs âges s'écrivant désormais avec deux chiffres ne pouvaient exprimer toute la force qu'ils avaient acquis en s'entraînant durement dans les prés.

Le velours prune de la demoiselle avait laisser place à un cuir plus robuste et léger. Sans avertissement, sa vitesse autrefois risible était devenue presque aussi impressionnante que celle du montre et ainsi, malgré ses faiblesses, elle pouvait dorénavant prendre part à n'importe quel combat en avant-garde grâce à ses connaissances sur le bestiaire du pays.

L'intellect du génie avait intégré de nombreux informations ; que cela soit l'économie du pays ou les relations géopolitiques de la région, plus rien ne lui échappait. Son éminence pouvant défier celle de n'importe quel politicien de la capitale, il était voué à prendre une place des plus importantes au sein du pays et pourtant, c'était loin d'être sa seule carte en main. Ses capacités physiques aussi éloquentes que son cerveau le destinait tout aussi bien à être un combattant aguerri.

Quant au monstre humain, déjà séducteur depuis longtemps, il ne pouvait déjà plus mettre les pieds dans les pièces communes de l'église où il résidait sans attirer une foule de fillettes passionnées. Ainsi, passant le plus clair de son temps dans les plaines, l'agilité dont il faisait preuve n'était même plus de l'ordre humain. Pourtant, entouré d'amis débordant au creux de son palpitant, il était difficile de trouver une personnes aux qualités si humaines.

Le petiot avait travaillé dur de son côté. Abattant jour après jour son arme massive dans l'air, il arborait une musculature étonnante pour un enfant de cet âge. Sa sœur n'en revenant toujours pas ne parvenait à choisir si elle préférait le mignon gamin qu'elle pouvait serrer entre ses bras ou celui qui l'aider avec toute sa cuisine à transporter. Seule une chose était sûre ; sa bienveillance, elle, n'avait pas changée. Si le plus petit d'entre eux avait vu sa taille et sa carrure doubler de volume sous le poids de son nouveau gourdin, toujours plus gros que les précédents, ce n'était pas le cas de tout le monde.

Le plus stupide, lui, avait jugé plus utile de dévorer le savoir qu'il l'inspirait tant. Aspirant à la même lumière que l'unique touche féminine de ce groupe, le temps qu'il passait dans la bibliothèque à se gorger de connaissances et tactiques militaires faisait jeu égal avec celui du plus érudit. Par contre, un chagrin important commençait déjà à noircir son âme vierge. Le père dont il était si fier avait perdu la vie.

Les nouvelles allaient mal dans la guilde, pas assez de personnel, pas assez d'argent, pas assez de monstres ; pas assez de tout. Le roi, ignorant tous les maux qu'ils causaient dans son pays, avait recruté tant de guerriers que le maître ne pouvait plus se permettre d'accepter des quêtes ardues et aux récompenses alléchantes, contraignant ses membres à abattre le peu de monstres de sa région, il allait bien venir le jour où les affaires ne marcheraient plus pour lui.

Par une journée ensoleillée, le combattant s'était aventuré au delà des plaines paisibles et tranquilles pour aller là où les monstres arborent des crocs plus acérés et crachent un venin plus amer. Espérant gagner suffisamment d'or avec les restes de ses proies pour sauver sa guilde et sa famille, il n'avait pas songé un instant que le fossé séparant ses adversaires habituels à ceux-ci serait si grand.

Après des semaines passées à rechercher leur maître, ses subordonnés finirent par retrouver un corps complètement défiguré mais pas assez pour permettre de douter de son identité. Il avait croisé le monstre de trop et cela lui avait coûté le prix de sa vie.

S'il était impossible de mesurer le chagrin d'un enfant découvrant le véritable sens de la mort, il était pourtant évident de deviner la perte que cela allait engrainé sur la ville. Plus de maître, plus de guilde et ; plus de guilde, plus de rêve pour cet enfant qui avait déjà tant perdu.

Il manquait désormais quelque chose dans le corps de ce gringalet d'une douzaine de printemps mais ce vide ne saurait être rempli. La mort, c'est rien ; c'est la disparition de la personne qui fait mal. Triste découverte pour un morveux qui ne pouvait même plus croire en ce qui l'a toujours habité.

Enfin, cela aurait dû être le cas. Cela l'avait été un moment mais, apparaissant comme une lueur dorée au milieu de la nappe grise de nuages, un monstre parmi les hommes révéla, à ceux qu'il espérait être les siens, le prologue de leur histoire :

- " La guilde a disparu, et alors ?  Après tout, on a déjà sauvé notre maison d'une Virace donc maintenant sauver les rêves de notre ami ne sera pas plus difficile. Ce rêve, on va le réaliser de la première pierre à la dernière. On va la reconstruire, cette guilde !"


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