Chapitre XVII

Cauchemar

Vaincre un monstre. Éliminer une créature en tout point supérieure aux Hommes et plus encore à des enfants tels que nous.

Insensé, n'est-ce-pas ? Pourtant, à cet instant précis, cette idée me parut être la seule envisageable et ce simple fait, celui de protéger la ville, fit monter en moi une irrépressible excitation.

- " Oui ! On va dégommer cette sale bête !" renchérissais-je avec entrain.

D'accord, le poing de Samaël rejoignit le mien sous le regard médusé de Seth, peinant à y croire et ravalant ses mots dans un bruit de déglutissement.

Bien que notre ami eut du mal à s'y faire, il ne s'opposa cependant pas à notre décision. A dire vrai, il en mourrait d'envie mais, forcé de devoir garder un certain courage par son orgueil, il n'en dit rien.

Très vite, nous nous empressions de nous rendre jusqu'au fameux muret, chacun armé d'un bâton trouvé en chemin, enfin l'expression "arraché sur un arbre" serait plus juste.

- "Alors, elle est où, cette satanée bestiole ?" s'enquit Seth en commençant à inspecter le chemin d'un air impatient.

Nous n'avions aucune connaissance en monstres et, bien que nous jugions inutile d'emmener Yvan et Sasha, pourtant les seuls à en avoir, nous regrettions déjà notre décision face à cet environnement dépourvu d'habitants.

Bien embêté de constater l'échec de mon idée, demander à mes camarades ce que nous allions faire restait dans mes cordes. Cependant, pas plus avancé que moi, ils s'accordèrent à patienter encore un peu.

Quand notre patience atteint enfin sa limite, le ciel se teintait déjà de la lueur ambrée du crépuscule et la fraîcheur du soir commençait d'ores et déjà à se faire sentir tandis que la légère brise avait laissé place au vent.

Résignés, nous tournions le dos au muret sur lequel nous nous étions accoudés toute la journée. Marchant devant nous, j'entendis Samaël murmurer, comme pour lui-même tant son ton était bas, masqué par le frissonnements des feuilles :

- " Bon, je crois que j'ai fait tout ça pour rien..."

Troublé par son attitude, j'allais lui demander ce qu'il venait de dire cependant, au moment où j'allais le faire, sa silhouette se raidit et un cri d'attention retentit dans ses cordes vocales. Dans un mouvement vif et précis, il repoussa Seth sur le côté avant de plonger sur moi avec une force incontrôlée.

Entraîné par son élan et la brutalité de son acte, mon champ de vision roula plusieurs fois avec moi et seul un camaïeu doré tournoyant apparut dans mes pupilles. Mon corps tombé à la renverse était bloqué au sol par Samaël qui s'appuyait sur mes bras, les doigts fermement pressés conter ma peau et observait en chien de faïence quelque chose dans son dos. Son corps tout entier était crispé par l'effroi et sa mâchoire serrée semblait contenir toute l'impatience et le cran qui bouillonnait en lui.

Porté par son regard oppressant, mes yeux se posèrent sur une créature qui semblait être tout droit sortie des abysses du monde lui-même. Se prolongeant en dehors du tapis de terre, l'ombre du muret se soulevait dans les airs et apparaissait tel un brouillard de ténèbres.

La brume noire et impénétrable dessinait un corps à l'aspect hérissé où deux bras pourvus de mains aux doigts crochus s'échappaient. Bien que l'ombre en elle-même n'est rien de semblables aux hommes, on pouvait apercevoir une paire d'œil en forme de croissant de lune rouge sang qui nous toisaient avec appétit, même si le doute quant à l'existence d'un estomac dans son corps pouvait être permis.

Le brouillard visqueux sur la partie faciale de son corps retombait étrangement, si bien qu'il semblait le pourvoir de crocs acérés ouverts sur une bouche béante et un néant sans fond, sa langue salivante provenait de je-ne-sais-où.

Il nous observa longuement, se demandant froidement lequel d'entre nous il dévorerait en premier. Ma respiration s'était brusquement arrêtée depuis que mon regard avait croisé celui de la bête alors, quand cette dernière disparut dans l'ombre sans sommation, je crus tourné de l'œil.

Cependant, le léger redressement de Samaël qui observait les alentours sur ses gardes en portant son bâton à son visage confirma que ce n'était pas une hallucination. Seth et moi croyions pouvoir nous sentir soulagés de son départ pourtant l'attitude de notre camarade sembla nous indiquer le contraire.

Toutes nos craintes furent confirmés lorsque son corps réapparut de nulle part et fondit sur nous, considérant que nous étions les plus vulnérables. Mon bâton fut mut vers moi d'un réflexe sorti du plus profond de mon être et s'immisça entre les doigts aiguisés de la créature. Le petit végétale vola en éclats sous la force de sa poigne et libéra le passage aux crocs de la bête.

Mon sang ne fit qu'un tour et la totalité de ma peau fut inondée sous un flot de sueur froide. Mes mains tremblaient autour des morceaux de bois restés entre mes doigts et émettaient un bruit de craquement sous la pression. Ma respiration se faisait plus que haletante et mon cœur battait beaucoup trop fort au point de m'assourdir.

Je vais mourir. Non, je ne peux pas mourir. Je vais me faire dessus... Non, je ne veux pas mourir en m'étant fait dessus !

Comme si toute la peur et l'angoisse indescriptible qui m'assaillait à cet instant devait se libérer de son réceptacle trop faible et trop petit pour la contenir, mes cordes vocales vibrèrent comme elles ne l'avaient jamais fait jusqu'à présent et un hurlement d'effroi résonna jusqu'à l'orée du ciel. Une volée d'oiseaux fut projetée sur son passage.

A quelques centimètres de mon visage, la créature qui devait s'être pris mon cri de plein fouet, et dont l'hostilité était palpable, se raidit. Ses prunelles sanguinolentes semblèrent errer dans le vide et se perdre tandis que sa bouche laissait entendre des borborygmes étouffés.

Le monstre hésita et remua d'avant en arrière ses mains vers moi, flottant toujours juste au dessus de mon corps, avant de finalement s'en aller, comme aspirer dans l'ombre du muret.

Pendant longtemps, nos corps refusèrent de bouger et seul le souffle oppressant du vent résonnait dans l'air. La créature était repartie d'où elle était venue et plus rien ne témoignait de son passage, comme si tout ceci n'était qu'une ombre dans les ténèbres, juste un mauvais rêve dans la nuit.

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