Chapitre XI

Mais c'est qu'ils continuent, ces crétins !

Assise à ma fenêtre, à contempler le nouveau paysage qui se dessine derrière la vitre de ce manoir qui m'était encore étranger, je ne pouvais m'empêcher de trouver mille défauts à cet endroit.

D'abord, il est nettement plus petit que l'ancien ! Pas étonnant dans un village si reculé et si... paysan. Ensuite, l'herbe semble plus fade ! Je suis sûre que le soleil l'a brûlé, j'espère que mon teint de porcelaine n'en pâtira pas..., râlais-je en mon for intérieur, fortement agacée d'avoir dû quitter ma merveilleuse demeure dans laquelle je résidais depuis ma naissance.

Ce n'était pas ma faute. Je ne suis qu'une enfant, je n'avais certainement pas à assumer les erreurs de nos collaborateurs qui nous ont valu de devoir faire pâle figure, nous contraignant à quitter la capitale où se faire remarquer n'augurait rien de bon pour nous désormais.

Entre nous, la magnifique et prestigieuse famille Aggran et les De Courtebell, Rosran, cet endroit pittoresque est devenu le refuge des riches frappés de malchance. Sérieusement, comment dire plus clairement que ce village de gueux est, pardonnez-moi la vulgarité de mes propos, un véritable trou paumé, la crème de la crème de la cambrousse !

- " Jeune maîtresse, votre regard est figé sur le jardin, désirez-vous donc prendre l'air ?" demanda une de mes servantes personnelles d'un ton monocorde, les yeux dirigés vers le sol.

Si c'est pour que tu m'accompagnes, je m'en passerais cordialement.

- " J'apprécierais. Apportez-moi ma capeline, je vous prie. Vous autres, servez-donc Père et Mère, je n'ai point besoin de plus d'escorte."

A ces mots, l'une des femmes au dos courbé pivota sur elle-même avant de se lever, préférant ne pas croiser mon regard et partit chercher ce que je lui avais demandé, très vite suivie par les autres servantes, imitant son mouvement et, devant passer par le même chemin que leur pair.

Très bien. Maintenant, le champ est libre. Considérant le temps que cette potiche trouve mon chapeau et les autres mes parents, j'ai le temps de sortir tranquillement. Après tout, je me doute que nos gardes soient encore perdus dans ce nouvelle environnement tant cette bande de lambins est incompétente. 

Bien que je restais confiante de ce fait, mes jambes ne purent contenir leur hâte et, très vite sortie, ma démarche lente et gracieuse laissa place à une petite course quelque peu essoufflée. Enfin, comprenez bien que ce sont les petits talons de mes chaussures qui m'épuisent, je suis loin d'être en mauvaise forme, m'affirmais-je avec conviction, refoulant toute mauvaise foi.

En sortant si vite et si facilement, je songeais que j'avais bel et bien quitté ma maison de toujours. Là-bas, les gardes étaient postés intervalle régulier, au point de ne pouvoir faire une promenade sans croiser cinq d'entre-deux, ne me rendaient pas la tâche aisée ! Aussi, même sortie de la propriété, il fallait prêter attention à ne croiser aucun bourge en relation avec les Aggran sinon, ma cavale était dévoilée.

Alors qu'ici... Il n'y a pas un chat, constatais-je devant la rue vide de monde qui faisait face au domaine.

N'y prêtant pas plus attention, je continuais ma route sans avoir de véritable destination. Ce n'est pas comme si je connaissais les lieux, de toute façon. J'imagine que je vais me rendre à la "place" bien qu'elle soit plutôt petite, même pour un patelin pareil, à moins que ma vision des choses soit erronée... Enfin bref, il me semble qu'il y a une bibliothèque, je pense pouvoir y trouver ce qu'il me faut.

J'avançais le long des murs, habituée à devoir me cacher d'éventuels connaissances de ma famille. Néanmoins, si dans mon ancien chez moi, il s'agissait d'un acte visant à me protéger, je n'aurais jamais cru qu'ici, il serait ce qui causerait ma perte.

Tapis dans l'angle d'une maison, d'innombrables gouttelettes d'un liquide ambré se éclaboussèrent vers moi. Dans la surprise, je n'eus que le temps de tourner la tête, de sorte à épargner mon beau visage maquillé mais, cela n'empêcha point le fluide de se déverser sur mes manches, ma robe mais surtout ; les pointes de mes cheveux.

Abasourdie, je ne réussis qu'à ouvrir et fermer les yeux frénétiquement, contemplant le liquide à l'aspect orangé imprégné mes habits, les teintant au passage de sa couleur criarde.

- " Qu'es-ce... que ?" articulais-je comme un pantin.

Ma voix s'éclaircit soudain et avec elle, un cri enragé m'époumonai avec une force que je n'avais jamais employé même sur mes incapables de servants.

- " Qu'est-ce que c'est que ça ?!" hurlais-je en portant mes mains à mes yeux dilatés.

Sans réfléchir, je tâtais du doigt l'une des tâches jaune-orange et remarquais durement que cela collait. Avec une certaine idée de ce dont il s'agissait, je goûtais le liquide dénommé "miel". Comme pour m'en assurer, je tentais de l'enlever de ma chevelure tressée mais, c'était sans compter que le liquide sucré, pris dans mes nattes, ne s'enlèverait certainement pas si facilement.

En levant les yeux pour enfin découvrir qui était le plébéien qui avait déclaré son arrêt de mort, je fus interloquée en faisant face à un morveux. Alors comme ça, un péquenaud du même âge que moi souhaite écourter sa vie plus qu'il n'en faut ?

Étonnement, je réagissais avec plus de calme que je ne le croyais et toisais avec un rictus figé le gosse. Toute ma colère s'envolait dans les airs tandis qu'une irrépressible envie de les faire subir les pires souffrances au monde naissait au plus profond de moi.

L'enfant sembla ressentir cet atmosphère terrible et trembla un instant avant de proférer, avec le ton le moins assuré qu'il n'existe, une sorte de joie :

- " Tiens, ça t'apprendra, espèce de prétentieuse ! Si tu t'étais montrée plus gentille hier, tu aurais encore tes cheveux !" cracha-t-il avec véhémence.

En entendant cela, mon esprit réalisa enfin qu'il s'agissait du même insecte de la veille, celui-là même qui avait osé me parler malgré ses origines désastreuses. Alors comme ça, ton ego de pacotille a été blessé ?

- " Si ce sont mes cheveux que tu veux, je t'en prie, prends-les." tonnais-je comme un grondement sourd en empoignant le petit canif que j'emportais à chacune de mes sorties, bien camouflé dans ma robe.

D'un geste lent et calculé, j'agrippais d'une main légère le bas de ma coiffure et de l'autre, j'y approchais le couteau à l'argent reluisant au soleil. Puis, je coupais vivement les mèches salies, un regard de défi brûlant dans mes iris clairs. Le coup rapide et franc arracha un mouvement de recul à mon interlocuteur qui se décomposa petit à petit.

Crois-moi, tu es loin d'être sorti d'affaire, misérable puceron, salivais-je en observant la minable créature qui fuyait déjà les jambes à son cou. Je vais te faire payer ton affront !

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