Chapitre VI

Calmes comme les plaines, exaltés tels des mouflets

Le lendemain matin, je n'ai même pas pris le temps de manger un bout, trop enthousiaste à l'idée de revoir Samaël et Seth. Cela pouvait paraître surprenant mais quand on découvre enfin ce que c'est l'amitié, ce que c'est de ne plus devoir supporter la solitude, on a envie de savourer toutes ses nuances.

Je chantonnais joyeusement depuis mon réveil, un grand sourire ancré sur mon visage. Déjà la veille, je n'avais pas réussi à m'endormir avant un long moment tant j'étais excité.

Seulement deux jours et déjà deux amis. C'est sûrement ridicule aux yeux des autres, à leur place je n'en penserais pas moins mais, ça me ravit de rencontrer des personnes aspirant aux mêmes rêves que moi, rêvant aux mêmes chimères.

Soudain, à peine la porte de la maison franchie, une voix me fit sursauter dans mon dos. Cette abrupte salutation provenait de dessus le toit ; là-haut, Samaël était perché nonchalamment aux côtés de la girouette et semblait attendre mon arrivée.

Il est venu, songeais-je en inspirant une grande bouffée d'air et de bonheur.

La douce chaleur qui s'infiltra dans mon cœur et rythmait ses battements parcourut tout mon corps. Savoir que celui pour qui j'accordais le plus d'affection, en dehors de ma famille, était venu me retrouver de bon matin pour jouer avec moi me comblait d'un sentiment de satisfaction irréfrénable. Je me mettais instinctivement à rire de la manière qui m'était singulière et le saluais en retour.

Il sauta habilement de la toiture et atterrit fermement sur ses deux jambes. Son agilité me surprendra toujours ; déjà, comment as-t'il bien pu monter jusque là-haut sans tomber ni même faire de bruit ? Un vrai singe, ce Samaël !

- " T'as pas dormi dehors, quand même ?" le questionnais-je tout d'un coup.

A peine débarqué, la première question que se déversait dans mon esprit était celle-ci. Je savais qu'il se sentait mal à l'aise en étant invité chez les gens alors j'avais préféré attendre qu'il me le demande de lui-même mais au final, il ne l'a jamais fait.

Je n'ai pas osé le forcer mais, l'idée qu'il dorme dehors, à la portée de tous les méchants me donnait des frissons. J'ai bien compris que le métis était plus fort que la normale des enfants de son âge mais tout de même, face à un adulte, les poings d'un enfant ne sont pas comparables.

Alors, ma voix s'était élevée d'elle-même, presque semblable à un cri d'effroi et pourtant, mon ami se contenta d'afficher une légère moue de surprise. Il se gratta l'avant-bras discrètement et expliqua, dans un murmure de honte, qu'il s'était rendu à l'église pour demander leur charité. Chose qu'ils ont faite, les prêtres l'ont accueilli les bras ouverts et, cette nuit, il a pu manger à sa faim et dormir dans un bon lit, couvé par quatre murs et un toit.

Il ne se sentait pas à son aise de devoir dépendre des adultes pour vivre mais face à un bon potage et une couette bien chaude, difficile de choisir une ruelle glacée pour dormir avec comme dîner les restes faisandés des villageois...

D'ordinaire, en étant recueilli par le Saint-père de Rosran, il aurait dû assister aux cours dispensés par l'église mais il semblerait qu'il en ait décidé autrement. Samaël se serait échappé juste après le petit déjeuner en passant par un des vitraux en réparation sur la tour nord. Enfin, même si ça ne m'étonne pas de sa part, je ne pouvais pas nier que mon compagnon était vraiment agile puisque la seule cavité en train d'être réparée sur cette tourelle se trouve à au-moins douze mètres de hauteur.

Un soupir de soulagement s'échappa de mes lèvres entrouvertes. J'étais rassuré quant à son logis désormais, bien qu'il n'aille pas en classe, au moins je pouvais passer du temps avec lui ! Sans laisser le temps à mon camarade de me rassurer davantage, je me mis à courir dans la ruelle, en direction de Wollmuffen.

C'est bien joli les beaux discours mais, à cet instant, j'avais surtout envie de retrouver mon autre ami Seth. Sa stupidité est tellement drôle, ce ne serait pas pareil s'il n'était pas là !

Je galopais avec entrain et pourtant, il ne fallut que quelques secondes à Samaël pour me rattraper malgré que mon départ précédait le sien. Ainsi, bousculant passants et étales, nous arrivâmes devant notre second camarade.

Il sembla légèrement déconcerté par notre course mais, sans mettre de mots sur sa pensée, il nous salua vivement.

- " On est là ! Mais sinon... Des amis, ça fait quoi, en fait ?" m'exclamais-je, enthousiaste à l'idée de faire comme tous les enfants de notre âges font.

Je m'attendais à être submergé d'explications et d'activités pourtant, seul un silence de mort suivit ma question. Mes amis ne semblaient pas vraiment avoir réfléchi à la question, ou plutôt ne semblaient pas avoir de réponse à celle-ci.

- " Bah... C'est pas comme si j'avais déjà eu des amis avant... Je suis le fils du maître de la guilde alors forcément, on me considère plus comme un chef à qui l'on doit obéir qu'à une personne avec qui l'on peut être ami..." déclara non sans gêne Seth, grattant le sommet de son crâne avec une mine ahuri.

- " Ouais... J'ai pas trop la tête la plus rassurante au monde avec mes cheveux décolorés et mes yeux rouges alors... Les gens ont plutôt peur de moi, en fait." renchérit Samaël en détournant le regard, comme s'il songeait à notre avis sur son apparence originale.

En voyant leur complexe, je ne parvins pas à saisir le problème. Toutefois, il est vrai que le physique du métis doit en surprendre plus d'un, même si de mon point de vue, il est juste trop cool ! Après, aucun commentaire sur Seth... Je crois qu'il confond le fait qu'il parait plus idiot qu'effrayant en dépit de son paternel, songeais-je en riant en mon for intérieur.

- " Bon ! Puisqu'on ne peut pas encore se battre contre des monstres, et si on allait lire les récits des héros du royaume ? Il doit bien en avoir à la bibliothèque, non ?"

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