Chapitre IV

Blitz, Äpfel und Wollmuffen

Je commençais à sentir mon esprit s'éloigner du sommeil. Mon corps remuait dans tous les sens en attendant d'être suffisamment motivé à se lever tandis que des petits gémissements semblables à des ronflements faisaient leur apparition.

Je m'étalais et étirais mes bras toujours plus loin, les calant contre la masse chaude et inconnue qui reposait à côté de moi. Encore embrumé, je ne voyais pas de quoi il s'agissait et songeais à ce qu'un monstre se soit infiltré entre mes draps mais, je devais bien l'admettre, dormir était plus attrayant que combattre du méchant dès le matin alors, je n'y prêtais pas plus d'attention.

Au contraire, j'écrasais sous l'une de mes jambes le corps étranger et ronflais de plus belle. Je pense que le monstre devait lui aussi préférer dormir parce qu'il n'hésita pas non plus à s'imposer dans mon lit. Dans un concours de place, il ne fallut pas bien longtemps pour que nous tombions tout deux du matelas, accueillis par la délicatesse du parquet.

Ma tête me faisait mal, immédiatement frottée par ma main, comme si cela allait changé quelque chose à ma future bosse...

Poussant une plainte à ma chute, c'est en entendant celle de mon compagnon que je me souvins que Samaël avait passé la nuit ici. Réveillés et dans le même état de somnolence, nous échangions un regard complice.

Il sembla décontenancé pendant quelques instants dans cet endroit qui lui était étranger mais il n'en fit pas la remarque, me suivant jusqu'à la cuisine sans piper mot.

Je me servais un bol de lait de chevrette comme à mon habitude et préparait un couvert de plus pour Samaël mais il me regarda, perplexe.

- " Oh... Euh, je ne vais pas abuser de votre hospitalité ! Je vais y aller..." refusa-t-il, tiraillé par sa gêne.

Grattant l'arrière de sa tête d'un geste machinal, il évitait tout contact visuel, comme si le fait de ne pas me regarder aller m'empêcher de voir ses joues rosir de malaise. Sans doute, était-il trop habitué à errer dans les rues et à se débrouiller seul qu'il n'arrivait plus simplement à croire en la gentillesse d'une personne. Nous étions peut être trop généreux pour lui mais, nous étions, au contraire, juste comme tous le monde le devrait ; prêts à aider son prochain sans attendre quoique ce soit en retour.

En voyant sa carrure décharnée, je pensais que c'était dû à son manque d'alimentation doublé à une habitude de courir rapidement mais c'était une erreur. Les gens ont sûrement dû le regarder fouiller leurs poubelles en pensant plus à un cruel manque d'éducation plutôt qu'en songeant à l'aider. Samaël a dû grandir en étant ignoré par la plupart des gens et a fini par penser que c'était normal, comprenais-je en lisant la peur dans les yeux embués du jeune garçon.

Je l'invitais, d'un air enjoué, à me rejoindre en posant un bol de lait plein à raz-bord devant lui. Il hésita longuement mais se résigna devant mon sourire indécrochable. La gêne pesa un moment sur nous mais il ne fallut pas bien longtemps avant que nous ne rediscutions avec enthousiasme comme hier.

- " D'ailleurs, ta grande sœur démone n'est pas là ?" demanda-t-il en croquant dans un bout de pain.

En entendant ça, je me rendis compte que si pour moi c'était une habitude, l'absence d'adulte ici pouvait être surprenante et prenais mon temps à lui expliquer la raison de son absence.

Lulu aidait à la boulangerie la semaine. De fait, elle devait partir très tôt le matin pour cuire les pains et préparer les étals. Je ne la voyais jamais se lever puisqu'elle partait quand j'étais encore plongé dans mon sommeil. Hier et avant-hier, elle était là au petit déjeuner puisqu'elle ne travaille pas le week-end mais, en dehors de ça, je ne la vois pas si souvent...

Samaël me regarda avec curiosité. J'avais bien compris qu'il se sentait désolé en voyant l'absence de famille à mes côtés et, il était bien placé pour savoir combien c'était difficile mais, il s'abstint de tout commentaire. Il remarqua juste que c'était grâce à son travail à la boulangerie que sa cuisine était si bonne, songeant sans doute au morceau de pain qu'il détaillait dans sa main.

Quand nous eûmes finis, Samaël retrouva son malaise habituel et, en usant d'un prétexte ridicule, il quitta la maison quand j'étais occupé.

Je ne voulais pas...

Une étrange tristesse empoigna mon cœur. Le silence de la maison me parut soudain oppressant... Il n'était pas resté longtemps pourtant, j'avais l'impression qu'il a toujours était ici, comme s'il s'agissait de sa place.

En fait, non.

Ce n'était pas tant sa place dans ma maison mais plutôt dans mon cœur ; c'était mon tout premier ami, ou du moins la première personne que je pourrais considérer comme telle. Les enfants ne courent pas les rues à Rosran ; soit ils aident leurs parents, soit ils vont à l'église pour travailler. Personne de mon âge n'est jamais venu me parler à cause de la mauvaise réputation de mes parents qui sont partis en voyage, trop marginaux pour leurs enfants, les parents ont toujours retransmis leur ressentiment à leur progéniture.

Après quelques instants perdu dans le vide, mes jambes se mirent à courir vers la sortie. Cherchant du regard mon "ami", je me mettais à le poursuivre une nouvelle fois sauf que, cette fois s'il faisait jour, je n'avais pas pour autant une idée d'où il aurait bien pu aller.

Mais, refusant d'abandonner, je me répétais la phrase que Lulu a inventé : "Tous les chemins mènent à la place" et courrais vers le centre de Rosran.

Et, comme si mon aînée avait toujours raison, je l'aperçus finalement en train d'observer de loin la guilde de Rosran qui s'élève, aux côtés de l'église et de la bibliothèque, haut dans le ciel de notre bourgade ; Wollmuffen.

- " Samaël !" hurlais-je à en perdre la voix, galopant jusqu'au garnement hébété. " J-Je... Devenons amis ! S'il-te-plaît !"

- "Ouais... Trois pommes..."

Le concerné rougit de plus belle mais accepta d'une toute petite voix, reproduisant le même toc qu'il avait quand il est gêné ; se gratter la nuque en détournant le regard. Je riais nonchalamment en serrant dans mes bras mon ami qui bafouillait, l'air malaisé.

- " Alors comme ça, toi aussi, tu t'intéresse à la guilde des aventuriers ?" demandais-je avec intérêt. " Et pourquoi "Trois pommes" ?"

- " Ah... Bah, c'est parce que t'es haut comme trois pommes pour ton âge alors..." commença-t-il avant d'être interrompu par une voix provenant de nulle part.

- " Alors comme ça vous êtes venus voir la guilde de mon très estimé papa ?" tonna une voix gorgée de confiance en elle, sonnant plus comme une affirmation qu'une question.

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