Bonus
Coucou ! Voilà voilà, je vous propose de lire la petite nouvelle que j'ai écrite pour le concours de la Plume Encrée ! Le thème de celui-ci était "UN VOYAGE INATTENDU" et dans les grandes lignes, deux personnages de notre histoire, ici Sasha et Seth, allaient se retrouver plongé dans l'univers de notre roman préféré, dans le nombre très dur à respecter de 4000 mots, pas plus ! ,:)
Bien que je n'en sois pas du tout fière et que je pense avoir fait un "hors-sujet" dans le jargon des gens encore scolarisés, je vous propose de lire ce que j'ai fait ! Petite précision, il s'agit donc d'un mélange de Flügel et de "Violet Evergarden", le light novel ! Je me doute que vous ne le connaissez pas alors je vous propose un lien qui vous dirigera vers sa traduction !
https://www.wattpad.com/story/156396259-violet-evergarden-tome-1
Enfin, sans plus tarder, voilà ma pitite nouvelle (qui fait pile 4000 mots, au passage ;p) ! ;)
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Un voyage inattendu - Les mots du silence
Au milieu d'une terre défrichée, les éternels badinages d'ivrognes restés à brailler dans la taverne de la guilde parvenaient à couvrir le chant des oiseaux d'été sur plusieurs lieues à la ronde. Les choppes d'alcool s'entrechoquant déversait leur liquide odorant sur le parquet usé tandis que les rires gras des hommes se moquaient de leurs propres âneries.
N'importe quel arrivant aurait pu penser que la raison pour laquelle la guilde s'était établie à la périphérie de la ville dans cette ancienne grange était à cause du chahut interminable qui sévissait en son sein.
Pourtant, parmi cette mêlée de fêtards, il y avait malgré tout quelques âmes qui vivaient en silence, se contentant d'effectuer leur travail en épargnant les autres de leur voix.
Feuilletant un ouvrage conséquent devant son secrétaire, une belle demoiselle dégagea les mèches brunes qui retombaient sur les pages d'un geste élégant de la main. Le teint légèrement rosé et un petit nez relevé, elle incarnait la beauté dans cette ville où le soleil venait haler la peau des fillettes.
Sasha Aggran, fille de la haute noblesse déshéritée pour avoir ignoré la voie de son rang, continuait d'enrichir ses vastes connaissances sur les monstres du royaume d'Himmel*. Pourtant, à cet instant où le calme régnait dans son bureau enseveli sous la masse de documents qu'elle consultait, des poings vinrent toquer à la porte dans un bruit sourd. Ennuyée d'être dérangé, elle releva ses yeux clairs sur l'incongru qui entrait sans attendre en recherche d'une quelconque explication de sa part.
Le jeune homme, souffle court et sudation évidente, essuya son front du revers de sa main fermée sur une enveloppe. Après maintes respirations, l'homme à la peau brunie par le jour se décida sur les mots qu'il emploierait face à sa collègue :
— Le pays voisin, Leidenschaftreich, va enfin signé un traité de paix avec l'Empire Gardarik. Une cérémonie célébrera l'achèvement de leur conflit et le roi a donc décidé que quelques personnes importantes d'Himmel y assisteront en symbole de notre soutien. Certains nobles, religieux et marchands seront donc invités à s'y rendre, accompagnés d'aventuriers pour les escorter, annonça-t-il, une légère précipitation dans la voix.
Toujours sans se départir de son calme, la scientifique considéra quelques instants l'homme qui s'était précipité dans son bureau. Ne parvenant pas malgré toute sa réflexion à saisir la raison qui avait poussé le général à lui parler de ce sujet en lieu et place du Vice-Maître, elle finit par abandonner et accorda de son temps à son collègue avec qui elle débattit longuement.
En dehors des fondateurs, aucun des aventuriers de cette guilde ne pouvait prétendre à la défense de richards donc la décision était très simple à prendre. Le trésorier et Vice-Maître ne pouvait certainement pas quitter leur poste ne serait-ce qu'une semaine alors effectuer pareil voyage était inconcevable. D'autre part, une certaine politesse était de rigueur quand on accompagnait une illustre personne alors le langage grossier et les mauvaises plaisanteries d'un Maître ivre dès l'après-midi ne convenait certainement pas à cette demande.
C'est ainsi que le lendemain, les deux acolytes durent dévaler les routes dans leur calèche, les malles faites à la hâte et leur paperasse abandonnée au bureau. Ils enchaînèrent des jours entiers de trajet, leur fessier écrasé sous les remous du véhicule chancelant.
Arrivés à la capitale rayonnante de leur royaume, ils furent accueillis par une haie d'honneur prévue pour de véritables invités de marque cependant leur repos fut de courte durée. Le soir tombé, un convoi d'une vingtaine de diligence s'empressa sur les routes de terre qui parcouraient Himmel de part en part avec à leur bord l'escorte d'aventuriers et leurs passagers.
Dirigés vers le Sud où leur destination se profilait, le roulis des voitures et les pas des chevaux galopant résonnaient en écho sur la terre séchée par la saison chaude, le vent filant entre les calèches. Seules les attaques de monstres, rapidement éradiquées par les combattants vétérans du convoi, venaient troubler l'ennui de ce voyage long et redondant où les pâtures s'étendaient à perte de vue.
Toutefois, là où les cartes devraient être les seules à dessiner une frontière, celle qui séparait le pays natal de Sasha et Seth et Leidenschaftreich nouvellement en paix, le progrès semblait lui-même opposer ces mondes.
Bénéficiant de rails liant Leiden, leur capitale, à d'autres villes de leur pays, cet endroit sortant pourtant d'une longue guerre possédait une innovation en terme de commerce que leur pays ne possédait pas.
Soudain, dans un refrain itératif et métallique, une locomotive semblable à la toute première qui cheminait dans Himmel apparut sous les yeux ébahis des éminents apercevant une seconde l'Odolindë* devant eux. Soufflant les étrangers sur son passage, le train continua sa route vers la gare où se rendaient ces derniers.
Les regards auraient voulu s'y attarder plus longtemps, savourer toujours plus la splendeur de l'ouvrage, la minutie d'acier ou encore le nuage de fumée qui couronnait la cheminée de charbon mais cette invention révolutionnaire ne leur en laissa point le temps et ils durent se résigner à poursuivre leur chemin, quelque peu dépêchés par l'escorte d'aventuriers vétérans.
Même si le pays voisin était reconnu pour être épargnée du bestiaire et ses créatures, s'attarder n'était pas une bonne idée. Autrefois, avant la Grande Guerre, le gouvernement de Leideinschaftreich aurait orchestré une grande rafle afin d'éradiquer la totalité des monstres du pays et déployer un réseau ferroviaire bien plus important que celui d'Himmel. Depuis, plus aucun de ces derniers ne rasent les contrées paisibles et tous les anciens aventuriers avaient intégrés l'armée du pays.
Finalement, après avoir emprunté le chemin de la gare du pays et vécu leur premier trajet en locomotive étrangère, Sasha et Seth purent enfin savourer la joie de se reposer dans la ville de Leidenschaftlich, lieu de la fête, où leurs passagers seraient pris en charge par les gardes de leurs hôtes.
S'extirpant du wagon dans lequel elle avait été retenu bien trop longtemps à son goût, Sasha savoura une grande bouffée d'air, plutôt chaud, en laissant le talon de ses bottes claquer sur le dallage de pierre. La brise lui fouetta le visage dés son premier pas en dehors de la locomotive. A sa suite, Seth lui emboîta le pas et dut l'éloigner de la portière pour sortir lui aussi.
— Le chef de l'escorte a prévu le retour dans une semaine environ, d'ici-là, nous avons quartier libre. Que comptes-tu faire, ici il n'y a pas de monstres sur lesquelles tu pourras t'épancher, n'est-ce-pas, demanda-t-il narquoisement, un sourire en coin sur le visage.
Si la plaisanterie n'aurait pas du lui plaire en temps normal, la scientifique se contenta d'étirer ses membres engourdis par le voyage tout en ignorant son camarade. Quand bien même elle souhaiterait lui répondre que ses lèvres refuseraient de se remuer. Laissée bouche bée, le paysage exotique qui se dessinait devant elle l'empêchait de se confondre en paroles.
Tout était différent de la région dans laquelle résidait l'érudite. Jusqu'aux pavés bien plus orangés que la pierre grise qui dallait les ruelles de Rosran*, tout était différent dans cette contrée.
Les ayant ressenties durant le trajet, Seth se sentit impressionné face aux collines verdoyantes qui s'étalaient sur l'horizon. Même l'air du sud lui semblait plus lourd tandis que des arbres inconnus pour la scientifique se dressaient de çà-et-là des trottoirs.
Cependant, ce qui intéressa le plus Sasha, ce fut le remous des vagues qui remontait jusqu'à ses oreilles. Plus loin, devant des quais s'étendait un autre ciel. Se reflétant sur la surface de l'eau, le ciel ensoleillé colorait de son azur la mer aux airs d'infini. Des bateaux bordaient la terre qui se prolongeait par endroit et les rires des marins rivalisaient avec le cri des oiseaux. Une douce odeur salée parfumant la brise et se faufilant entre les grands bâtiments colorés, la nostalgie s'empara de la scientifique ressassant ses premiers souvenirs de l'océan.
La belle femme sentit son esprit s'apaiser devant ce spectacle à couper le souffle. Incapable de songer à autre chose qu'aux avancées technologiques qu'ils obtiendraient en s'alliant avec un pays aussi développé que celui-ci, Sasha n'avait pas eu l'esprit tranquille durant les heures passées dans le wagonnet. Elle avait l'impression de découvrir un autre monde mais désormais, seule la quiétude régnait sur elle.
Autour de ces deux étrangers, la nouvelle de l'armistice semblait avoir déjà fait son chemin. Des émissaires venus du monde entier, de physionomies, de langues et d'habits différents arrivaient de parts et d'autres de la ville et traversaient les rues jonchées d'étals colorés. Dans l'effervescence de la foule, il était difficile d'entrevoir les produits disposés sur les étalages quand bien même la curiosité les tiraillait.
Toutefois, les créatures en perpétuel mouvement ne pouvaient tolérer que deux touristes ne viennent se mettre en travers de leur route.
— Excusez-moi, vous bloquez le passage, les interpella une voix aussi claire que le tintement d'une cloche.
Quelque peu gênée de s'être laissée emporter par ses pensées, Sasha se dégagea très rapidement du passage tout en tirant sur le bras de son collègue beaucoup moins pressé toutefois, quand elle se retourna pour voir la passante, elle fut incapable de se mouvoir.
Reluisant comme s'ils venaient d'être polis, deux joyaux d'opale apparaissaient et disparaissaient sous les battements de cils noirs et épais de la jeune femme, reflétant les regards époustouflés des aventuriers. Une broche d'émeraude paraissant être du même carat que les prunelles de la demoiselle étreignait son cou fluette.
Ses cheveux de miel ondoyant sous la brise étaient tressés et retenus par un ruban carmin oscillant à ses pas. Si une robe à ruban d'un blanc parfaitement lavé se déhanchait avec fluidité et était couverte d'un manteau bleu de Prusse tout en enveloppant sa taille fine et gracile, la lourde malle de cuir qu'elle portait avec élégance et grâce contrastait totalement avec son apparence enfantine.
Ses lèvres cerises parfaitement scellées et sa peau laiteuse pouvaient narguer la noble Sasha qui était d'ordinaire considérée comme une beauté à part entière. Cette autochtone, bien différente des autres, elle, devait être un ange sur la terre, une œuvre d'art à elle seule et l'idéal de tout artiste. Même une femme comme la scientifique sentit un pincement au cœur en se comparant à cette demoiselle dans la fleur de l'âge.
Constatant qu'elle n'allait pas s'arrêter, Sasha tout comme Seth ne purent se retenir de l'appeler, ne serait-ce que pour revoir une dernière fois son visage angélique :
— A-Attendez ! Qui êtes-vous, s'enquit prestement les deux aventuriers.
Son visage ne trahissant aucune décontenance, elle leur accorda un regard froid et dépourvu d'émotions tandis qua sa voix monocorde leur répondit non sans politesse : " Violet Evergarden".
Les visiteurs avaient beau être tombés sous le charme de Violet, ce n'était visiblement pas le cas de cette dernière, les regardant longuement en espérant pouvoir continuer sa route. Sa silhouette se détourna des jeunes gens cependant ils n'étaient pas prêts à lui accorder ne serait-ce qu'un peu de repos.
— Ne partez-pas ! Qu'est-ce qu'une fille aussi... délicate que vous fait avec une malle pareille, s'enquit désespérément Seth, refusant le départ de Violet.
Il cherchait probablement à lui proposer son aide, décrochant ainsi plus de temps à passer avec cette femme aux allures d'anges mais elle ne démontra aucun sentiment de reconnaissance, l'on pouvait même se demander si elle avait saisi le sens de sa demande.
Violet évinça rapidement la question d'un air détaché, ne répondant qu'elle ne faisait que son travail et qu'elle accompagnait sa collègue, devant retranscrire tous les propos déclarés à la signature de la paix.
"Poupée de souvenirs automatiques" tel était le nom des femmes qui parcouraient le monde pour leur commanditaire, mettant sur le papier ces sentiments que nous ne parvenions pas à décrire et ces pensées qui nous traversaient aussi vite qu'elles étaient apparues. Réputées pour leur beauté incomparable et leur ponctualité, les aventuriers ne furent pas surpris de découvrir que leur belle interlocutrice en était une. Unique en son genre, il n'y avait que sur ces terres que ces poupées ne pouvaient être trouvées, de fait, même les pays les plus reculés connaissaient l'existence de ces femmes dont la perfection avait un je-ne-sais-quoi d'inhumain.
— Laissez-nous vous accompagner, quémanda la scientifique. Nous souhaitons en savoir plus sur ces lettres que vous écrivez.
Insistant dans sa requête, Sasha avait empoigné la main gantée de cuir de la poupée mais, elle qui s'attendait à ressentir une main frêle et fragile, l'incroyable finesse d'un objet aussi dur que de l'acier fut serré entre les paumes de la scientifique. Elle s'étonna devant la solidité de sa poigne mais face à elle, Violet ne laissa rien entrevoir du fond de ses pensées.
Le long silence qui suivit les paroles de Sasha firent comprendre à un Seth résolu qu'il devrait oublier le beau visage de cette demoiselle qui s'en irait et pourtant, comme un murmure silencieux, la voix presque inaudible de la poupée parvint à ses oreilles :
— Très bien.
Les visiteurs restèrent longtemps à discuter avec la poupée de souvenirs automatiques en l'ayant accompagné jusqu'à sa chambre pourvue d'un bureau où ils s'installèrent tous les trois, Violet ne parvenant pas à s'en libérer. Durant leur conversation, qui était d'ailleurs plutôt à sens unique, ils apprirent que pendant la cérémonie de l'armistice se déroulerait une fête populaire nommée le spectacle aérien où des véhicules, révolutionnaires du point de vue de la scientifique, relâcheront des lettres dans le ciel.
—Dis Violet, tu en as écrite une, de lettre ? Tu dois t'y connaître vu que tu es une poupée et avoir des tas de choses dedans, non, se renseigna Seth.
Depuis qu'elle avait découvert la symbolique de ces lettres, de ces bouts de papier qui renfermaient des milliers de sentiments, Sasha restait étrangement silencieuse. Son esprit vagabondait jusqu'au fin fond de ses souvenirs, là, contemplant avec un regard vague les nuages qui glissaient dans l'azur.
Elle songeait, elle songeait avec amertume à celui dont le visage se dessinait dans son esprit. Les cheveux verts et les yeux rouges, son apparence inhumaine et hors du commun apparaissait encore avec exactitude dans les pensées de Sasha. Sa voix, son allure énergique et ses éclats de rires revivaient en elle avec la même fougue qui habitait cet homme qui répondait autrefois au nom de Samaël.
—Oui, déclara la poupée sans pour autant disperser le brouillard dans ses réponses.
La voix de Violet s'était faite plus douce et laissant transparaître bien plus de sentiments que les réponses mécaniques et froides qu'elle donnait un instant plus tôt. Ce brusque changement interpella l'aventurière qui tenta de s'intéresser à la discussion.
Un tas de choses à dire, hein ? Oui, Sasha en avait. Un sourire peiné se dessina sur son visage quand elle repensa au millier de choses qu'elle voulait dire à son Samaël. Elle aurait souhaité lui parler durant des heures, des jours, même des mois durant comme ils l'avaient toujours fait pendant leur jeunesse éphémère. Si seulement elle pouvait revenir à cette époque, celle-là même où c'était la voix colérique de son paternel qui l'empêchait de parler à celui pour lequel son cœur battait, pas un mur que l'on ne franchit qu'une fois et d'où l'on ne peut revenir.
— Si je le pouvais, la multitude de paroles que je souhaiterais lui transmettre le submergerait... Je lui dirais tellement de choses..., laissa échapper Sasha.
Mais, c'était trop tard.
Une douleur aiguë pinça le palpitant de Seth quand il entendit les propos de sa collègue. Bien sûr qu'il la comprenait, lui aussi aimerait revoir son ami mais, ce n'était pas cette perte là qui lui faisait si mal quand il écoutait cela. Tout comme cette amante solitaire, Seth aussi savait ce que c'était de ne pas être avec la personne que l'on aimait, sauf que lui, il n'avait même jamais été à ses côtés puisqu'elle se tenait avec Samaël. Il l'aimait à la folie, il aimait éperdument la belle brune qui n'avait malheureusement d'yeux que pour un autre que lui.
Une sombre atmosphère alourdissait l'air mais la poupée qui ne saisissait que très peu les émotions ne parvenait point à distinguer les chassés-croisés amoureux de ces étrangers.
— Je crois que je comprends ce que vous voulez dire, mademoiselle Sasha... Moi aussi, j'avais innombrables choses à dire au Major mais, peu importe à quel point j'y pensais, je n'arrivais pas à savoir ce que je voulais vraiment lui dire...
— Ouais, j'vois ce que tu veux dire... C'est dur de savoir quoi dire à une personne aussi spéciale pour nous...
Malgré le flou qui noyait les esprits de ces trois êtres, tous s'accordèrent sur ces mots. Parmi toutes les bribes de phrases inutiles qui se profilaient dans leur voix, ils n'arriveraient sûrement pas à trouver celle qu'ils désiraient vraiment transmettre.
C'était ça, le monde d'une poupée de souvenirs automatiques ; un monde où seules celles qui les comprenaient le mieux pouvaient trouver l'encre qui siérait le plus aux émotions qui ne souhaitaient que s'inscrire sur le papier.
Bien qu'elle s'étonna d'entendre que Seth possédait une personne qu'il chérissait ainsi, Sasha ne releva pas et ignora également qui pouvait être ce "Major" auquel faisait allusion Violet. Là, observant toujours avec mélancolie le ciel clair qui s'empourprait à vue d'œil, Sasha s'imprégnait encore des souvenirs de son aimé. Portant un doigt à sa lèvre inférieur, la sensation intime de leurs lèvres s'unissant pour la première et dernière fois cependant, aussi longtemps qu'elle appréciait ce moment, il arrivait toujours un instant où la chaleur s'éteignait et où leurs bouches se séparaient. Cet instant, c'était celui de la mort de Samaël, lorsqu'il poussa son dernier souffle contre l'aventurière.
Accoudé au secrétaire de Violet, Seth observait du coin de l'œil le profil de celle qui l'aimait. Dire qu'elle n'en savait rien, dire qu'elle pensait à l'homme qu'elle aimait sous ses yeux. Il serra le poing avec amertume tout en ravalant sa salive. Il n'avait pas le droit de briser leurs liens, il ne pouvait faire voler en éclats la guilde de ses amis pour ses seuls sentiments ; c'était bien trop égoïste mais pourtant, qu'est-ce qu'il en avait envie, de foutre en l'air les règles et de serrer contre lui la scientifique qui le poursuivait jusque dans ses rêves.
Décidément, venir à Leideinschaftreich n'était pas une bonne idée. Cela faisait renaître toutes ces pensées obscures qui hantaient les esprits de ces guerriers.
Mais face à ces deux-là, Violet ne savait quoi penser. Elle sentait bien qu'un sentiment de malaise pesait dans la pièce légèrement éclairée mais elle ignorait ce qu'elle pouvait bien faire. Les sentiments restaient encore embrumés pour cette ancienne soldate aux mains d'acier mais son cœur, lui, se serrait douloureusement dans sa cage thoracique. Portant sa prothèse à sa poitrine, elle tenta d'apaiser ce palpitant agité. Elle-aussi, elle avait saisi un peu plus ce que c'était d'aimer. Rencontrer la mère de son Major l'avait aidé à soulager cet organe autrefois si lourd et à mettre dans une lettre ces pensées comme le lui avait suggéré sa collègue Cattleya alors, peut-être que ses lettres pouvaient aider les deux originaux qu'elle venait de rencontrer, non ?
Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis que le crépuscule était tombé sur les trois voyageurs et depuis, ils ne s'étaient plus revus avec le florilège de passants qui se bousculaient dans les rues festives et animées. Les deux aventuriers ne se sentaient pas spécialement tristes mais ils pouvaient affirmer sans se tromper que leur rencontre n'avait pas été anodine et ils espéraient pouvoir franchir de nouveau la frontière vers le monde des poupées de souvenirs automatiques.
Cette rencontre leur avait apporté beaucoup, les paroles n'avaient pas été si nombreuses que cela mais les mots silencieux qu'ils avaient échangés entre eux, des personnes saisissant la douleur que fasaiit subir la distance infranchissable avec l'être aimé, les avaient inspirés. Ainsi, dès la nuit tombée suivant leur conversation, les deux aventuriers s'étaient installés à un bureau et avaient laissé l'encre noire couler sur les feuilles.
Et aujourd'hui, au milieu d'un ciel dépourvu de nuages, des véhicules volant inconnus dans Himmel et nommés "avions" relâchaient tous les sentiments qu'ils avaient enfouis dans leur lettre.
Ils filèrent dans l'azur en laissant une fumée blanche sur leur passage. Dans leur envolée au dessus de cette foule où se trouvaient Sasha, Seth et sans doute leur amie Violet, ils ouvrirent leurs portes et y firent pleuvoir une myriade d'enveloppes qui voltigeaient sous le vent.
Semblables à une neige d'été, les lettres retombaient avec lenteur en se laissant balader par la brise marine. Certaines ornées de décorations reluisaient sous les rayons éblouissants du soleil, d'autres, au contraire disparaissaient avec discrétion dans le jour.
Les cris de joie résonnaient avec ferveur dans l'air. Même si les touristes ne pouvaient saisir la satisfaction d'une guerre enfin achevée depuis des années, ils partageaient avec autant d'émotions, au moins, la liesse de la ville. Même si l'ambiance pouvait leur faire ressentir cette gaieté, ils étaient si heureux parce qu'ils se sentaient enfin soulagés de tous ces poids qu'ils supportaient tout ce temps car là, dans ce ciel, s'envolaient leur cœur vers celui de la personne qu'ils chérissaient.
Cher Samaël,
Cela fait longtemps, n'est-ce-pas ? Tu dois trouver cela bizarre de recevoir une lettre depuis l'au-delà et j'imagine que tu ne pourras pas me répondre mais, même si ça doit te surprendre, je ne t'en tiendrais pas rigueur.
Tu sais, je t'en ai voulu. Aussi paradoxale que cela puisse être, j'ai souhaité ta mort quand tu m'as abandonné en perdant la vie... Je t'en ai voulu de t'en aller en emportant mon cœur avec toi puis, après un moment, toute ma rancœur s'est reporté sur moi. Comment avais-je bien pu te laisser mourir ainsi dans mes bras ? C'était tout simplement inconcevable et j'en suis devenue folle. Je me le suis demandé longtemps et j'ai encore du mal à le savoir si c'est bon maintenant. Est-ce que je peux encore te dire "je t'aime" ? Mais finalement, je n'ai toujours pas de réponses à mes questions. Je ne sais pas vraiment si je dois le faire ou non alors, pour ne plus avoir de regret, je te l'écris.
Je t'aime, Samaël.
Sasha.
Sasha,
Hey... C'est étrange de t'écrire une lettre, comme ça, alors que tu es dans la pièce juste à côté. Tu ne le sais sans doute pas mais, lorsque je te charrie sur ton obsession sur les monstres, je suis juste en profonde admiration pour ton travail. J'ai beau étudié durant des heures et des heures les stratégies militaires, je ne parviendrais sans doute jamais à t'égaler.
Enfin, avec ton intelligence, tu te doutes bien que si j'ai besoin d'écrire une lettre, c'est bien parce que je ne ressens pas que de l'admiration pour toi. Je t'aime Sasha. Depuis qu'on est gosses, depuis même avant que tu me casses une dent, je ne peux que contenir les sentiments que je ressens pour toi, impuissant. Je ne les acceptais juste pas. Pourtant, ce n'était pas forcément une mauvaise chose ; après tout, je n'ai pas envie de faire voler en éclats tout ce qu'on a construit avec les autres en te les disant. Alors, je profite de cette lettre pour me libérer de ces chaînes, en espérant pouvoir passer à autre chose. Tu ne regarderas probablement jamais ailleurs que dans la direction où se trouve Samaël et je ne regarderais que ton dos avec peine alors, Sasha, maintenant que tu es obligée de regarder ces mots pour lire ma lettre ; je t'aime.
Seth
Et les lettres plurent. Elles retombèrent sur les vaguelettes turquoises de la mer, sur les pavés noyés sous les confettis multicolores, sur les tuiles qui surplombaient les toitures et même sur les cimes des arbres qui entouraient la ville. Cependant, elles emportèrent avec elles les mots que l'on ne pouvait dire que dans un silence jusqu'à leurs destinataires qui ne les recevront probablement jamais. Là, sous une pluie de mots, les aventuriers assistèrent à leur dernier jour dans cet endroit aux allures d'autre monde.
Fin
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