Chapitre XX
Les cris résonnent mais la raison les ignore
Les hurlements du public s'envolaient jusque haut dans le ciel, se faisant entendre même dans les plus bas-quartiers de la capitale au sang de démon. Les silhouettes fourmillantes dans les gradins se soulevaient en un homme et agitaient leurs innombrables pancartes au dessus de leur tête.
Là, au milieu de son estrade, la religieuse tendait le bras devant elle. Sa voix portante parvenait à couvrir le brouhaha de la foule, aussi surprenant que ce fut, personne ne comprenait comment les cordes vocales de cette jeune femme pouvaient être si puissantes.
- " Vous, portés par la volonté de Dieu, avez fièrement bataillé sur le sol de l'arène. Piétinant le sable imbibé du sang de vos adversaires, vous n'avez jamais reculé, que cela soit au moment d'accepter cette invitation qu'à l'instant où vous deviez vaincre l'un de nos valeureux Paladins. Aujourd'hui, ce jour est le vôtre. Et par ma présente personne, pour vous accorder la félicité d'un triomphe, je vous apporterai votre dû !" clama la sœur avec vigueur.
Je me tenais sur la même ligne invisible que les trois autres personnes l'ayant emporté dans ce tournoi. Nous étions les vainqueurs mais, à cet instant, seul un sentiment de défaite animait nos corps.
Si moi, je m'en étais plutôt sortie sans blessures graves, ce n'était visiblement pas le cas des autres combattants.
- " Rol de Talùrmin ! Avancez-vous et réclamez votre récompense !" demanda la none.
A ces mots, le premier de la droite, le plus à gauche, fit trois pas en avant et s'arrêta. Originaire de mines assez pauvres, son équipement vétuste et ne se composait qu'une d'une cotte de maille recouvrant sa tunique de lin sale. Un bouclier en peau rouge arnaché dans son dos côtoyait son épée de fortune tandis qu'une fourrure touffue et sombre camouflait ses larges épaules couvertes de bandages.
Son visage aussi faisait pâle figure malgré sa victoire. Sa queue de cheval blonde, partant de son front et ratissant son crâne lisse et dépourvu de crin, venait tomber sur sa nuque où une multitude de pansements se rejoignaient. Aussi, l'un de ses yeux restait dissimulé sous une montagne de lanières blanches qui pansaient sa profonde blessure. Un sentiment de frustration voilait son visage.
Peu valeureux, il réclama simplement de l'or mais, à la vue de son expression, sa victoire contre l'un des sous-fifres de l'Envie ne méritait pas tant pour lui venu enrichir sa contrée.
Puis ce fut le tour de la seconde de s'avancer, Svetlana de Forböm, une fois Rol revenu à sa place.
Ses enjambées plus petites l'obligèrent à faire un pas de plus pour atteindre le niveau qu'avait établi son prédécesseur.
Si son regard froid et glacial tentait de garder bonne figure, ses voluptueuses lèvres perlées la trahissaient, tremblant de dépit. Sa longue chevelure platinée, coupées pour certaines mèches,reluisait au dessus de son manteau déchiqueté de part en part. La fourrure blanche qui l'ornait par endroit tenait difficilement à sa couture et parfois, des morceaux retombaient lourdement au sol.
Blessée, elle devait s'appuyer sur le fourreau de son espadon pour ne serait-ce que claudiquer pauvrement.
Les restes de son combat face à l'un des employés de la Luxure Alecto tâchaient la noblesse de son allure mais, au moment de demander sa récompense, la honte l'emporta et elle ne put que réclamer un montant d'or dérisoire pour la princesse qu'elle était, tant la guerrière qu'elle était ne se sentait plus capable d'intégrer les prestigieux rangs des Paladins.
- " C'est à vous, Tyr, présumé résident de Lavanie. Enfin, pour vous la question ne se pose pas vraiment... Si vous n'intégrez pas nos rangs, monsieur le voleur, vous serez potentiellement dans les excréments... " ne put se retenir de dire la none.
Je ne parvins même pas à rire devant la gêne qui se mêlait au sentiment d'humiliation du voleur. Cachant son visage, d'ordinaire resplendissant, boursouflé dans son écharpe, il se contenta d'avancer d'une démarche penaude, les mains reposant contre les pommeaux de ses multiples dagues endommagées.
Peut être celui ayant subit le moins de blessures des trois autres, le voleur cracha difficilement son souhait d'intégrer les Paladins aux côtés de l'ordre du sous-fifre qu'il a défait ; l'Orgueil.
Et enfin, ce fut mon tour. A chacun de mes pas, une récompense s'envisageait dans les recoins de mon cerveau.
Mon pied franchit un premier pas.
Des milliers de pièces d'or... J'ai vraiment besoin d'y songer, réfléchissais-je en ressassant les divers passages de l'immense propriété dans laquelle je vivais auparavant.
Ma seconde jambe dépassa la première et se reposa sur le sol. Deuxième pas.
Une demande d'audience auprès de la famille royale... Je sais même qui sont ses membres alors leur parler... Qu'est ce que ça me ferait ? Et puis, le roi... Lui dire quoi ? " Vous avez failli crever mais grâce à moi, ce n'est pas le cas !" Quelle facétie...
Mon genou se plia légèrement, la plante de mon pied caressa le sable en se soulevant, ma botte écarta tout l'air sur son passage dans son mouvement et, enfin, frappa le sol. Troisième pas.
Un audience chez les ministres de Sept péchés capitaux... Je ne les ai jamais vu... Ce n'est qu'une bande de pantins tirant les ficelles d'autres articulations... Qu'est-ce que je veux, au final ? Ce ne sont pour moi que des noms... Je sais que grâce à leur autorité, ils me dégoteraient sans mal une place chez les Paladins... A quoi bon ? Je n'aurais même pas du gagner... Ce n'était que l'enchaînement d'un hasard bienveillant et chanceux...
Ma jambe se posta à côté de la première. Dernier pas.
Parler à la Matriarche... J'ai vraiment réfléchi tant que ça ? On sait tous, au final, que c'est la seule option qui pouvait bien me satisfaire, ne serait-ce que pour lui cracher au visage toute la haine que je ressens pour elle, avec mes remerciements les plus sincères et distingués, bien entendu...
- " Alors, Diane Eulet de la guilde de Ladsen, décidez-vous." ordonna la religieuse avec désinvolture.
Un faible sourire perverti se dessina sur mon visage.
- " Une audience avec la Matriarche, telle est mon souhait !"
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