Chapitre VII
A Bas les masques
Mademoiselle l'aventurière.
Je resserrais mes lèvres pour ne pas recracher mon thé en entendant pareil surnom. Je ne comprenais pas.
Comment pouvait-il donc être au courant de mon "voyage" ? Comment avait-il donc apprit ma fuite ?
Je pensais que Père et Mère avaient agi sorte que personne ne soit au courant de cela, il était impensable de penser qu'ils aient volontairement divulgué telle chose auprès de leurs concurrents. C'était comme offrir de son gré un poignard à un meurtrier : leur donner la chance de faire perdre toute crédibilité et sérieux au conglomérat Eulet pour enfin obtenir le monopole de l'acheminement en marchandises et l'appui des mines de la ville voisine.
Qui était-il vraiment ? Qu'attendait-il ? Que se cachait-il derrière ce doux sourire princier ?
- " Alors ? J'attends. N'as-tu pas une petite anecdote amusante à me raconter ? On m'a dit que la guilde de Rosran était un véritable nid d'originaux." renchérit le mystérieux Klaus Hênnes.
Je ne savais pas quoi répondre, que devais-je dire, que devais-je faire ? Une chose était sûre ; les cartes étaient en sa main, m'attirer ses foudres revenait à faire tomber ma famille.
- " Ils n'ont rien de si "original", ils n'ont juste pas les mêmes mœurs que celles que l'on nous a inculqués."
Il ne répondit pas, je pus juste distinguer une mine déçue se refléter sur la vitre grisâtre. Je claquais la langue en constatant avec dépit que, même avec un air boudeur, il parvenait à rester séduisant.
Soudain, il se retourna, dévoilant du même coup un sourire narquois très inquiétant avant de s'avancer jusqu'à la petite table basse garnie de douceurs. Il caressa lentement cette dernière, me dévisageant tout du long avec ce même sourire. Il fit le tour de la table et j'eus du mal à ne pas le perdre de vue puis, arrivant dans mon dos il s'arrêta net. Ses doigts glissèrent jusqu'à mon accoudoir puis, remontant le long de mon bras, il les laissa m'agripper le menton tout en restant dans mon dos.
Je me laissais faire. Je ne devais pas faire de faux-pas. Ainsi, je figeai mon regard sur mon thé stagnant d'où se reflétait le sombre rictus du jeune héritier. Il abaissa lentement le visage, de sorte que le sien soit collé au mien puis, rapprocha ses lèvres de mon oreille.
Étrangement, je gardais mon calme. Malgré sa beauté, mes joues restaient livide et ma respiration normale : il ne m'intimidait pas. Je n'avais pas peur de lui, en réalité j'éprouvais pour lui un dégout et une aversion que je ne connaissais pas.
Devinant le fond de ma pensée, il me susurra quelques mots, toujours au creux de mon oreille :
- " Vous semblez irritée, ai-je fais quelque chose qui vous déplaît ? Dites le moi, nous sommes fiancés après tout."
C'en était trop, à cet instant ma tasse brûlante m'échappa des mains. Le liquide bouillant se renversa sur ma robe et traversa mes jupons pour atteindre mes cuisses. J'allais pousser un cri de douleur mais une main se plaça sur ma bouche.
- " Chut. Nous allons déranger les autres clients, cela serait désagréable. Qui plus est, avec votre petite escapade il serait regrettable que vous vous couvriez davantage de ridicule. Déjà qu'il n'y a plus que moi qui ai accepté de vous épouser."
Je ne le supportais plus, il était insupportable. Je croyais que Lash était la représentation vivante du haïssable mais, visiblement, je me trompais.
Toutefois, il n'avait pas tort. Je devais me montrer respectable désormais. Dire que je ne m'était pas rendu compte à quel point j'ai pu causer du tort au nom des Eulet ; j'étais véritablement égoïste. Je comprends mieux pourquoi il m'avait repoussé cette nuit-là.
Enfin, ce n'était pas le moment de se laisser aller aux rêveries. Klaus Hênnes balaya d'un geste de la main la poussière qu'il avait reçu puis, reprit à nouveau la parole d'un air confiant, empli de dédain :
- " J'imagine que tu désires que j'aille droit au but, n'est-ce-pas ? La véritable raison de notre alliance est bien entendue commerciale mais, s'il n'y avait que cela, tu te doutes bien que je ne m'y prendrais pas de cette manière."
J'acquiesçais. J'avais d'ores-et-déjà compris les fins économiques de cette union mais je me sentis de suite idiote de ne pas avoir envisage un autre dessein derrière cette mystérieuse manigance.
- " Tu sembles plutôt pâle, veux-tu une autre tasse de thé ? Enfin, faudrait-il d'abord que tu essuies le liquide qui souilles ton habit." s'amusa ce dernier, m'impatientant plus encore.
Je me servis d'un mouchoir de soie blanche puis, frotta énergiquement le tissu imbibé avant de provoquer mon interlocuteur d'un irritable " Satisfait ?".
Il rit avant de perdre tout son sourire, laissant une moue mesquine orner ses lèvres blanchâtres. Le brusque changement me surprit d'un bond, je compris réellement combien je restais impuissante.
Après tout, si les hommes surpassent les monstres c'est uniquement grâce à leur caractère malsain, m'avait prévenu mon ancien mentor.
La pièce s'était-elle aussi brusquement assombrie. Sans que je ne m'en aperçoive, la nuit commençait à pointer. C'est vrai qu'ici les journées sont courtes, à Ladsen.
Se mêlant à l'étrange atmosphère installé, le manque de luminosité soulignait la mine emplie de désirs avares de Klaus Hênnes. Il en perdait toute sa splendeur.
- " Je ne suis pas encore satisfait. Mais, je suppose que je peux bien te le pardonner, après tout, il faut être bien idiote pour quitter de son gré une demeure aussi majestueuse que la tienne. D'ailleurs, sans ton escapade, tes parents n'auraient pas été contraints de me donner ta main. Grâce à toi, j'atteindrais enfin mon but !" poursuivait le mauvais homme.
Debout, face à face, seule la faible lueur du crépuscule réussissant à traverser les nuages nous permettaient de distinguer nos visages respectifs. Son regard d'acier n'avait plus rien de fascinant, il était même repoussant. Mais, sans se laisser vaincre par un simple regard noir, il annonça d'un air dément la finalité qu'il espérait :
- " Grâce à toi, grâce à tes facéties, je détruirais enfin ta famille ! Il ne restera plus que Lamarquise ! J'aurais enfin le contrôle de tout Ladsen, non du pays. Je vais avoir un véritable empire et je pourrais prendre la tête du pays ! Oui, grâce à tes caprices d'enfant gâté, j'aurais la tête du roi."
- " La... tête du roi ?" répétais-je, incrédule.
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