Chapitre VII
Terres foulées
Plus tôt dans la matinée, j'avais finalement reçu l'attestation officielle d'entrée dans la guilde. C'était le Maître qui me l'avait remise ; je ne m'attendais véritablement pas à ce genre de personne.
En effet, sous sa carrure imposante, à côté de laquelle celle du barman paraissait frêle, se cachait une personnalité bon enfant vraiment rafraîchissante. A première vue, la vision de ces nombreuses balafres qui couvraient sa peau bronzée, je l'avais pris pour un homme raffermi par l'expérience du combat mais il n'en était rien ; une sorte d'ignorance enfantine persistait dans ses traits.
Aussi, on m'avait confié une tâche à accomplir, avec l'homme le plus invivable que je connaisse. A l'origine, je lui avais présenté des remerciements sincères et solennels mais il les a rejeté comme si de rien n'était !
Cela m'avait vraiment choquée, certes, je possédais l'habitude que l'on cède à toutes mes demandes et à mes caprices mais... Une chose était sûre ; accepter des remerciements n'ait pas chose difficile alors l'effort devrait être réciproque.
Enfin, divergeant avec mon opinion, la raison me poussait à devoir faire des efforts. Je ne suis qu'une nouvelle recrue, je n'ai pas à me montrer aussi égocentrique, je me dois d'accepter la "compagnie" de mon aîné. Après tout, il est dans la guilde depuis plus longtemps que moi et personne n'est mort en le supportant, pensais-je tout en gardant ma mauvaise foi.
- " Dis moi, pourquoi sommes-nous partis aussi tard. Il fait nuit, maintenant !" râlais-je une fois de plus en regardant le ciel déjà noir.
Inconsciemment, mon corps se rappelait de la nuit où des gobelins avaient surgis de nulle part. Aussi, à ce souvenir s'ajoutait celui, plus persistant, du corps obscure de la Virace, autre de mes agresseurs.
- " Les monstres les plus dangereux sont actifs la nuit. A moins que tu acceptes de faire ton tour de garde et de nous protéger des monstres les plus cruels, nous marcherons jusqu'au matin." répliqua mon "compagnon" qui marchait devant moi.
Je pouvais comprendre son raisonnement mais, nous n'étions que faiblement éclairés par la lueur de sa torche, si un monstre nous attaquait nous ne serions pas en mesure de le voir, songeais-je en détaillant son dos masqué par son long manteau de cuir noir, s'il ne lui avait pas appartenu j'aurais même cru à un dos protecteur mais il n'en était rien.
Nous avions arpenté les plateaux durant de longues heures. Les paysages que j'apercevais à travers la flamme vacillante de la torche se répétaient sans cesse, m'empêchant ainsi de ressentir la satisfaction d'avancer vers notre destination.
Mes jambes me faisaient de plus en plus mal. Par moment je sentais le sol se dérober sous mes pieds, me rattrapant de justesse grâce à la surprise engendré par le début de chutes. Également, je réalisais à mes dépens que mon épée était bien trop lourde pour moi, son fourreau me faisant perdre l'équilibre et pencher vers la gauche à chacun de mes pas.
Nous n'avions croisé qu'un seul monstre qui fut tranché par Lash. A la vitesse d'un éclair, il avait dégainé une lame nue où était noué une vieille étoffe et avait égorgé la bête. Je ne savais même pas à quoi elle ressemblait. Il lui avait suffit d'une seule seconde. Nous nous étions arrêtés pour prendre sa chair qui, à ce que j'ai compris, servirait pour le déjeuner puis avions repris notre route comme si de rien n'était.
Je songeais que cette "indifférence" quant à l'assaut du monstre et le fait de récupérer sa viande provenait sans doute de son expérience du voyage et cela me rappelait à quel point notre différence de niveau était flagrante. En imaginant les efforts qui lui avait sûrement étaient nécessaires je me motivais à contenir mes gémissements de fatigue.
Plus tard, le soleil levant éclairait de ses quelques rayons le ciel. Nous nous étions enfin arrêtés après une nuit entière de marche. Je sentis tout mon poids s'écrouler sur le sol mais il n'en fit rien ; j'étais bien trop fière pour me laisser tomber devant l'homme prétentieux qui m'escortait et essayais de me raccrocher au peu de motivation qu'il me restait pour y parvenir.
- " Allez. Dégaines ton épée, tu vas travailler maintenant." ordonna implacablement Lash qui s'attela à la préparation d'un feu pour cuire le repas aussitôt que nous fûmes arrêtés.
" Centre de gravité trop bas. Dos ; tu ne dois pas t'avachir sur le sol pour tenir ta garde. Ne laisses pas le poids de ton épée retomber. C'est à toi de donner un coup, pas à ton arme de s'affaisser. Concentres-toi, tes mouvements sont imprécis et hasardeux. Ne relâches pas les épaules. Pieds davantage ancrés dans la terre. " répétait en boucle mon tuteur.
Il me conseillait sérieusement mais, les mots sont toujours plus simples que les actions. L'arme était décidément trop lourde et, il était pour moi impossible de me concentrer en sentant les effluves du rôti monter à mon nez alors que mon ventre crier famine.
Après plusieurs heures de perdues, Lash arrêta mon entraînement. Il qualifia mes muscles de vulgaires bouts de graisses et m'ordonna de faire un entraînement musculaire intensif pour combler ce manque d'ici la fin de l'expédition. Ses propos m'avaient quelques peu vexer mais ils n'étaient pas totalement infondés.
Je me suis donc retrouver à enchaîner pompes, abdominaux, flexions et j'en passe pour remédier à cela. Je ne pouvais pas nier que je manquais de condition physique ; ma fatigue durant le trajet et mon incapacité à soulever convenablement mon arme en témoignaient d'eux-mêmes. Cependant, j'espérais que la puissance de mes muscles augmenterait en un seul entraînement car c'était bien trop éprouvant.
Pendant mon repas, je ne pouvais détourner mon regard de mon camarade. Il se tenait de profil pour monter la garde le temps de mon repas. Nous avions marché durant des heures et pas encore dormi pourtant je ne l'avais pas entendu se plaindre une seule fois, pas même à propos de mes plaintes. Au contraire, il avait l'air encore en pleine forme alors que moi des gouttes de sueurs perlaient sur mon front déjà humide. Même en les essuyant du revers de la main, elles revenaient. La poussière et la saleté accumulée ne me passaient que brièvement dans l'esprit tant j'étais harassée.
Lash avait ce je-ne-sais-quoi d'intrigant. Vêtu d'un simple manteau ouvert sur une cotte de mailles, armé d'une lame nue il avait l'air assez pauvre. En revanche, il avait aussi cet air hautain caractéristique des gens... comme moi. Il semblait terriblement confiant mais ne se défaisait de sa garde et de son air méfiant pour rien au monde. C'était un vétéran malgré son âge assez jeune, d'après moi.
Le soir venu, après un bon repos, enfin façon de parler puisqu'une nuit à la belle étoile sans étoiles n'était pas ce qu'il y avait de plus reposant. En effet, vu le temps passé à m'entraîner nous n'avions pas pu construire un abri décent. Cependant, à mon grand bonheur Lash réduit mon temps de garde qui, se passa sans la moindre encombre.
Après que ce même schéma fut répété trois fois de suite, nous atteignîmes enfin notre destination : Alabrund sans que je ne périsse d'épuisement.
A notre arrivée, j'avais d'ailleurs poussé un soupir de soulagement avant d'observer pour la première fois un paysage, un semblant, différent de celui que j'avais arpenté pendant près de quatre jours. Le bourg de forme circulaire, devait faire entre dix à quinze lieues de diamètre et était le seul à des lieues à la ronde.
Il s'agissait d'un village d'éleveur, les pâturages étant plus adapté à ce mode de vie. Je fus surprise malgré tout en le voyant.
La seule construction du village était une simple clôture de bois entourant le village. Elle n'était pas bien haute et pouvait aisément être franchie par un adulte. A l'intérieur du village, de grandes tentes, rappelant les tipis décrit dans les livres, trônaient de toute leur hauteur. Une sorte de charme se dégageait des tissus ornés de motifs tribaux qui constituaient les tentes mais la trivialité certaine de l'endroit différait grandement de l'innovation dans laquelle j'avais grandi, à Ladsen.
A l'entrée du village, un grand homme nous interpella. Il avait une musculature saillante sans doute obtenue au cours d'un travail dans les champs et couvrait sa tête d'un bandana, malgré que le soleil ait déjà teinté sa peau d'une couleur brune encore plus intense que celle des aventuriers de la guilde.
- " Qui êtes-vous et que venez-vous faire ici ? Nous n'acceptons pas les voyageurs !" tonna sa grosse voix d'homme.
Je me raidis devant son air autoritaire mais Lash ne montrait aucun signe d'intimidation. Il prit simplement la parole sans user de fioritures et de politesse.
- " Nous sommes des envoyés de la guilde de Rosran." se contenta-t-il de dire d'une voix dénuée d'intérêt sans pour autant être irrespectueuse.
Il tendit ensuite une sorte de plaquette brillante sous les yeux de l''autochtone. Il s'agissait d'une plaque similaire à celle que m'avais remise le Maître et qui pendait à mon cou. Je comprenais mieux pourquoi il m'avait dit qu'elle servait à nous identifier ; en cas de mission dans un lieu particulier nous devions présenter cet objet ; symbole de notre appartenance à la guilde.
J'observais la mienne ; c'était une simple plaque de bois attachée comme un pendentif. Derrière était inscrit "Diane Eulet" ainsi que l'appellation "Bois" tandis que l'autre face était décorée d'une rose gravée à même l'écorce.
Après que je lui eus montré et qu'il eut plissé les yeux pour être sûr de son authenticité, l'homme nous fit entrer dans son village à travers le portail de la clôture. Je songeais, amusée, que tant de prévoyance était inutile en sachant qu'enjamber les rondins de bois entourant le bourg suffisait pour que l'on y pénètre, même sans autorisation.
- " Bonjour. Je vous en prie, nous vous remercions d'avoir été si rapide. C'est par ici." intervint un très vieil homme à l'allure de shaman, qui attendait derrière l'autre homme, en désignant une tente plus reculée dans le village.
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