Chapitre 15
Peu importe comment il le voyait, ce projet avait de grandes chances de se concrétiser.
Après une année passée à travailler au café et en tant que représentant de la marque de l'agence des Sangngey, Peat avait enfin de quoi exécuter son plan.
Il devait d'abord racheter le bâtiment qui jouxtait le sien et il devait faire l'état des lieux pour déterminer les travaux à faire ainsi que l'aménagement qu'il voulait.
Mais avant tout cela, il fallait parler au propriétaire du bâtiment, qui l'avait abandonné depuis tellement longtemps que Peat se demandait régulièrement pourquoi il le gardait.
Peat en avait déjà parlé avec l'équipe du café et même avec Fort des projets qu'il avait pour le futur, mais l'absence du propriétaire du bâtiment qu'il voulait racheter le bloquait sur bien des points. Depuis combien de temps ne l'avait-il pas vu d'ailleurs ? Avait-il quitté la ville pour retourner dans l'arrière pays ? C'était fort probable, mais pour le coup il aurait pu le prévenir ou au moins mettre une affiche de mise ne vente !
Mais voilà que depuis quelques mois, impossible de le croiser ni de le joindre pour tenter d'avoir un contact avec lui afin de discuter d'un potentiel rachat. Si les affaires de Peat fonctionnaient bien, pour ce propriétaire âgé, le bisness avait coulé depuis très longtemps. Fort s'était même porté volontaire pour chercher ce monsieur, mais Peat avait refusé. Prétextant qu'il avait déjà fait assez pour l'aider en un rien de temps, après des années de galères en solitaire, il ne voulait pas plus abuser de la gentillesse de son petit-ami.
Mais au bout d'un certain temps, Peat dû se rendre à l'évidence qu'il lui serait plus bénéfique d'user de services que lui proposait son compagnon pour enfin accéder à son projet. Batailler seul et être têtu avaient sa limite, il le savait très bien mais n'aimait pas devoir toujours compter sur Fort et son réseau, mais Peat avait sa limite et il en voyait le bout.
Un midi, alors que le café était plein, plusieurs policiers et un homme entrèrent sans ménagement.
- Bonjour ? fit Peat alors qu'il venait de servir une table. Je peux vous aider ?
- Oui, nous cherchons le gérant de ce café, s'exclama un des policiers visiblement excèdé.
- C'est moi, se présenta le jeune homme intrigué. Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Vous avez harcelé Monsieur ici présent.
- Quoi ?! s'exclama Peat outré.
Il dévisagea l'homme qui les accompagnait sans comprendre ce qu'il ce passait.
- Mais je ne le connais même pas ! s'exclama ce dernier complètement choqué.
- Vous avez pas arrêté de me téléphoner pour me racheter un bâtiment ! lui lança l'homme.
- Vous êtes ?
- Monsieur Kiluwat, se présenta l'homme en bombant le torse.
- Désolé, mais à moins que j'ai loupé quelque chose, mais le bâtiment que je tente d'acheter appartient à Monsieur Priratat. expliqua Peat, bras croisés.
Le regard sévère, il dévisagea l'homme qui semblait tout aussi surpris que lui.
La clochette de la porte du café tinta quand cette dernière s'ouvrit sur...
- Baby ?
- Hey ! s'exclama le gérant en voyant son compagnon et sa secrétaire arriver.
Fort s'approcha, saluant les flics pour venir prendre son chéri dans ses bras.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Tu te souviens du bâtiment d'à côté ?
- Celui que tu veux acheter depuis plus d'un an ?
- Oui, celui qui est à monsieur Priratat, raconta Peat.
- Oui et bien ?
- Ces messieurs sont arrivés en me disant que je harcèle quelqu'un. Ce monsieur prétend être le propriétaire du bâtiment.
- Je ne prétends rien ! s'exclama l'homme offusqué qu'on ne puisse pas le croire.
- Quel est vôtre nom ?
- Kiluwat.
- Hm ? Ah... soupira Fort. Je crois que je comprends. Baby, on peut monter ?
- Oui, vas-y.
- Par ici Messieurs, les invita le CEO en indiquant la direction de l'étage. Baby, tu peux nous apporter de quoi manger ?
- Oui, qu'est-ce que tu veux ?
Fort et Layla lui passèrent commande puis disparurent avec les trois hommes à l'étage.
Pendant qu'en bas, Peat se posait des questions.
Qui était cet homme ? Pourquoi est-ce qu'il se disait être le propriétaire d'un bâtiment dont Peat était certain qu'il ne lui appartenait pas ? Quelque chose n'allait pas.
- Patron ?
- Merci Lee. Je m'occupe d'en haut. Je vous laisse la salle.
- Pas de soucis ! s'exclamèrent les trois serveurs en le voyant disparaître dans les escaliers, son plateau dans les mains.
En haut, Fort avait déjà entamé la discussion mais entendit Peat arriver.
- Baby, je pense que tu devrais venir écouter cette histoire.
Intrigué, le jeune homme s'approcha, déposant devant Layla et Fort leurs repas. La secrétaire le remercia d'un sourire et commença à déguster sa salade végan. Le gérant pris place près de son compagnon et le laissa parler en premier :
- Donc ! retentit sa voix claquante. Vous étiez en train de m'expliquer à quoi servait ce bâtiment, Monsieur Kiluwat.
- Oui, fit ce dernier en se raclant la gorge, moins assuré qu'à son arrivé. Ce... Il servait de stockage pour différentes ventes d'objets.
- Pouvez-vous nous préciser lesquels ? lui demanda un des policiers.
- Euh... Hm ! Des... C... Des objets destinés aux femmes principalement, mais les hommes en commandaient également. expliqua l'homme très mal à l'aise.
Avait-il bien compris ce qu'il sous entendait ? Peat jeta un coup d'œil furtif au CEO qui lui souriait, amusé. Non, il ne s'était pas trompé, il avait bien compris et c'était sans doute ce qui amusait le plus Fort. Peat rougit et poussa un long soupir.
- Tu sais Baby, fit ce dernier, qui avait du mal à se retenir de rire. On dit que le ramollissement du sexe durcit le cœur.
- C'est sûr que c'est pas toi qui va coller à cette expression, souffla Peat.
Fort éclata de rire, complètement hilare il en pleura.
- Content que ça t'amuse, mais je comprends toujours pas ce qu'il ce passe, se reprit Peat. Depuis que j'ai ouvert mon café, j'ai déjà vu plusieurs fois Monsieur Priratat mais je n'ai jamais vu de véhicule de transports ni quoi que ce soit et du jour au lendemain, il n'a plus été là.
- Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous l'avez vu ? demanda alors le soit disant propriétaire légale du bâtiment dont rêvait Peat.
- Il me semble que ça fait trois ans que je ne l'ai pas revu. Mais comme c'est un vieux monsieur, je l'ai déjà vu avec plusieurs personnes de sa famille. Ils m'ont également donné leurs coordonnées, mais jusqu'à présent je n'en ai jamais eu besoin.
Le silence emplit la pièce, les laissant réfléchir.
- Je peux prouver que je suis bien le propriétaire légale, déclara alors l'homme.
- Faîtes, l'encouragea Fort. Nous n'attendons que ça.
L'homme jeta un regard étrange à Fort mais ce dernier ne s'en formalisa pas. Tout ce qu'il voulait c'était de régler cette histoire pour que Peat puisse enfin réaliser son rêve.
Ils quittèrent la pièce, laissant sur place les repas entamés, Peat lança au plus vieux des trois serveurs de prévenir Khan de son absence. Puis, ils quittèrent le café pour se diriger vers le bâtiment qui jouxtait la petite enseigne. Si cet homme était le véritable propriétaire, il devait posséder tous les accès pour entrer dans cet endroit. Mais ce que Peat ne s'expliquait pas, c'était pourquoi cet homme se disait être celui qui possédait l'endroit et l'accusait de le harceler alors que tout ce qu'il avait fait été de tenter de joindre Monsieur Priratat et sa famille. Il avait déjà eu affaire à eux plus d'une fois et ils avaient toujours répondu quand il les contactait, alors pourquoi... ?
Soudain, il s'arrêta et pris son portable pour appeler celui qu'il connaissait mais alors que la première tonalité retentit dans son oreille, une sonnerie raisonna. Tous les regards convergèrent vers le bâtiment.
- Vite ! s'exclama la police, ouvrez la porte !
L'homme se précipita pour mettre la clé dans le cadenas et défaire la lourde chaîne qui bloquait la double porte. Les deux policiers déjà agissaient comme si ils étaient sur une affaire complexe. Main sur leur arme à la ceinture, lampe torche dans l'autre pour éclairer les lieux. L'un d'eux appelait le QG pour demander des renforts car il y avait possibilité de découverte de cadavre et il était tellement proche de la vérité quand l'un d'eux se stoppa dans sa commande au talkie.
- Appelez les ambulances, et la morgue. Nous avons cinq corps décomposés depuis longtemps, souffla-t-il.
- Oh mon dieu ! s'exclama Peat, les mains sur la bouche.
Fort le fit sortir.
Ce qu'il se passa après ça fut encore un choc pour le jeune gérant.
En réalité, l'homme qu'il connaissait été un ancien employé de l'entrepôt, mais un soir, alors que le café avait fermé, assurés que personne ne se trouvait dans le coin, un groupe s'y était infiltré et avait fini par tuer la famille qui s'y trouvait et qui gardait les lieux le soir.
Monsieur Kiluwat reconnu les images des personnes décédés en confirmant qu'ils étaient bien des anciens employés qu'il croyait avoir démissionné et disparu du jour au lendemain. Mais comme son entreprise avait mis la clé sous la porte, il n'était pas revenu dedans pour vérifier que tout était bien vidé et qu'il n'y restait plus personne.
Lui s'en voulait, mais Peat devait vivre avec le souvenir que durant trois ans, il vivait avec des corps juste à côté de lui sans qu'il ai put les aider.
Et son rêve dans tout ça ? Qui voudrait venir pour y vivre ? Il devrait tout détruire pour reconstruire mais...
Fort l'avait prit dans ses bras et lui avait dit :
" Je suis là. Tout ira bien, on fera en sorte de leur rendre hommage."
Mais comment pouvait-on vivre avec cette pensée d'avoir laissé toute une famille mourir sans rien faire, ignorant même qu'ils étaient là ?
Cela prendrait des années voir même risquerait de ne jamais s'effacer de la mémoire du jeune gérant. Mais avec persuasion et persévérance, Fort avait réussi à racheter l'entrepôt et avait entreprit de tout démolir pour faire naître le rêve, quelque peu modifié, de son compagnon.
[...]
- Vite ! s'exclama Peat pressé.
- J'arrive, j'arrive ! s'exclama Fort amusé.
Après des mois de batailles et de travaux, le nouveau bâtiment était enfin prêt à être ouvert et à accueillir ses premiers habitants.
- Baby grouille toi on va être en retard ! s'exclama une nouvelle fois Peat en bas des escaliers du duplex qu'ils partageaient depuis maintenant deux ans et demi.
- C'est bon, je suis prêt. T'es plus pressé que quand on a dû ouvrir une nouvelle boutique. souffla le CEO amusé.
- La boutique c'était pour ta marque, là c'est pour réaliser mon rêve d'une vie.
- Je sais.
Fort lui embrassa le front et tous les deux quittèrent l'appartement pour se rendre au quartier où se trouvaient le café et la nouvelle maison.
Du monde s'y trouvait déjà et pas qu'un peu. Beaucoup de sans abris attendaient qu'ils arrivent pour les saluer en criant et applaudissant. La presse avait fait le déplacement.
C'était un scoop, le CEO d'une grande agence d'artistes en couple avec un homme avait déjà fait jaser mais au final l'opinion publique avait écrasé la critique pour encourager leur amour puissant, puis avait suivit l'histoire du meurtre pour finalement flinguer le projet de Peat de vouloir créer une maison pour les sans abris.
Mais au final, ils avaient été très surpris d'avoir reçu le soutien de tant de monde et Peat se souvenait encore de ces gens qu'il voyait tous les matins devant son café pour recevoir leur boxe de la journée, venir travailler sur le chantier.
Chacun avait reçu de l'argent pour leur dur labeur en plus d'une certitude d'avoir une place dans ce bâtiment spécial.
- Merci à tous et à toutes d'être venu ! s'exclama Peat, tenant le ruban rouge qui entourait le devant de l'immeuble. Vous avez tous beaucoup travaillé pour m'aider à réaliser ce projet et ce rêve. Nous n'oublierons pas ceux qui y ont périt, car ils sont maintenant les gardiens des lieux et de nos esprits. Je ne pourrai jamais vous dire assez à quel point je vous suis, à tous, reconnaissant.
- Vous nous avez aidé et traité comme des gens normaux ! s'écria un des habitués du café.
- Vous méritez tout ça ! lança une femme.
Malgré les journalistes qui tentaient des pics, ils évitaient de trop se frotter à ce rassemblement de foule pour éviter de se retrouver sous terre pour avoir oser pousser plus loin dans la critique.
- Je déclare, la résidence Flower Me, ouverte ! s'écria Peat, donnant un coup de ciseau dans le ruban pour le trancher.
Les applaudissements étaient nombreux et tous entrèrent dedans pour visiter les lieux enfin fini et aménagés. Peat distribua les logements lui-même, accompagné de Fort et de la famille de ce dernier, à chacune des personnes présentes.
Cette journée restera gravé dans l'esprit de Peat comme étant le jour où il aurait enfin accomplit quelque chose qui lui tenait vraiment à cœur, du moins... Avant que Fort n'entame son propre rêve.
***
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