10-Le procureur
Résumé des chapitres précédents
Florian a rencontré la meute de Toronto, dont la réputation d'écumeurs de meutes affaiblies les précède. Ils venaient bien uniquement dans l'intention de déclencher un duel. Par chance, en Europe les combats sont règlementés, le rendez-vous est donc pris pour le solstice d'été, ce qui laisse un répit de deux mois à Florian.
Florian doute de lui, conscient que sa faiblesse attire les rapaces espérant mettre la main sur la meute à moindre frais. Faulkner lui manque mais il a conscience que s'il réussissait à le libérer, il l'entrainerait forcément dans de nombreux combats.
***
La confrontation catastrophique avec la meute de Toronto remonte à deux jours.
Mes grands-parents sont rentrés à la base et Clara a quitté Paris pour veiller sur eux.
Il me reste désormais à affronter le procureur.
─ Comment tu vas t'habiller pour aller voir les officiels ? s'inquiète Clara qui me fixe en reflet dans le miroir.
Elle porte un jean et un pull, si différente de son allure mondaine. Elle va ramener papy et mamie au village, loin de son insouciance habituelle. Elle fait exactement ce qu'il faut et je tente de faire de même, en ayant solliciter un rendez-vous de la dernière chance avec ce procureur qui ne m'inspire aucune confiance.
─ Quelle importance ?
─ Le paraitre a toujours une grande importance ! Il faut en mettre plein la vue ! s'indigne ma sœur.
─ Je risque d'être ridicule et ce sera pire que tout.
─ Fait les douter ! Les rumeurs des combats à venir ont dû faire l'effet d'un séisme. Agit comme si tu t'en moquais, et ton allure doit leur montrer. Les vêtements ne sont pas que pour couvrir la nudité, ils portent des messages de séduction ou des déclarations de guerre.
Ses yeux sont brillants, à sa décharge, elle a un gout des plus surs et elle est la seule capable de me transformer en pape de la coolitude.
─ Qu'est-ce que tu suggères ?
Elle bat des mains satisfaite, marmonnant que personne ne réalise son génie.
J'aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois quand je vois la tenue qu'elle m'a prévue.
─ La veste noire longue va te rendre mystérieux et avec ce pantalon étroit, tu es à tomber et tu vas leur en mettre plein la vue !
Pour tes béquilles, je les ai colorés en vert. Ce ne sont plus des appareils médicaux, mais un accessoire de mode !
─ Essayons si tu le dis, je suis désespéré et je prends tous les trucs. Et toi, ça va aller tu ne regrettes pas d'avoir laissé la maison de mode Hébergé ?
─ C'est Lena qui a signé avec eux, moi je pourrais dessiner à Val Saint Marcel tout aussi bien qu'à Paris. Papi et mamie sont plus importants.
Elle me fait confiance elle aussi ! Pourquoi persiste t'il à croire en moi tous ? Quand je vois Dimitri, qui me décrypte toutes les manœuvres de mes interlocuteurs. Il pourrait parfaitement reprendre le job d'alpha plutôt que de se contenter de m'épauler.
Tata Karen débarque d'ailleurs pour m'admirer alors que Clara finalise ma tenue. Elle me prend dans ses bras, me faisant tourner.
Ils n'ont pas eu d'enfant et souvent elle me traite comme son rejeton.
─ Tu es magnifique ! Ecrase cette merde, ordonne-t 'elle.
Son ton autoritaire est efficace pour m'aider à lutter contre mon envie de me terrer sous mon lit.
Une voiture me dépose devant le parlement, il a l'apparence d'un immeuble abandonné pour les humains. En réalité, c'est un imposant bâtiment à colonne, décoré de gravures antiques. Le fronton indique parlement provisoire de Nicae avec une allégorie de tous les magiques vivants ensemble. Depuis les évènements de Bretagne, quand j'ai failli mourir, nous savons que nous venons du monde chamanique et voilà pourquoi provisoire.
Quelques touristes magiques admirent les immenses colonnes blanches. Des photographes de presse trainent dans les cafés attenant à l'affut de scoops pour les journaux.
J'ai lu le dernier exemplaire du journal magique de Nicae. Ils ont fait des choux gras sur la disparition de mes pères, puis sur mon ascension surréaliste comme alpha.
Je me demande dans quelle mesure ils nous ont fait du tort, ne cessant d'évoquer le trop fragile alpha.
Dimitri est rentré d'ailleurs dans une rage folle quand les premiers articles sont parus.
On trouve de plus en plus d'articles anti-humains.
Comme je le craignais, alors que j'arrive appuyé sur mes béquilles, les photographes se précipitent vers moi comme une volée de moineau. Ils me photographient et je reste concentré, souriant. Ils m'interpellent pour que je pose et j'essaye d'appliquer les conseils de mes sœurs et de tata Karen. En imposer !
Je suis un putain de beau mec et j'en jette ! En plus je ne suis pas banal !
Les flashs crépitent. Je me prête au jeu comme si j'étais une célébrité. Mes cheveux sont épais, aussi vigoureux que je ne le suis pas et mes taches bien visibles. J'adresse un mince sourire énigmatique aux journalistes, mon sourire Mona Lisa d'après mes sœurs.
Les paroles de Faulkner me portent, je ne le remercierais jamais assez pour la confiance qu'il m'a rendu.
Est-ce qu'il va voir les photos ?
Après tout, les journaux sont vendus dans le monde du bas aussi.
Je me montre patient avec les journalistes, mais il va être temps de me diriger vers le grand hall, qui sert de musée avec quelques objets magiques exposés.
Je le franchis accompagné de Dimitri qui m'a rejoint après les photos. Une secrétaire elfe empressée vient à notre rencontre.
─ Bienvenu monsieur Markalan, le procureur va vous recevoir, il a un peu de retard.
Elle ne m'a pas appelé Alpha. C'est un manque flagrant de respect du protocole, je ne relève pas.
Elle nous installe dans un salon luxueux pourvu de fauteuils rouges, la salle des mille glaces. Il ne se moque pas complétement de moi.
Comme nous ne pouvons pas parler librement ici. Dimitri chausse ses lunettes et lit un rapport. Pour ma part, les mains jointes devant mes lèvres, je prépare ma stratégie sur ce que je veux faire après. Quatre jours interminables sans lui déjà !
Les dorures sur les murs, les tableaux prestigieux, me rappelle cruellement la pauvreté en dessous. Pourvu que mon frangin termine vite ce foutu détecteur d'ondes.
La double porte de bois blanc s'ouvre et le procureur me fait face, me faisant frissonner. Il ne m'avait pas manqué lui !
Le sorcier gras a manœuvré des années pour prendre le poste. Le loup corse qui dirigeait le parlement avant lui a été emprisonné pour corruption. Curieusement, il n'y en a jamais eu autant que depuis qu'il a pris les rênes.
Il me regarde, en se léchant les lèvres, inquiétant.
─ Alpha Markalan merci de votre patience et quelle merveilleuse idée d'avoir réclamé un entretien. Cela faisait trop longtemps que nous ne nous étions pas vus.
Il a pris ma main et la pétris. Je m'exhorte à la patience.
─ Entrez je vous en prie. Celia apportez-nous des rafraichissements.
Si mon père était là il le pulvériserait.
La pièce est somptueuse, ostentatoire : nous sommes dans le bureau ovale des magiques, l'antre de toutes les décisions.
─ Des nouvelles de vos parents ?
─ Je ne désespère pas !
J'ai choisi de jouer cartes sur table, de toute façon nous avons déjà un duel sur les bras et je vais avoir besoin de toute l'aide possible. Il dirige la PMN et s'ils nous soutenaient tous nos problèmes seraient résolus.
─ J'ai envoyé des enquêteurs de la PMN sur le site de Sens, mais ils n'ont pas trouvé d'intervention magique. Cela doit être encore les humains avec leurs pollutions, bien que je ne voie pas comment ils aient fait. Je ne devrais pas dire ça, mais je comprends de plus en plus les anti-humains.
Il déteste les humains et ne le cache plus. J'acquiesce faisant mine d'entrer dans son jeu.
Des idéalistes qui se surnomment du renouveau disent que la terre est à eux et rêvent de reprendre le pouvoir.
─ Leur seule place est comme nos esclaves.
─ Comme les maudits ?
Je suis surpris qu'il parle ouvertement de ceux que je viens de découvrir.
─ Exactement ! Les humains sont des inferieurs.
─ Je me demandais, qui est le maitre des esclaves sous terre ?
Je ne voulais pas en parler mais c'est sorti tout seul.
─ À diverses personnes, des bonnes personnes.
Il m'a fait assoir et s'est assis à côté de moi me palpant le bras et l'épaule. Dimitri écarquille les yeux stupéfait.
─ Pour protéger ma meute des rapaces que pourriez-vous faire procureur ? Est-ce que des hommes de la PMN pourrait garantie l'intégrité de notre village ?
─ Je le regrette mon cher alpha, mais il n'est pas question pour le gouvernement de Nicae et sa PMN d'intervenir dans des luttes intestines.
Je sursaute quand il rabaisse ainsi ouvertement la crise majeure que subit mon peuple.
Dimitri étant présent, le sorcier se retient d'être trop tactile, mais il me presse d'accepter un diner afin que nous envisagions d'autres options.
─ Je vais y réfléchir procureur, avec grand plaisir.
J'ai l'impression que c'est Faulkner qui me souffle les mots.
Il a posé sa main sur ma cuisse et je sens Dimitri qui s'impatiente à côté et il est temps de prendre congés.
─ Mais c'était quoi ça , s'indigne t'il. Quel sale type !
─ Il a toujours été comme ça, je n'avais rien dit à personne et je suis d'accord avec toi, mais nous devons faire le dos rond.
Dimitri ? Je cherche un détective pour m'aider à retrouver quelqu'un ?
Il me regarde avec des yeux ronds.
─ Qu'est-ce que tu fabriques encore ? Je ne te reconnais plus, tu as une double vie ou quoi ? Attends que tes pères rentrent et ça va barder pour ton matricule !
Il m'arrache un sourire au milieu de toute cette galère. Sans rien dire je me serre dans ses bras, respirant son odeur de loup fiable.
─ Ce procureur, je n'avais pas remarqué, mais là c'était flagrant...
Il cherche ses mots. Je le laisse, amusé de le voir si choqué. Je crois que ce qui l'a le plus énervé c'est que je rentre dans le jeu du vieux schnock.
─ Il a toujours été comme ça, personne n'a jamais rien vu ! Je ne vais certainement pas aller à son diner à deux. Pas d'inquiétude !
Il ébouriffe ses cheveux.
─ Tu m'as fichu la frousse, tu le sais ça ?
─ J'ai géré comme un chef oui ! Bon alors je te disais que je cherche un détective.
Il est songeur une minute.
─ Allons boire un café dans un bar humain, loin des oreilles indiscrètes. C'est bizarre que tu me demandes ça, car il y a un truc dont je voulais te parler.
Plus tard attablé dans un restaurant du bord de mer, il commence de parler.
─ Je connais une détective indépendante et il se trouve que je lui ai demandé de creuser sur les journalistes qui nous ont odieusement lynchés. Tu sais ce qu'elle a trouvé, je te le donne en mille ?
Je fais une mimique d'ignorance. Il a choisi quelqu'un d'extérieur à la meute, la confiance règne !
─ Ils sont tous proches du procureur et du parti antihumain.
─ Je pourrais la rencontrer cette détective, j'ai une mission à lui confier ?
─ Tu n'abandonnes pas, s'exclame t'il ébahis. Je suis fier de toi et tes pères le seraient eux aussi !
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