Chapitre 32 - La grotte de Gaalnoris

— Monsieur Marcus du Diamant, acceptez-vous de prendre pour épouse la demoiselle ici présente ?

Marcus voulait partir. Il faisait beaucoup trop chaud dans ce temple de la Lune. Les murs triangulaires le piégeaient au coeur de la pyramide, le privant de toute possibilité de s'enfuir.

Face à lui, vêtue d'une robe blanche qui ressemblait à un uniforme de domestique, Sofia pleurait.

Des larmes s'échappaient de ses beaux yeux marron, qui fixaient le bouquet de fleurs qu'on lui avait mis entre les mains. Ses doigts frêles le tenaient à peine et tremblotaient comme si elle avait été prise dans un blizzard. Marcus aurait voulu pouvoir la rassurer, mais lui-même se sentait au bord du malaise. Son costume noir l'étouffait, l'empêchant de prononcer les mots que le prêtre lunaire attendait.

— Je...

La suite mourut dans sa gorge. Sofia laissa son regard croiser le sien et il eut l'impression d'y voir une lueur d'espoir. Dis non, semblait-elle lui murmurer. Sauve-nous, s'il te plaît.

Ne pouvant supporter de la voir ainsi, le loup tourna la tête vers la droite. Une ribambelle d'invités apparut, alignés sur des bancs qui s'étendaient à perte de vue. Sur la première rangée, toute sa famille était présente. Son père, Eleanor, Julian, Rowan, Lyssandra, Charlotta, Hilda, ses cousines... Chacun guettait ses moindres faits et gestes.

Le Grand Alpha semblait tout particulièrement attentif à ce qu'il faisait. Il le toisait d'un oeil sévère, le défiant de se dérober. Je t'avais prévenu, lui disait-il silencieusement. Maintenant, tu dois assumer.

— Y a-t-il un problème, monsieur Marcus ? l'interpella le prêtre lunaire.

Il se tourna vers le vieil homme, puis jeta un nouveau regard à Sofia. Il sursauta en constatant que son visage avait changé.

Ses cheveux bruns avaient été remplacés par une longue crinière blonde. Quant à ses yeux et à ses traits, ils s'étaient transformés jusqu'à devenir ceux de... Sabrina. La couturière d'Eleanor. Car après tout, cela aurait aussi pu être elle.

Elle pleurait autant que Sofia, mais de façon beaucoup plus bruyante. Cependant, cela ne semblait choquer personne dans l'assemblée.

— Vous venez d'obliger mademoiselle Sabrina à prononcer ses voeux, lui rappela le prêtre. Maintenant, c'est à votre tour.

Marcus s'éclaircit la gorge, puis ferma les yeux un court instant. Lorsqu'il les rouvrit, Sabrina avait laissé la place à Catalina. La tristesse déformait le visage de la jeune chanteuse.

— Je... Je t'en supplie, geignait-elle. Ça ne peut pas être moi, tu le sais, je... Je ne t'aime pas.

Il aurait voulu pouvoir les sortir de cette situation. Il savait qu'il courait à la catastrophe, mais le mal était fait.

Malgré tout, il ne parvenait pas à prononcer les mots que tout le monde attendait. Il n'avait pourtant pas le choix. Il devait assumer ses actes et épouser Catalina, ou Sabrina, ou Sofia, ou n'importe laquelle des demoiselles qu'il avait eu le malheur de fréquenter. Cela lui apprendrait à agir sans penser aux conséquences.

Ne pouvant supporter de voir Catalina si triste, il laissa de nouveau ses paupières se clore, afin de se donner du courage. Cependant, celle qu'il vit en affrontant la réalité fit naître en lui une nouvelle émotion.

Danila avait pris la place de Catalina. La robe s'était changée pour prendre une forme beaucoup plus élégante et une tiare retenait ses magnifiques cheveux châtains. Contrairement aux trois précédentes mariées, elle ne pleurait pas. Elle regardait Marcus avec un grand sourire, comme si elle était sincèrement heureuse d'être là.

D'un seul coup, le noeud qui lui obstruait la gorge disparut. Il oublia tout ce qui les entourait et se décida enfin à parler :

— Je le...

Deux points rouges apparurent sur le cou de Danila. Il crut d'abord qu'il s'agissait d'une hallucination, mais un filet écarlate ne tarda pas à s'en écouler.

La louve ne semblait pas s'en rendre compte, alors il pointa un doigt dans sa direction.

— Que... Qu'est-ce que tu as ?

Elle le fixa un instant sans comprendre, puis porta une main à son cou. Du sang tâcha aussitôt ses doigts.

Il se répandit de plus en plus vite, jusqu'à glisser sur le décolleté de sa robe blanche. Il tacha bientôt toute la tenue, sans que Danila ne réagisse vraiment.

En voulant venir vers elle, Marcus se rendit compte qu'il ne pouvait pas bouger. Ses pieds étaient collés au sol et ses membres refusaient de lui obéir. Il put simplement tourner la tête vers sa famille, dans l'espoir que quelqu'un intervienne.

Néanmoins, le spectacle qui s'offrit à lui acheva de l'horrifier. Des blessures apparurent sur chacun des invités et s'agrandirent petit à petit. Aucun ne semblait se rendre compte de ce qui leur arrivait et tous restaient passivement assis sur leurs chaises.

Danila fut la première à tomber au sol, aussi inanimée qu'une poupée de chiffon. Ses yeux étaient tournés en direction de Marcus, mais ils fixaient le vide.

— Tu savais que je la tuerais, résonna une voix inconnue.

Un homme venait d'apparaître à la place du prêtre lunaire. Il s'agissait d'un loup du Rubis aux traits flous, que Marcus avait mille fois essayé d'imaginer.

Un sourire carnassier lui dévorant les lèvres, Manik du Rubis lui désigna l'assemblée. Le coeur de Marcus – pourtant déjà brisé – fut anéanti lorsqu'il vit que toute sa famille gisait dans une mare de sang.

— Je les tuerai tous, s'amusa Manik.

Puis il partit d'un grand éclat de rire, juste avant d'enfoncer une lame dans le torse du loup.

Celui-ci cria, puis tout disparut en un instant.

Marcus se réveilla dans un lieu inconnu, face à deux yeux verts qui le fixaient avec inquiétude.

Des yeux verts qui ne fixaient pas du tout le vide.

— Vous allez bien ? l'interrogea Danila. Vous vous êtes réveillé en sursaut, vous... Vous avez fait un cauchemar ?

Il cligna les paupières, puis perdit un instant son regard dans celui de la louve. Hypnotisé, il ne parvint à aligner la moindre pensée.

— Marcus ? intervint une nouvelle voix. Tout va bien ?

Il tourna la tête vers Lyssandra, assise en face de lui, juste à côté de Danila. Une brusque secousse acheva de lui rappeler où il se trouvait. Quelques heures plus tôt, ils étaient montés à bord d'un véhicule pour leur deuxième journée de route.

— Je... Oui, articula-t-il en se redressant. Je me suis vraiment endormi ?

Cela l'étonnait. En temps normal, jamais il ne parvenait à s'assoupir lors d'un voyage. Ennuyé par la monotonie du trajet, il avait fermé les yeux, sans penser un seul instant qu'il trouverait le sommeil. Il fallait croire que ses nombreuses nuits blanches avaient fini par le rattraper.

— Tu as dormi environ deux heures, confirma Lyssandra. Tu avais l'air calme, jusqu'à sursauter comme si tu étais tombé d'une falaise.

Il pouvait saluer la productivité de son subconscient, qui lui avait concocté ce maudit cauchemar en peu de temps. Mariage, famille décimée, Manik... Quasiment aucune de ses peurs n'avait été omise. Au moins avait-il la chance de ne pas avoir hurlé pendant son sommeil.

— J'ai juste fait un rêve étrange, se justifia-t-il.

Il croisa un instant le regard interrogateur de Danila, qu'il fuit aussitôt. Pourquoi s'était-elle immiscée dans son cauchemar ? Plus curieux encore, pourquoi y avait-elle joué un rôle aussi central ? Parmi toutes les demoiselles du monde, elle devait sûrement être celle qui avait le moins envie de l'épouser. Il s'était montré cruel envers elle dès leurs retrouvailles et depuis, c'était toujours elle qui avait fait quelque chose pour lui. Il n'existait absolument aucun univers où elle aurait affiché un grand sourire le jour de leur mariage.

Et surtout, Marcus n'aurait même pas dû envisager ce genre de choses. Il devait coûte que coûte se rappeler qu'une demoiselle de la Terre du Diamant lui serait promise d'ici peu. Si tu survis jusqu'ici, bien sûr.

— Sommes-nous encore loin de la grotte ? s'enquit-il pour penser à autre chose.

Derrière la fenêtre, les paysages montagneux semblaient toujours être les mêmes.

— Je ne crois pas, répondit Danila en dépliant une petite carte. Il me semble que nous venons de dépasser le dernier village avant Gaalnoris.

Les yeux rivés sur l'extérieur, Marcus prit son mal en patience. Il était pressé d'arriver, afin de découvrir si cette grotte allait pouvoir l'aider. Évidemment, il savait sa démarche désespérée. Son frère n'avait pas tort lorsqu'il disait qu'il s'agissait de simples bêtises. Toutefois, Marcus se sentait prêt à saisir toutes les minuscules chances qui s'offraient à lui.

Peu de temps après, leurs chevaux s'immobilisèrent. Ils étaient guidés par Aileen, qui s'était dévouée pour les conduire jusqu'à leur destination. Malgré ses perpétuels éternuements, elle semblait toujours volontaire et pleine d'énergie.

Marcus ouvrit la portière et descendit pour savoir si elle avait besoin de quelque chose. Il constata qu'elle était en train de quitter son siège de cochère.

— Nous sommes arrivés ! annonça-t-elle. La grotte n'est qu'à quelques mètres, je pense qu'il vaut mieux que je vous attende ici avec l'attelage.

Ils se trouvaient au coeur d'une forêt de sapins, comme il en existait des centaines sur la Terre de l'Émeraude. Un petit panneau de bois indiquait "Grotte de Gaalnoris" en direction d'un chemin recouvert de neige et d'épines.

Dès que Danila et Lyssandra eurent posé le pied à terre, il commença à marcher d'un pas décidé, sans tenir compte de la neige qui crissait sous ses pieds. Par précaution, il rabattit son capuchon sur sa tête et invita les deux louves à faire de même. Il s'attendait à trouver une certaine foule à l'approche de la grotte, d'autant plus qu'ils étaient arrivés en plein après-midi.

Cependant, lorsqu'une impressionnante paroi de roche apparut devant eux, il se surprit à n'y trouver personne. Sans les repères d'indication, il n'aurait sûrement pas remarqué la mince ouverture qui donnait accès à la cavité. Elle paraissait à peine assez large pour laisser passer quelqu'un.

— C'est vraiment ici ? s'étonna-t-il, sentant la déception le gagner.

Si cet endroit permettait réellement d'exaucer les voeux, tout le monde aurait dû s'y presser.

— On dirait bien, fit Danila en approchant de l'entrée. Il n'y a pas l'air d'avoir beaucoup de visiteurs, tant mieux pour nous.

Elle alluma une petite torche, puis Lyssandra lui emboîta le pas. Marcus s'efforça de ne pas partir battu et les suivit sans rien dire.

Il dut se pencher pour entrer à l'intérieur de la grotte, qui était beaucoup plus étroite qu'il l'avait imaginée. Les aspérités de la roche griffèrent sa cape au niveau des épaules et des gouttes d'eau tombèrent sur sa tête. Au fur et à mesure qu'ils s'enfoncèrent, l'odeur d'humidité remplaça celle des sapins de la forêt. Il ignorait s'il faisait plus froid qu'à l'extérieur, mais il frissonna et sentit ses orteils se glacer.

— Jusqu'où devons-nous aller, au juste ? demanda Lyssandra.

Elle avait beau marcher devant lui, Marcus voyait à peine ses cheveux blonds dans l'obscurité. La torche de Danila les éclairait trop faiblement à son goût et lorsqu'il se retourna, il s'aperçut que l'entrée de la grotte n'était plus visible. Il ne pensait pas être claustrophobe, pourtant un début de panique s'alluma en lui.

— Duncan m'a dit que nous devions marcher quelques minutes, jusqu'à atteindre un espace plus dégagé. D'après lui, ce sera très joli.

Même si elle ne parlait pas très fort, sa voix résonnait contre les parois. Le loup craignit un instant que cela provoque un éboulement, mais il tâcha de se calmer. Si visiter ces lieux avait vraiment présenté un risque, Duncan ne les aurait pas laissés s'y rendre. Le jeune homme les avait quittés deux jours plus tôt, apparemment pressé par son devoir familial. Marcus avait deviné que sa femme avait des ennuis, même s'il trouvait ce départ un peu trop précipité.

Se pouvait-il que ses soupçons sur le loup de l'Émeraude aient fini par l'inquiéter ? Fuyait-il après avoir réussi à causer du mal à Julian et Marcus ? Ce dernier en avait assez de se méfier de tout le monde et ne savait plus quoi penser. Parfois, il se mettait à réfléchir tellement que ses propres pensées le rendaient fou.

Elles l'oppressaient, exactement comme cette grotte commençait à le mettre mal à l'aise.

Chaque pas les éloignait de la sortie et de la lumière du jour, sans qu'aucun "espace plus dégagé" ne se profile devant eux. Il s'apprêtait à proposer de faire demi-tour, lorsque Danila s'exclama avec entrain :

— Ah, nous y voilà !

Elle disparut un instant de la vue de Marcus, puis Lyssandra et lui la rejoignirent dans ce qui devait être le fond de la grotte. Il s'agissait d'une cavité circulaire, pas plus grande qu'une chambre. De l'eau s'écoulait le long d'une paroi, donnant l'illusion qu'il s'agissait d'un rideau.

— Il paraît qu'il faut éteindre la torche pour voir les cristaux, déclara Danila.

Elle fit disparaître la lumière avant que Marcus ait pu l'en dissuader. Se retrouver dans le noir, coincé dans un endroit aussi fermé, accéléra les battements de son coeur.

Cependant, des lumières vertes commencèrent à apparaître autour d'eux. Il ne vit d'abord que des petites étincelles scintillantes, jusqu'à discerner de magnifiques cristaux. Tous brillaient d'un éclat émeraude, qui permettait tout juste aux loups de se repérer.

— C'est tellement beau ! s'émerveilla Lyssandra dans un murmure.

L'aura mystique des lieux appelait au silence, mais Marcus ne se sentait pas tout à fait serein pour autant. Ces cristaux lumineux avaient beau être splendides, il lui tardait de retrouver l'air extérieur.

— Bien, que sommes-nous censés faire ? s'enquit-il en s'approchant de la petite fontaine naturelle. Les livres ne donnaient pas beaucoup d'indications sur la marche à suivre.

— Je crois qu'il faut ôter l'une de nos bagues, puis la mettre sous l'eau pendant que nous pensons à notre souhait, répondit Danila.

Ne souhaitant pas perdre de temps, Marcus retira le diamant qui brillait à sa main droite. Il le présenta à la fontaine et ferma les yeux pour se concentrer sur son voeu. Il y songea aussi fort qu'il le put, se concentrant sur le doux ruissellement de l'eau.

Lorsqu'il regarda devant lui, il eut l'impression de voir un visage se dessiner sur la paroi humide. Il n'en aurait pas mis sa main à couper, mais l'éclat des cristaux semblait se refléter sur les traits de... son père.

— Apparemment, il est possible que vous voyiez le visage de votre alpha dans la fontaine, lui dit justement Danila.

Marcus cilla et ce qu'il avait cru voir disparut aussitôt.

— C'est un signe que le voeu a fonctionné ? interrogea-t-il, perplexe.

Il ne voyait pas vraiment comment cette illusion avait pu apparaître. Néanmoins, si cette grotte lui permettait de résoudre ses problèmes, il était prêt à tout accepter sans se poser de questions.

— Je ne sais pas trop, admit la louve. Dans le doute, prenez-le comme un signal encourageant.

Ce fut ensuite au tour de Lyssandra de penser à son voeu. Marcus guetta la fontaine, afin de voir si l'alpha du Topaze apparaissait sur l'eau. Hélas, il ne vit rien, même si Lyssandra affirma avoir discerné un étrange reflet.

Avant de partir, ils proposèrent à Danila de souhaiter aussi quelque chose. Elle hésita quelques secondes, puis hocha la tête. Tandis qu'elle retirait sa bague, Marcus se demanda à quoi elle pouvait penser. Ne plus jamais être empoisonnée ? Pouvoir régner sereinement sur la Terre de l'Émeraude ? Il n'osa la questionner.

Malgré la beauté des lieux, le loup attendait avec impatience de sortir d'ici. À l'aide d'une allumette, Danila embrasa de nouveau sa torche et ils prirent le chemin en sens inverse. Cela aurait dû rassurer Marcus, mais son mal-être s'accrut.

À chaque pas, il espérait voir la sortie apparaître devant eux. La grotte paraissait sans fin et il lui semblait qu'ils mettaient beaucoup plus de temps qu'à l'aller.

— Vous êtes sûres qu'on est sur le bon chemin ?

Il maudit sa voix légèrement tremblotante. Par chance, aucune des deux louves n'eut l'air de le remarquer.

— Bien sûr, affirma Danila. Nous sommes déjà passés ici tout à l'heure.

Comment pouvait-elle en être certaine ? Aux yeux de Marcus, tout se ressemblait. Et s'il existait plusieurs galeries ? Et s'ils avaient emprunté un mauvais tunnel, qui les perdrait à tout jamais dans cette grotte ?

Envahi par mille et une idées cauchemardesques, il sentit sa respiration s'accélérer, au même rythme que les battements de son coeur. Sa vision devint floue et il ne vit bientôt plus les jeunes filles qui marchaient devant lui. Il manqua de glisser et se rattrapa tout juste à l'une des parois, qui lui érafla la main. Son dérapage interpella Lyssandra et Danila, qui se retournèrent vers lui.

— Tout va bien ? s'inquiéta sa belle-soeur. Tu es tout pâle...

Marcus voulut hocher la tête, mais il se sentait incapable du moindre mouvement. Ses jambes ne lui répondaient plus, alors qu'il rêvait de s'enfuir loin d'ici.

Pour ne rien arranger, il entendit sa cheville craquer. La perspective d'une transformation en un lieu si étroit finit de le rendre fou.

— Je... Je vais me transformer, balbutia-t-il. Il ne faut pas que vous restiez là...

Il allait leur faire du mal. Il ne pouvait en être autrement. Il n'aurait aucun moyen de contrôler son loup, qui allait suffoquer dans cette caverne.

Loin de l'écouter, Danila vint vers lui. Il voulut la mettre en garde de nouveau, or elle ne lui en laissa pas le temps :

— Vous n'êtes pas en train de vous transformer, le rassura-t-elle. Regardez, tout va bien.

En effet, Marcus ne percevait plus aucun craquement. Cependant, la panique l'engourdissait tellement qu'il n'était plus sûr de rien.

— Nous n'allons pas tarder à sortir, lui promit-elle. Nous n'en avons plus pour très longtemps.

Sa voix l'envoûta, si bien qu'il se demanda si elle n'était pas en train d'utiliser son pouvoir d'alpha sur lui. Lorsqu'il croisa son regard, il constata toutefois qu'elle n'avait pas activé sa vision animale. Il trouva ses yeux encore plus captivants que les cristaux de la grotte.

— C'est normal d'avoir peur, poursuivit-elle. Mais nous serons bientôt dehors et nous ne risquons rien.

Se concentrer sur ses paroles l'aida à retrouver un semblant de calme. Malgré tout, il se sentait quand même au bord du malaise. Danila dut le deviner, car il sentit ses doigts effleurer les siens.

Sans réfléchir à ce qu'il faisait, il les attrapa et elle lui serra doucement la main.

— Venez, l'encouragea-t-elle. Nous y sommes presque.

La sérénité qui se dégageait d'elle l'incita à la suivre. Il réussit à mettre ses jambes en mouvement et ils reprirent leur chemin. Le regard rivé droit devant lui, il resta focalisé sur la torche de la louve. Il entendait Lyssandra les suivre et Danila se retournait régulièrement, afin de s'assurer qu'il allait bien. Sa main ne quittait pas la sienne et elle lui adressait de légers sourires rassurants.

Grâce à elle, le coeur de Marcus s'apaisa. Les ombres de ses craintes se dissipèrent, puis la lumière du jour nimba la silhouette de Danila. Il accéléra le pas et prit de grandes inspirations lorsqu'il fut enfin dehors.

Il leva les yeux vers le ciel chargé de neige, qu'il eut l'impression de voir pour la première fois.

— Il fallait nous dire que vous étiez claustrophobe, regretta Danila. Si j'avais su, nous n'aurions pas fait tout ça et...

— Je ne suis pas claustrophobe, assura-t-il. C'est juste que...

Il lui était déjà arrivé de descendre dans les sombres geôles du palais du Grand Alpha. Il ne s'y était jamais senti mal à l'aise et jusqu'ici, aucune panique ne l'avait saisi dans un autre endroit clos.

— Tu dois accumuler beaucoup trop de pression, intervint Lyssandra. Avec tout ce qui se passe, c'est parfaitement compréhensible, mais... Essaye de relativiser un peu.

Marcus baissa les yeux, ne voyant pas comment il aurait pu s'y prendre. Il lui semblait que tout son monde menaçait de s'effondrer, exactement comme cette grotte aurait pu se refermer sur lui.

Se rendant compte qu'il tenait toujours la main de Danila, il la lâcha. Il regretta aussitôt le doux contact de ses doigts fins.

— Nous avons assez fait attendre votre amie, décréta-t-il en se mettant en marche. Allons la retrouver.

Il avança d'un bon pas, désireux de mettre le plus de distance possible entre lui et cette caverne. Après la crise d'angoisse qu'elle lui avait causée, il espérait bien qu'elle se donnerait la peine d'exaucer son voeu.

Tandis qu'il cheminait sur le sentier, il entendait les deux louves échanger quelques mots. Trop honteux de s'être comporté comme un enfant, il ne chercha pas à tendre l'oreille pour savoir si elles parlaient de lui.

— Oh, pauvre petit bébé ! s'exclama soudain Danila. Tu es coincé ? Marcus, attendez !

Il se retourna et vit qu'elles s'étaient arrêtées au pied d'un arbre. Il plissa les yeux pour tenter de comprendre ce qui se passait, mais ne vit rien. Ce ne fut qu'en se rapprochant qu'il vit un chat blanc perché sur un sapin.

L'animal n'arrêtait pas de miauler, implorant quelqu'un de venir l'aider.

— Pauvre petit trésor, le plaignit Danila.

À l'entendre, il s'agissait de l'être le plus mignon qu'elle avait jamais vu. Elle s'approcha de l'arbre et commença à poser son pied sur la branche la plus basse.

— Qu'est-ce que vous faites ? demanda Marcus. Vous n'allez quand même pas monter, si ?

Il reconnaissait que ce chat en détresse faisait peine à voir, or il se trouvait à une bonne hauteur du sol. Il aurait été plus prudent de lui tendre un panier accroché à une perche, afin d'éviter de prendre trop de risques.

— Il faut bien l'aider, répondit Danila, qui avait déjà atteint la deuxième branche. Il n'est pas si haut que ça.

Marcus grimaça en entendant l'arbre craquer. Il semblait certes assez robuste et ses branches n'étaient pas trop éparses, mais il ne se sentait pas rassuré pour autant.

Heureusement, Danila fit preuve d'une agilité assez remarquable et arriva sans mal au niveau du chat. Si la mémoire du loup ne le trompait pas, il croyait se souvenir qu'elle aimait déjà grimper de la sorte, lorsqu'elle était petite.

— Viens, appela-t-elle l'animal. On va descendre tous les deux et on va t'emmener au chaud.

Craintif, il n'osait trop venir vers elle et la regardait en inclinant la tête.

— Fais attention, intervint Lyssandra. S'il est tout seul dans cette forêt, c'est sûrement un chat sauvage.

— Je suis sûre qu'il est gentil, affirma Danila. Regardez, il arrive.

En effet, la boule de poils blanche s'approcha et l'alpha tendit la main pour la caresser. Marcus eut peur que cela rende son équilibre précaire, mais elle semblait maîtriser la situation. Elle réussit à attraper délicatement le chat, puis commença à redescendre.

Le loup soupira, ne s'étant pas rendu compte qu'il avait retenu son souffle.

— Pauvre petit, il est tout froid, regretta Danila alors qu'elle descendait d'une branche. J'espère que...

Soudain, son pied dérapa et sa phrase finit dans un cri.

En un instant, elle bascula en arrière.

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