Chapitre 27 - Au milieu de la nuit
— Cette fille est une traîtresse ! Comment voulez-vous qu'on lui fasse confiance ?
Comme bien souvent, Danila rêvait de disparaître. Cependant, elle ne pouvait aller nulle part. Plantée au milieu d'une immense salle de bal, entourée de visages déformés par la haine, elle était coincée.
— Mais je... Je vous jure que je ne déteste pas les loups, je ne ferai jamais rien qui pourrait...
— Elle ment ! l'interrompit une voix cristalline. On ne peut pas croire un mot de ce qu'elle dit !
Gladis apparut soudain au sommet d'un balcon, radieuse dans sa robe écarlate. Des serpents dorés tourbillonnaient autour de son corsage et sifflaient en direction de Danila.
— Je suis la seule personne légitime pour gouverner la Terre de l'Émeraude. Nous ne pouvons nous laisser diriger par un être aussi égoïste, qui a abandonné son peuple !
— Je... Je ne vous ai pas abandonné, murmura la jeune louve. J'étais juste...
— Si, tu l'as fait, intervint une petite voix.
Kiera se tenait aux côtés de sa mère et de ses frères. Tous fixaient Danila avec un regard empli de reproches.
— Tu n'en as jamais eu rien à faire de nous. Tu es partie sans te retourner.
L'accusée aurait voulu se justifier, mais sa gorge était trop nouée. Ses sanglots l'étouffèrent un peu plus lorsque sept autres personnes surgirent de nulle part.
— Tu as fait croire à ta mort pendant quatre ans ! lança Jenna, ses yeux bleus emplis de haine. Tu ne t'es jamais demandé ce que nous étions devenus !
— Non, c'est faux, j'ai... Je pensais à vous et...
— Menteuse !
— Sale vampire !
— Tueuse de loup !
Toutes ces insultes se confondaient en un même hurlement, qui cinglait les oreilles de Danila. Elle voulait désespérément disparaître à travers le parquet, devenir aussi minuscule qu'une poussière, s'envoler loin d'ici... Au lieu de cela, une bête grise surgit devant elle.
Un énorme loup, aux dents luisantes de sang.
Le même loup qui avait failli tuer Alisée et que Danila avait égorgé.
Elle voulut s'enfuir, mais ses pieds semblaient collés au sol. Elle hurla en sentant quelque chose de froid dans sa main, avant de se rendre compte qu'il s'agissait d'une épée. Depuis quand la tenait-elle ?
— Danila ! Danila, s'il te plaît, il va me tuer !
Cette voix la fit aussitôt frissonner. Ses larmes s'arrêtèrent net, alors que Jae-Sun se recroquevillait sur le sol, près du loup.
— Jae... Jae-Sun ?
Elle n'arrivait pas à croire qu'il était là. Ses yeux en amande, qu'elle avait jadis trouvés si charmants, la suppliaient de lui venir en aide.
— S'il te plaît, ne le laisse pas me tuer.
Tu es déjà mort, aurait-elle voulu lui dire. Mais elle n'y arrivait pas. Elle voulait croire qu'elle avait encore une chance de le sauver.
— Ne bouge surtout pas ! lui ordonna sa tante. Laisse ce vampire mourir.
— Je... Je ne peux pas, il faut que je fasse quelque chose et...
— Tu dois faire un choix. Laisse ce loup en vie, ou sauve ce mort vivant.
L'animal grogna et se rapprocha de Jae-Sun. Malgré elle, Danila raffermit sa prise sur son arme.
— Voyez comme c'est une traîtresse ! cria un inconnu parmi la foule. Elle serait prête à tuer chacun d'entre nous pour sauver ces sales suceurs de sang !
Elle aurait voulu les détromper. Leur prouver qu'elle était capable de choisir sa meute. Toutefois, le loup se prépara à bondir sur Jae-Sun, ne lui laissant plus le choix.
— Je suis désolée...
Elle planta son épée dans le cou de l'animal et du sang gicla de tous les côtés. Il arrosa ses mains, sa robe, dégoulina sur son visage, jusqu'à envahir tout son champ visuel. Plus elle criait, plus des gouttelettes rouges tombaient sur elle. Elles se transformèrent bientôt en cascades, alors que la voix de Gladis résonnait :
— Notre alpha est recouverte du sang des loups ! Tuons-la !
Une cohorte d'hommes et de femmes se rua sur Danila. Elle essaya de fuir, mais ses pieds glissèrent sur la mare de sang qui s'étendait au sol.
— Jae-Sun ! l'appela-t-elle. S'il te plaît, je...
La silhouette du vampire s'éloigna, aspirée dans un gouffre. Elle tendit une main pour essayer de le retenir, en vain.
— Je ne peux pas, articula-t-il du bout de ses lèvres pâles.
Et avant qu'elle puisse faire quoi que ce soit, il explosa en un million de cendres. Elle hurla au moment où les loups-garous empoignaient ses membres couverts de sang et... Tout s'arrêta.
Danila se réveilla en sursaut, dans une pièce plongée dans l'obscurité.
Elle se redressa sur le lit et prit de longues inspirations haletantes, une main posée sur sa poitrine. Son coeur battait si vite qu'elle se demandait comment il ne lâchait pas. Sûrement devait-il s'habituer aux cauchemars tels que celui-ci, qui hantaient la louve depuis quelques mois. Ils s'étaient un peu calmés au cours des dernières semaines, mais l'attaque dans les bois les faisait revenir à la charge.
La chambre dans laquelle elle se trouvait était pourtant très agréable. Destinée au futur enfant de Jenna et Glenn, elle était décorée dans des tons de beige et de blanc. Danila logeait tout juste dans le lit assez petit, destiné à un louveteau de moins de dix ans. Parmi les quatre autres habitants du chalet, elle et Lyssandra étaient les seules à pouvoir y dormir sans risquer de le casser. Danila avait cependant insisté pour que Julian et sa petite amie occupent la grande chambre. Marcus avait affirmé qu'il se contenterait sans mal du canapé et Duncan dormait dans un autre chalet.
Après un tel cauchemar, la jeune alpha savait qu'elle ne pourrait pas retrouver le sommeil avant longtemps. Elle repoussa donc ses épaisses couvertures et enfila un peignoir prêté par Jenna. À vrai dire, tout ce qu'elle possédait avait été prêté par son amie. De sa chemise de nuit, en passant par ses chaussons ou ses sous-vêtements, Danila n'avait plus rien.
Elle sortit de la chambre aussi silencieusement que possible, soucieuse de ne réveiller personne. Elle traversa le couloir pour se rendre dans la petite cuisine, où elle prit un verre d'eau. Comme le salon se trouvait juste à côté, elle y passa une tête, afin de voir si Marcus dormait. Lui qui devait être habitué à son grand lit de prince, pourrait-il vraiment dormir ? Elle eut la réponse en le trouvant assis dans la pénombre, occupé à fixer les flammes de la cheminée.
Sans trop savoir pourquoi, Danila eut envie de repartir avant qu'il ne remarque sa présence. Néanmoins, il fut plus vif qu'elle :
— Je vous ai vue.
Elle grimaça, honteuse d'avoir été prise en pleine tentative de fuite.
— Je voulais juste voir si vous dormiez, se justifia-t-elle rapidement. Je me suis levée pour boire quelque chose et...
Il semblait se moquer éperdument de ses explications, alors elle se tut.
— Vous êtes libre de faire ce que vous voulez.
Sa voix calme l'incita à faire un pas dans la pièce. Pour une fois, il ne semblait pas trop désagréable. Sa contemplation des flammes devait lui faire du bien, car il ne les quittait pas des yeux. Elles projetaient des ombres sur son profil aux lignes si parfaites et rendaient son teint pâle un peu plus chaleureux. Attention, se sermonna-t-elle. À force de trop se laisser distraire, elle allait oublier à qui elle avait affaire.
— Le canapé ne doit pas être très confortable, supposa-t-elle pour ne pas laisser un trop long silence s'étirer. C'est pour ça que vous n'arrivez pas à dormir ?
Elle s'attendit à une remarque déplaisante sur sa question idiote, or il n'en fut rien.
— Pas vraiment. Le canapé est très bien, mais... Même dans un lit aussi doux qu'un nuage, je doute que le sommeil réussirait à m'emporter. Je ne suis pas un gros dormeur.
Danila se permit de rester perplexe. Il lui semblait que la petite horloge posée sur un buffet indiquait deux heures du matin. Qui finissait sa nuit aussi tôt ?
— Je dormais beaucoup avant que... Avant que toutes ces choses ne m'arrivent, déclara-t-elle en venant s'asseoir au bord du canapé. Depuis quelques temps, c'est de plus en plus compliqué.
Il posa enfin le regard sur elle et elle regretta de s'être assise ici. Allait-il trouver qu'elle empiétait sur son espace vital ? Aurait-il voulu qu'elle retourne dans sa chambre et le laisse à sa méditation enflammée ? Elle s'était posée aussi loin de lui que possible et n'avait pas l'intention de l'importuner. Elle n'avait simplement pas envie de retourner se coucher, mais s'il lui faisait comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue, elle s'en irait.
— Vous faites des cauchemars ? devina-t-il cependant.
Étonnée qu'il engage une conversation – et qu'il l'ait si vite percée à jour – elle ne répondit pas tout de suite.
— Assez souvent, oui. Je crois que l'attaque que nous avons subie les a réveillés.
Elle n'allait bien sûr pas lui parler des événements sanglants survenus au palais du roi. Elle n'évoquerait pas non plus Gladis et encore moins Jae-Sun.
— C'est la même chose pour moi, avoua-t-il en se reconcentrant sur le feu. Ce que nous avons vécu et l'idée de savoir Manik en liberté rendent mon imagination très florissante...
La louve ne s'était pas attendue à une telle confession. Il déployait tant d'efforts pour avoir l'air inflexible que même son subconscient ne semblait pas pouvoir l'atteindre.
— Je suis sûre qu'il sera vite retrouvé. Tous les soldats du pays doivent avoir été déployés.
— Cela ne l'a pas empêché de préparer une attaque contre nous et de décimer nos gardes. Il doit avoir des soutiens.
Cette idée glaça Danila, qui s'enfonça dans le canapé et ramena ses jambes contre elle.
— J'ignore seulement si nous cacher ici est une bonne idée, poursuivit Marcus. Je fais assez confiance à vos amis, mais... Ma place devrait être au palais, aux côtés de ma famille. Je suis inutile en me terrant ainsi.
— Nous serons toujours plus utiles en restant en vie, plutôt qu'en prenant le risque de nous faire tuer.
Il hocha vaguement la tête. Jamais elle ne l'avait vu aussi morose et pensif.
— Si vous ne voulez pas rester ici, nous pourrions au moins essayer de gagner le château de Gla... Enfin, mon château, se reprit-elle. Vous pourriez y correspondre avec votre père de manière plus confidentielle.
De ce qu'elle savait, lui et Julian n'avaient envoyé qu'un message succinct à leurs parents. Ils y précisaient simplement être toujours en vie et dans un endroit sûr, sans dévoiler leur position exacte. Duncan s'était chargé d'aller poster la lettre dans un village, en même temps que sa missive à destination d'Isabella.
— Nous ne l'envisagerons que si la disparition de Manik s'éternise. Mais pour être tout à fait honnête, j'ignore si nous pouvons faire confiance à votre tante...
Danila fronça aussitôt les sourcils.
— Pourquoi ? Duncan vous a dit quelque chose ?
Cela éveilla la curiosité du loup, qui reporta son attention sur elle.
— Qu'est-ce qu'il aurait dû me dire ?
Hésitante, elle tritura la corde de son peignoir. Elle ne voulait pas qu'il sombre dans une paranoïa similaire à celle de la famille du roi, cependant...
— Vous savez bien, il est persuadé que ma tante a quelque chose à voir avec ma mort, déclara-t-elle, aussi détachée que possible. C'est complètement insensé.
Elle s'attendit à le voir acquiescer. Au lieu de cela, il fuit son regard.
— Je commence à me dire que Manik n'a pu orchestrer son évasion tout seul, fit-il en remuant une bûche dans la cheminée. Il a forcément reçu des soutiens importants, sans parler de l'attaque contre notre convoi. Peu de personnes savaient que nous avions pris le chemin du retour et votre tante en faisait partie. Même si d'autres ont pu trahir notre position, ou si des espions nous ont suivis, elle reste suspecte.
— Vous pensez que... ma tante aurait pu comploter avec Manik ?
Elle ne voyait pas comment une idée pareille pouvait lui effleurer l'esprit. Gladis ne se montrait certes pas toujours très agréable, mais elle ne trahirait jamais le Grand Alpha.
— C'est une possibilité que nous ne pouvons écarter. J'ignore toutefois quelles seraient ses motivations. A-t-elle déjà évoqué une quelconque rancune envers mon père ?
Danila prit un moment pour y réfléchir. Elle voulait faire preuve de franchise envers Marcus, toutefois... Si elle lui disait certaines choses, peut-être qu'il s'entêterait davantage dans de fausses idées.
— Je sais qu'elle en a parfois marre de rendre des comptes au Grand Alpha. Elle se sent surveillée par lui et... Je crois qu'elle trouve parfois cela un peu pesant. Mais jamais elle n'irait jusqu'à se rebeller contre lui !
Elle s'efforçait de ne pas parler trop fort, afin de ne pas réveiller Lyssandra et Julian.
— C'est le travail de mon père de surveiller ce que font les alphas, rétorqua-t-il. Je ne pense pas qu'il soit trop intrusif, si ?
Le simple fait de remettre en cause les actes du Grand Alpha semblait le froisser au plus haut point.
— Je n'ai encore jamais vraiment été amenée à travailler avec lui, mais je ne me souviens pas qu'il ait cherché à me créer des problèmes, le rassura-t-elle. Gladis est simplement un peu... tendue, de temps en temps. Elle n'a rien de personnel contre votre père et ne veut lui causer aucun tort. Pas plus qu'elle n'a voulu se débarrasser de moi.
Ses tentatives de le convaincre échouèrent lamentablement. Il s'obstina à fixer le feu et Danila craqua en premier :
— Pourquoi persistez-vous à croire que ma tante n'est pas fiable ? Elle n'est même plus l'alpha, désormais. Quand bien même elle aurait quelques fois été un peu agacée par le contrôle de votre père, qu'est-ce que cela lui donnerait de s'attaquer à votre famille ?
Elle n'y comprenait absolument rien. Aucun motif suffisant n'aurait pu convaincre Gladis de s'allier avec un monstre tel que Manik. Cela aurait été bien trop dangereux et l'âme de sa tante n'était pas assez noire pour commettre une chose aussi horrible.
— Peut-être que Gladis de l'Émeraude n'a rien à voir avec l'évasion de Manik, admit-il. Il n'empêche que vous devriez quand même vous méfier d'elle.
Elle l'observa avec insistance, dans l'espoir qu'il lui précise sa pensée. Au moment où elle commençait à croire qu'il ne dirait rien, il se décida à parler :
— J'ai eu une conversation avec votre tante, juste avant notre départ pour le début de la tournée. Elle m'a dit des choses qui ne m'ont pas choqué tout de suite, mais... Après réflexion, je me rends compte qu'elles font d'elle quelqu'un de très suspect.
L'angoisse fit s'emballer le coeur de Danila, comme lorsqu'elle s'était réveillée de son cauchemar.
— Je ne veux pas vous affoler inutilement, enchaîna-t-il sans la regarder. Nous avons déjà trop de raisons de nous tracasser et...
— Dites-moi ce qu'elle vous a dit, le coupa-t-elle.
Hormis par un vampire – ou une ex-vampire, en l'occurrence – il ne semblait pas être le genre de personnes à pouvoir être vraiment impressionnées par quoi que ce soit. S'il prenait autant de pincettes, cela signifiait que Gladis l'avait assez choqué pour qu'il craigne de blesser Danila. Et depuis quand craint-il de te blesser, d'ailleurs ?
— Elle ne vous fait pas vraiment confiance, reconnut-il en laissant ses épaules s'affaisser. Elle m'a dit qu'elle doutait de votre allégeance à votre meute et qu'elle craignait de vous voir souffrir de troubles mentaux, liés à votre ancienne condition.
Incapable d'émettre un son, elle le laissa poursuivre en le fixant avec de grands yeux.
— Elle m'a aussi rappelé que le devoir de ma famille était de... De mettre un alpha hors d'état de nuire s'il représente un danger pour la Terre des Loups.
Danila essaya d'assimiler ce que cela signifiait, mais son esprit s'y refusait. Elle ne pouvait y croire. Gladis ne pouvait avoir réellement laissé entendre que...
— Votre tante m'a suggéré de vous tuer si vous étiez inapte à occuper vos fonctions, clarifia Marcus en se tournant vers elle. Je ne vous dis pas ça pour vous affoler, toutefois... Méfiez-vous d'elle.
L'air parut soudain étouffant. Elle avait toujours su que Gladis ne l'aimait pas énormément. Malgré la mort de sa mère, elle n'avait jamais cherché à la remplacer et Danila ne le lui avait pas demandé. Néanmoins, cela ne l'avait pas empêchée de l'élever et de lui transmettre tout son savoir.
Il était impossible qu'elle ait pu tenir de tels propos à Marcus.
— Je ne vous crois pas, affirma-t-elle d'une voix tremblotante. Gladis ne chercherait jamais à m'évincer. C'est plutôt vous qui pourriez nourrir de telles idées.
Peut-être cherchait-il à la manipuler. Peut-être ne savait-elle pas tout et qu'il voulait la monter contre sa tante, afin de semer la pagaille sur la Terre de l'Émeraude.
— J'ai honte de l'avouer, mais sur le coup, j'étais plutôt d'accord avec elle. J'étais en colère contre vous et... Je me suis vraiment demandé si vous n'étiez pas un danger pour votre meute.
Danila n'en fut qu'à moitié surprise. Au vu de l'opinion qu'il entretenait à l'égard des vampires, il n'était pas étonnant qu'il ait pensé une chose pareille.
— Désormais, je me rends compte à quel point j'ai été idiot. Je ne vous ai d'ailleurs jamais présenté mes excuses pour les propos que j'ai pu tenir, ou le comportement que j'ai eu envers vous. Je suis sincèrement désolé.
Ses yeux bleus, assombris par la pénombre, croisèrent ceux de Danila. Sa sincérité ne faisait aucun doute. Il se sentait honteux et regrettait d'avoir été si cruel.
— Vous me dites cela uniquement parce que je vous ai aidé, comprit-elle cependant. Vous avez réalisé que les vampires ne sont pas tous voués à brûler au soleil et...
— C'est faux, l'interrompit-il. Je vous suis certes reconnaissant de m'avoir sauvé, mais je n'avais pas besoin de ça pour comprendre que les vampires ne sont pas tous des monstres. Mon rapport avec eux est disons... assez compliqué.
Il se détourna, avant de préciser :
— Votre ancienne espèce est responsable de bon nombre des malheurs qui me sont arrivés. Un vampire a tué ma mère, puis quelques années plus tard, j'ai perdu une autre personne dans des circonstances similaires.
La louve pencha la tête, perdue.
— C'est Manik du Rubis qui a tué votre mère. Même si un vampire a exécuté ses ordres, ce n'était pas lui le vrai coupable.
— En effet, mais... Mon esprit a du mal à l'assimiler de cette façon. Mis à part ce qui est arrivé à ma mère, j'ai aussi perdu ma gouvernante à cause d'un immortel. J'ignore si vous vous souvenez de Judith ?
Elle hocha la tête. Même si elle ne revoyait plus très clairement son visage, elle se souvenait d'une jeune femme aussi gentille que le Grand Alpha.
— Elle s'est occupée de moi jusqu'à mes dix ans, puis a épousé un vampire. Elle vivait au village avec lui et continuait de nous rendre visite assez souvent. Son mari ne buvait jamais son sang, mais elle s'est un jour coupée en faisant la cuisine. Il était juste à côté d'elle et il est devenu complètement fou. Il l'a vidée de son sang, avant de se suicider lorsqu'il s'est rendu compte de ce qu'il avait fait.
Cette histoire serra le coeur de Danila. Elle savait que des accidents tels que celui-ci pouvaient arriver. Lorsqu'elle était une vampire, jamais elle n'avait eu de gros problèmes de contrôle. Jae-Sun lui avait toujours conseillé de boire du sang à heures régulières, afin de ne pas ressentir de réelle soif. À partir du moment où un immortel entrait dans un véritable état de manque, il était capable de n'importe quoi.
— Je sais que tous les vampires ne sont pas à mettre dans le même panier, poursuivit Marcus. Judith était quelqu'un de sensé, qui ne se serait jamais mariée avec cet homme si elle l'avait estimé dangereux. Il était bon envers elle, malgré tout... Une part de moi ne peut s'empêcher de mépriser votre ancienne espèce.
La louve le comprenait. Peut-être que si elle avait vécu autant de mauvaises expériences avec les vampires, elle aussi se serait réjouie de leur disparition.
— Ma rancune ne peut excuser mes insultes à votre encontre. Je ne m'attends pas à ce que vous me pardonniez, mais avec tous les ennemis qui rôdent autour de nous, je veux que vous sachiez pouvoir compter sur moi.
Cela la toucha plus qu'elle ne l'aurait cru. Elle le pensait bien trop fier et arrogant pour présenter des excuses à qui que ce soit.
— Eh bien... Vous pouvez compter sur moi aussi, répondit-elle. Même si nous étions des vampires, Duncan et moi sommes du même côté que vous.
Il se renfrogna un peu à l'évocation du loup de l'Émeraude.
— Je vous le répéterai mille fois s'il le faut, mais avoir été un garde royal ne fait pas de Duncan un traître. J'ai confiance en lui, autant qu'en Gladis.
Cette dernière remarque suscita sa confusion et il la considéra avec perplexité.
— Votre tante m'a quasiment demandé de me débarrasser de vous. Que faut-il de plus pour que vous cessiez de la vénérer aveuglément ?
Danila se mordit la lèvre, consciente de passer pour une imbécile.
— Je pense qu'elle a simplement cru agir pour le bien des loups de l'Émeraude. Elle était une très bonne alpha, alors que moi... Mon retour va plonger la région dans une période d'instabilité. Déjà que nous devons surveiller de près ce qui se passe sur la Terre des Vampires, elle craint sûrement que le vase finisse par déborder.
Il se pouvait aussi que Marcus ait mal interprété les dires de Gladis. Peut-être avait-elle juste voulu lui suggérer que Danila était inapte à diriger seule et qu'elle aurait de nouveau besoin d'une régente. Après toutes les petites frasques auxquelles sa tante avait assisté, il n'aurait pas été illégitime qu'elle soit habitée par de telles craintes.
— Je n'ai pas peur de Gladis, affirma-t-elle. Elle n'a jamais cherché à me causer de mal quand j'étais plus jeune et elle ne m'en fera pas non plus à l'avenir.
Dans ce cas, pourquoi hante-t-elle tes cauchemars ? Rien qu'au souvenir des menaces de sa tante, elle frissonna. Marcus surprit son tressaillement et attrapa une couverture sur le canapé.
— Tenez, si vous avez froid, lui proposa-t-il en se penchant vers elle.
Comme il ne parlait pas fort, sa voix se faisait encore plus grave que d'ordinaire. Cela troubla Danila, qui ne réagit pas tout de suite. Il insista pour lui tendre la couverture et sans qu'elle ne sache trop pourquoi, les paroles de Lyssandra se rappelèrent à elle. Il faut juste apprendre à le connaître, il a un très grand coeur.
— Merci, mais... Ça va aller, bredouilla-t-elle en se levant. Je vais essayer d'aller me coucher.
Même si elle n'avait aucune envie de se rendormir, elle ne voulait pas s'attarder plus longtemps. Avec toutes ses insinuations au sujet de Gladis, il risquait de la tourmenter davantage. Elle avait déjà bien assez de raisons d'être préoccupée et elle sentait aussi qu'elle devait s'éloigner de lui.
Discuter seuls au coin du feu, en pleine nuit, pourrait se révéler plus dangereux que prévu.
— Comme vous voulez, répondit-il, l'air un peu décontenancé par cette brusque décision. Essayez de vous reposer.
Elle acquiesça, puis marmonna un "bonne nuit" un peu stupide, étant donné qu'il ne restait plus beaucoup d'heures avant le lever du soleil.
Dès qu'elle fut retournée dans sa chambre, elle poussa un long soupir. Il lui semblait avoir pris la fuite à temps, sans savoir précisément ce à quoi elle avait échappé.
Elle sentait cependant qu'il valait mieux détester Marcus, plutôt que l'apprécier un peu trop...
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