Chapitre 23 - Viser juste

— Vous êtes déçue de rentrer chez vous ?

Danila se détourna de la fenêtre du carrosse pour regarder Duncan. Celui-ci l'observait avec une certaine inquiétude, que la louve s'empressa de dissiper.

— Oh... Eh bien... Non, pas du tout. Je suis juste un peu surprise de la tournure prise par les événements, mais... Je ne suis pas mécontente de revenir au palais.

Elle ne mentait qu'à moitié. Au tout début, l'idée d'un voyage avec les fils du Grand Alpha l'avait laissée sceptique. Elle s'était imaginée que les loups de l'Émeraude la considéreraient comme un fantôme ou une pestiférée, or cela n'avait pas été le cas. Les gens s'étaient réjouis de l'accueillir dans chaque village et elle avait reçu une quantité déraisonnable de bouquets de fleurs. Elle craignait toujours de commettre un faux pas lors des réceptions guindées, mais jusqu'ici, tout s'était à peu près bien déroulé. Son plus gros impair avait été de tacher sa robe avec de la crème au café. Lyssandra l'avait aidée à se nettoyer et cette petite maladresse était passée inaperçue.

Quant à la cohabitation avec Marcus, elle se révélait moins désastreuse que prévu. Pour le plus grand bonheur de Danila, ils n'étaient que rarement amenés à discuter tous les deux. Il n'osait guère se montrer trop désagréable, sans compter que des préoccupations autres que l'ancienne vampire devaient le tourmenter.

Hormis les accidents de transformation, tout se passait si bien que Danila aurait voulu voir cette tournée être menée à son terme. Désormais, depuis la veille, leurs véhicules cheminaient aussi vite que possible vers le sud de la région. Les routes de Danila et des enfants du Grand Alpha se sépareraient lorsqu'ils devraient aller vers la Terre du Diamant, tandis que l'alpha irait en direction de Montagne-Lunaire.

— Je suis surtout heureuse pour vous, déclara-t-elle à Duncan, avec un sourire sincère. Une fois que je serai au palais, vous pourrez rentrer chez vous et retrouver votre femme.

Elle s'attendit à voir sa mine s'éclaircir, or il conserva son air bourru et préoccupé.

— Je resterai quand même quelques jours avec vous. Je ne place toujours pas une confiance absolue en votre tante.

Danila pencha la tête, à la fois touchée et quelque peu exaspérée qu'il persiste à douter de Gladis.

— Elle a son caractère, mais je vous assure qu'elle n'est pas méchante. Vous pensiez qu'elle allait refuser de me laisser reprendre ma place d'alpha, mais elle a finalement accepté que j'aille à la rencontre de mon peuple.

— Parce qu'elle n'avait pas vraiment le choix. Si les fils du Grand Alpha n'avaient pas découvert la vérité, les choses auraient peut-être été bien différentes.

Ne sachant quoi en penser, elle ne répondit rien. Sous-entendait-il que Gladis l'aurait dissuadée de reprendre ses responsabilités ? Qu'elle lui aurait demandé de rester cachée pendant une durée indéterminée ? Danila aurait-elle fini par l'accepter ?

Elle ignorait quelles réponses donner à ces questions. Pour le moment, elle se satisfaisait de sa situation. Elle savait que recevoir l'attention de quelques loups de l'Émeraude ne suffisait pas pour asseoir sa position. Les personnes, riches comme pauvres, qui s'étaient déplacées pour la rencontrer ne reflétaient pas nécessairement l'opinion générale. Il lui restait encore un long chemin à faire avant de devenir une dirigeante aussi respectée que Gladis.

Et ce chemin commencerait dès qu'elle serait rentrée chez elle.

— Vous pensez que Manik du Rubis va rapidement être retrouvé ? demanda-t-elle afin de lancer un nouveau sujet.

Aussi, l'avis de Duncan sur la situation l'intéressait beaucoup. Elle avait été choquée d'apprendre que l'un des plus grands criminels de la Terre des Loups se baladait dans la nature. Elle se sentait peinée pour Julian, et plus particulièrement pour Marcus. L'évasion du meurtrier de sa mère devait le terrifier et le révolter. Si on ajoutait à cela ses problèmes de transformation, elle se demandait comment il faisait pour ne pas craquer.

Même s'il avait pu la blesser par le passé, elle ne lui en voudrait pas s'il se montrait d'humeur massacrante. Il avait toutes les raisons d'être hors de lui.

— Un avis de recherche a été lancé dans les six meutes. Il réussira peut-être à rester caché pendant un mois, mais pas plus.

S'il avait trouvé refuge sur l'ancienne Terre des Vampires, les choses seraient plus compliquées. Un tel désordre y régnait que personne ne se préoccuperait d'un vieux loup échappé d'une tour.

— Cela encouragera peut-être le Grand Alpha à intervenir pour aider les nouveaux Neutres à s'organiser, poursuivit Duncan. Apparemment, les émeutes sont de plus en plus fréquentes.

Danila y vit un signe qu'il avait reçu des nouvelles de la princesse.

— Est-ce que votre femme vous a répondu quelque chose à propos des transformations déréglées ? J'ai demandé à Alisée de se renseigner auprès du roi, mais je n'ai pas encore reçu sa réponse.

Elle lui avait aussi parlé de sa conversation avec Lyssandra et d'à quel point la jeune fille paraissait heureuse qu'elle aille bien.

— Isabella n'y trouve aucune explication rationnelle et ne croit pas avoir déjà entendu parler d'un tel phénomène. Son père trouve que c'est inquiétant, ce qui est plutôt mauvais signe.

Danila grimaça. Elle espérait que les deux jeunes loups allaient rapidement sortir de cette mauvaise passe. Cela l'amenait à relativiser ses propres problèmes, même si le vide qu'elle ressentait depuis la nuit de l'attaque ne s'était pas encore comblé.

— Elle n'est pas trop énervée que les fils du Grand Alpha vous aient percé à jour ? s'enquit-elle à mi-voix.

Elle avait confié à Duncan qu'ils savaient qu'il était un ancien garde de la princesse. Marcus le soupçonnait même d'avoir un lien avec tous les malheurs qui leur arrivaient.

— Non, ce n'est pas si dramatique. Le fait qu'un garde soit vu sans Isabella, à des centaines de lieues de l'endroit où elle se trouve, peut même jouer en sa faveur.

Danila s'en vit rassurée. Elle aurait été mortifiée si le mari de Son Altesse s'était attiré des ennuis par sa faute.

— En revanche, les soupçons qu'entretient le fils du Grand Alpha à mon égard pourraient compliquer la donne. S'il persiste à croire que je suis responsable de ses problèmes, il serait capable de me faire emprisonner. Heureusement, il ne nous reste plus que quelques jours à passer avec eux.

La louve comprenait qu'un ancien garde de la princesse puisse paraître suspect. Son apparition dans la vie de Marcus et de Julian coïncidait avec le début de leurs troubles. Il en allait de même pour la présence de Danila.

— Je ne le laisserai pas vous faire quoi que ce soit, lui promit-elle. De toute façon, maintenant qu'il sait que Manik du Rubis s'est évadé, je doute que nous soyons toujours ses principaux suspects.

Elle peinait encore à saisir pourquoi Marcus avait tant voulu rencontrer ce prisonnier. Lorsqu'il lui avait demandé les cartes indiquant les anciennes tours de la Terre de l'Émeraude, elle n'avait pas compris son but. Elle ignorait que sa région abritait un tel meurtrier.

Duncan affirmait que Marcus avait certainement voulu se venger. Cependant, Danila ne le pensait pas capable de tuer un homme de sang-froid, quand bien même celui-ci était responsable du meurtre de sa mère. Il ne semblait pas être le genre de personnes qui pouvaient commettre un crime.

Parce que tu t'en pensais capable, peut-être ? songea-t-elle avec un frisson.

Ne désirant pas se perdre dans ces pensées morbides, elle attrapa son livre et tâcha de se concentrer dessus.

L'héroïne venait de tromper son mari pour la troisième fois lorsque Duncan sursauta face à elle.

— Vous avez entendu ça ? l'interpella-t-il.

Elle releva le nez de son livre et tendit l'oreille. Hormis les sabots des chevaux et le grincement des roues du carrosse, rien ne lui parvint.

— On aurait dit un sifflement, précisa le loup.

Danila avait été trop choquée par la morale douteuse de son roman pour y prêter attention.

— Je ne sais pas, ce n'était peut-être que le cocher ou...

La fenêtre de leur carrosse se brisa et elle poussa un cri.

Du verre ricocha de tous les côtés, lui laissant à peine le temps de se protéger le visage. Lorsqu'elle osa écarter ses mains, elle vit une flèche plantée dans la portière, à quelques centimètres d'elle.

Une seconde plus tard, des exclamations commencèrent à s'élever depuis l'extérieur. Leur véhicule s'arrêta brutalement, si bien qu'elle manqua de tomber sur Duncan. Son premier réflexe fut de se pencher vers la fenêtre pour voir ce qui se passait, mais il l'en empêcha aussitôt.

— Cachez-vous, lui ordonna-t-il en la tirant entre les deux banquettes.

Sa voix pressante encouragea Danila à se laisser faire. Elle s'accroupit par terre, tout en sentant les battements de son coeur s'accélérer.

— Nous... Nous nous faisons attaquer ? bredouilla-t-elle.

De nouveaux cris et des hennissements de chevaux paniqués confirmèrent ses craintes. Le visage fermé, Duncan ne trahit aucun signe de panique. Il tendit la main vers l'une de ses bottes et en sortit une dague impressionnante. Danila frissonna rien qu'en voyant la lame étinceler.

— Ne bougez surtout pas, marmonna-t-il en se redressant vers la fenêtre brisée.

Il jeta un bref regard à l'extérieur et se baissa en toute hâte. La louve ignorait ce qu'il avait aperçu, mais il devint blanc comme neige.

— Bien, ne paniquons pas, grinça-t-il entre ses dents. Les gardes devraient finir par maîtriser les assaillants. Si ce n'est pas le cas, je me débrouillerai pour vous faire sortir d'ici.

Son faux calme échoua à duper Danila, qui commença à trembler.

— Il... Il y a des morts, c'est ça ? Des soldats, ou des chevaux, ou...

Même s'ils n'auraient pas dû être sa priorité, elle espérait qu'aucune flèche n'avait atteint les animaux.

Duncan ne répondit pas, ce qu'elle prit pour un assentiment. Son angoisse redoubla et elle se recroquevilla autant que possible contre la banquette. De terribles cris de souffrance la firent grelotter.

— Je vais aller me battre avec les gardes, lui annonça le loup. Restez ici, je...

— Non ! l'arrêta-t-elle en lui attrapant le bras. Vous... Vous n'êtes plus un vampire, vous ne pouvez pas prendre le risque d'être blessé.

— Je sais me défendre. Les gardes risquent d'avoir besoin de renfort, ils...

— Pensez à votre femme, insista-t-elle. Elle... Vous ne pouvez pas la laisser.

S'il arrivait malheur à Duncan, Isabella n'y survivrait pas. Elle viendrait d'abord tuer Danila pour avoir mis en danger son mari, puis se laisserait dépérir peu à peu.

Des pensées similaires durent cogiter dans l'esprit du loup, puisqu'il ferma les yeux et ne protesta plus.

Ils restèrent cachés pendant un temps infini. La louve eut l'impression d'être prisonnière d'un cauchemar qu'elle n'avait fait que trop de fois. Un cauchemar où elle se retrouvait de nouveau terrée dans un minuscule placard du palais, coincée entre Alisée et Kristal. Le chaos lui parvenait depuis l'extérieur, propageant des ondes de terreur dans tout son être. Elle réentendait presque le loup enragé gratter la porte de sa cachette et menacer de les engloutir, elle et ses amies.

Sauf que cette fois-ci, aucun animal ne l'attendait à l'extérieur. Il devait s'agir de brigands ordinaires. Ou alors, peut-être que Manik du Rubis avait réussi à lever une armée pour s'en prendre aux enfants du Grand Alpha. Peut-être aussi que Danila avait effectivement été empoisonnée, quatre ans plus tôt, et que cette personne venait finir le travail.

Peu importe ce dont il s'agissait, la louve voulait juste que tout s'arrête. Que les gardes réussissent à chasser leurs assaillants et qu'ils rentrent au village le plus proche pour soigner les blessés.

Hélas, ses prières ne furent pas entendues. Une nouvelle flèche passa à travers la fenêtre et cingla l'air au-dessus de sa tête.

— Il faut qu'on sorte d'ici, décréta Duncan.

Danila pivota la tête vers lui, ahurie. Elle ignorait seulement si ses jambes seraient capables de la porter.

— Toutes les flèches ont l'air de venir de ce côté-ci, fit-il en désignant la droite du véhicule. Nous allons sortir de l'autre côté et essayer de courir pour nous cacher dans la forêt.

— C'est trop dangereux. Nous risquons de nous faire surprendre et...

— Si nous restons ici et que nos adversaires viennent à bout des gardes, nous serons pris au piège.

Il tendit le cou vers la fenêtre sur leur gauche. Il marmonna des propos que Danila ne comprit pas, mais qui n'auguraient rien de bon.

— J'ai au moins deux assaillants en vue, expliqua-t-il plus distinctement. Si j'arrive à prendre une épée, je devrais pouvoir nous en débarrasser facilement. Ensuite, nous aurons juste à courir droit devant nous aussi vite que possible.

— Mais... Où allez-vous trouver une épée ?

Il croisa brièvement son regard, l'air désolé.

— Contentez-vous de me suivre, lui indiqua-t-il. Si je vous dis de partir, courez sans réfléchir.

Son ton ne laissait la place à aucune contestation. Danila trouva simplement la force d'arracher les deux flèches qui s'étaient plantées dans la portière. Elle ne pourrait probablement rien en faire, mais ce serait toujours mieux que d'être complètement désarmée.

— Prête ? lui demanda Duncan en posant la main sur la poignée.

Absolument pas. Malgré tout, elle hocha la tête et le loup fusa hors du véhicule.

À peine Danila fut-elle sortie qu'elle regretta immédiatement sa cachette. Partout où elle posait les yeux, elle ne voyait que du sang. Il se répandait dans la neige, près de corps inanimés étendus sur le sol. Uniquement des corps de soldats.

Elle vit Duncan bondir auprès de l'un d'eux. Elle crut qu'il allait essayer de voir si cette personne respirait, s'il y avait encore un infime espoir que ce garde soit toujours en vie. À la place, il s'empara de l'épée qui reposait dans sa main. Celle-ci ne lui opposa aucune résistance.

Dans sa torpeur, Danila vit un homme filer sur Duncan.

— Attention ! cria-t-elle.

Le loup se retourna au moment où l'homme levait son épée vers lui. Il para le coup sans difficulté et riposta aussitôt. Les lames s'entrechoquèrent avec violence, cliquetant à un rythme étourdissant. Tout allait si vite que Danila ne pouvait pas clairement distinguer l'assaillant. Il ne semblait pas très âgé et portait de vieux vêtements marron, à moitié couverts de neige.

Duncan réussit à lui porter un coup au poignet, qui obligea l'homme à lâcher son épée. Il tomba sur le sol en poussant un gémissement de douleur, la main pressée contre sa blessure. Danila craignit que Duncan décide de l'achever, or il se "contenta" de l'assommer avec le manche de son arme.

— Courrez ! lança-t-il avant même que la tête de leur ennemi ne touche le sol.

La louve resta une seconde immobile, avant de le suivre vers la forêt. Les sapins n'étaient qu'à quelques mètres d'eux, mais un autre homme leur barra la route. Duncan raffermit sa prise sur son épée et engagea le combat, imperturbable.

— Surveillez ceux qui pourraient arriver derrière ! fit-il entre deux assauts.

Danila obéit, ce qui lui donna l'occasion de se retourner vers les carrosses. Elle chercha du regard Lyssandra et les fils du Grand Alpha, mais elle n'aperçut que Marcus, occupé à batailler avec un agresseur. Des domestiques geignaient de peur quelques mètres plus loin, tandis que les chevaux se cabraient autant qu'ils le pouvaient. Elle ne vit qu'un seul soldat en train de se battre.

Tous les autres étaient à terre.

— Vite, dépêchons-nous, l'interpella Duncan en la tirant par le bras.

Il s'était déjà débarrassé de son deuxième opposant, qui se tordait de douleur.

— Il... Il faut qu'on aille aider les autres, l'arrêta-t-elle. Ils...

— Plus vite je vous aurai mise à l'abri, plus vite je pourrai m'en occuper.

Sa gravité l'incita à se laisser entraîner vers la forêt. Lorsqu'ils eurent atteint les arbres, son pied buta contre quelque chose et elle se rattrapa de justesse. Elle crut d'abord qu'il s'agissait d'une simple branche, mais en baissant les yeux, elle vit un autre corps ensanglanté. Heureusement, ce n'était pas celui d'un garde.

— A... Attendez ! balbutia-t-elle alors que Duncan l'encourageait à continuer.

Elle se pencha pour attraper un arc, que tenait encore l'homme à terre. Comme il ne devait pas être complètement mort, ses doigts blêmes s'y accrochèrent encore un peu. Danila grimaça, puis réussit à ôter l'arme de sa main.

— Désolée, s'excusa-t-elle sans pouvoir s'en empêcher.

Elle fila ensuite à la suite de Duncan, jusqu'à ce qu'il les estime suffisamment éloignés.

— Cachez-vous derrière ce buisson et restez ici, lui indiqua-t-il. Si vous savez vous en servir, utilisez l'arc en cas de problème. Sinon, défendez-vous avec ceci.

Il lui confia sa dague et repartit avant qu'elle ait pu protester. Sa cachette se situait légèrement en hauteur, lui offrant une bonne vue sur les carrosses immobilisés. Elle pouvait voir les domestiques filer de tous les côtés, tandis que Lyssandra et Julian tentaient de repousser leurs opposants. Le pauvre jeune loup paraissait bien peu à l'aise avec son épée, qu'il avait dû prendre à l'un des soldats. Sa petite amie affichait un peu plus d'assurance avec son poignard, même si elle le brandissait surtout pour dissuader les hommes de s'approcher.

Duncan ne tarda pas à venir à leur secours et détourna l'attention de leurs deux assaillants. Ses coups d'épée agiles impressionnèrent Danila, qui eut de nouveau la sensation d'être projetée dans le passé. Les combats ne se déroulaient pas aussi vite qu'avec des vampires, or ils n'en restaient pas moins violents. Le coeur de la louve s'arrêtait chaque fois que Duncan se retrouvait en difficulté, mais il réussissait toujours à reprendre le dessus.

Elle était si concentrée sur les exploits du mari de la princesse qu'elle ne s'inquiéta pas tout de suite pour Marcus. Et pourtant, lorsqu'elle posa les yeux sur lui, elle le trouva en bien mauvaise posture.

Deux hommes l'avaient pris pour cible. Ils ne lui laissaient aucun répit, alors qu'il bataillait sans relâche avec son épée. Il maniait celle-ci avec une dextérité qui laissait deviner de très longues années d'entraînement. Néanmoins, ses agresseurs n'avaient presque rien à lui envier. Ils se relayaient à un rythme si soutenu que Marcus allait forcément finir par craquer.

Ce fut ce qui arriva lorsque l'un d'eux le blessa au bras. Danila tressaillit en entendant le loup crier. Il relâcha la prise sur son épée et un homme en profita pour envoyer un coup dedans. L'arme atterrit sur le sol.

Marcus se ressaisit aussitôt et dégaina un poignard. Face aux deux épées, il semblait aussi insignifiant qu'une allumette.

La louve baissa les yeux sur son arc et réalisa qu'elle pouvait l'aider. Il s'agissait de la seule arme qu'elle savait un tant soit peu manier. Son dernier tir remontait à des mois. Elle avait eu l'occasion de s'exercer lors de jeux organisés dans les jardins du roi, puis en essayant d'initier Alisée.

Si elle parvenait à atteindre l'un des opposants de Marcus, il lui serait plus facile de gagner le combat.

Seulement, elle n'avait pu récupérer que deux flèches. Elle n'aurait que deux essais et resterait sans défense si quelqu'un venait l'attaquer. Elle ne saurait aucunement se servir de la dague laissée par Duncan.

De plus, elle ne voulait pas se rendre responsable d'une nouvelle mort. Elle aurait voulu rester éloignée de toute arme jusqu'à la fin de sa vie, cependant... Si tu ne fais rien, c'est peut-être Marcus qui va mourir.

Sans plus réfléchir, elle positionna son arc devant elle et ajusta une première flèche. Son corps tout entier tremblait tellement qu'elle crut ne jamais pouvoir se calmer. Au terme de plusieurs inspirations, elle réussit à placer l'un des hommes dans sa ligne de mire. Elle visa son dos, là où il serait sérieusement blessé, mais pas condamné. Avec un peu de chance, elle n'alourdirait pas sa charge de criminelle.

Elle laissa sa flèche partir et... Celle-ci atterrit à côté des bottes de l'homme.

Heureusement, aucun des loups ne s'en rendit compte. Chacun était bien trop concentré sur le combat, que Marcus menaçait de perdre à tout instant.

Danila jeta un coup d'oeil à Duncan, dans l'espoir qu'il puisse bientôt aider le loup. Il semblait toutefois bien trop occupé à défendre Julian et Lyssandra. Et visiblement, il ne restait plus aucun garde pour leur porter secours.

La louve n'avait pas le choix. Si elle voulait se rendre utile, elle devait tirer sa dernière flèche, sans se rater. Et sans éborgner Marcus, accessoirement.

Elle prit quelques secondes pour se calmer et tenter de faire le vide dans son esprit. Autrefois, quand elle échouait à atteindre sa cible, c'était toujours Jae-Sun qui l'encourageait à persévérer. Il croyait en elle à chaque fois et refusait qu'elle abandonne. Recommence, lui répétait-il inlassablement.

Poussée par le souvenir de sa voix, elle redressa les épaules et ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle vit le futur alpha complètement désarmé. Elle ajusta son ultime flèche et retint son souffle.

La vie de Marcus reposait entre ses mains.

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