Chapitre 21 - La tour
« Cher Marcus, cher Julian,
Votre mère et moi avons été très choqués d'apprendre ce qui vous est arrivé. Nous espérons que tout va bien pour vous et qu'aucun autre incident ne s'est produit. Toutefois, vous n'êtes apparemment pas les seuls à connaître une période trouble.
Plusieurs cas d'étranges maladies ont été recensés dans différents villages de la Terre de l'Ambre et de la Terre du Rubis. Les loups présentent des symptômes impliquant notamment une forte toux, des hallucinations, ainsi que des cloques et brûlures apparaissant sur tout le corps. Des incendies se sont aussi déclarés à divers endroits de la Terre des Loups, sans qu'aucune explication n'ait été trouvée.
Jusqu'ici, aucun problème de transformation n'est remonté à nos oreilles, mais il se peut que des loups aient peur de parler. Je ne vois pas pourquoi vous seriez les seuls à être touchés. Vous n'êtes qu'au début de votre tournée, mais si vous rencontrez de nouveaux problèmes, je vous invite à rentrer au plus vite. Des médecins vous examineront et nous essayerons de comprendre d'où vient le problème.
Ne vous affolez pas (Marcus, je m'adresse tout particulièrement à toi) ce n'est pas forcément dramatique. Nous allons faire toutes les recherches possibles de notre côté pour découvrir si vous êtes réellement des cas uniques. Nous vous tiendrons au courant.
Faites attention à vous et ne vous inquiétez pas plus que de raison. Fort heureusement, tout le reste de notre famille se porte à merveille. Passez le bonjour à Lyssandra, ainsi qu'à mademoiselle de l'Émeraude, j'espère qu'elles vont bien et profitent de leur séjour.
Vous nous manquez,
— Papa »
Voilà la lettre que Marcus et Julian avaient reçue quelques heures plus tôt. Les messagers s'étaient relayés sans relâche pour que cette missive leur arrive aussi vite que possible.
— Je ne comprends toujours pas pourquoi nous ne sommes pas sur le chemin du retour, maugréa Julian en regardant par la fenêtre du carrosse. Papa nous a dit de revenir s'il y avait un nouveau problème, tu n'en fais toujours qu'à ta tête...
— Il ne nous a pas formellement demandé de tout arrêter, se défendit Marcus. Il faut au moins que nous rendions visite à quelques villages au nord de la région, sinon ils se sentiront délaissés.
Son frère leva les yeux au ciel.
— Dois-je te rappeler combien de temps tu es resté un loup, l'autre jour ? Trois heures. Si papa et maman le savaient, ils voudraient que nous revenions dès maintenant. Je vais finir par le leur dire, si tu t'obstines à leur faire des secrets et...
— Tu ne leur diras rien du tout, le coupa Marcus en plantant son regard dans le sien. Nous ne mènerons pas la tournée à son terme, mais nous ne rentrerons pas immédiatement pour autant.
Il fallait d'abord qu'il inspecte les trois dernières tours de la Terre de l'Émeraude. Ils se rendaient justement près de l'une d'elles, dans un village de montagne coupé du monde. S'ils arrivaient avant la tombée de la nuit, Marcus prendrait le temps d'aller la visiter, à cheval ou à pied. Les pauvres chevaux attelés à leur carrosse peinaient à monter les côtes sinueuses et les roues du véhicule glissaient parfois sur des plaques de givre. Leurs visites auprès des habitants ne pourraient avoir lieu que le lendemain.
Dès qu'il aurait tué Manik, ils rentreraient. Il était conscient de prendre des risques en retardant leur retour, mais pour le moment, son cas semblait plus grave que celui de Julian. Si son frère commençait à se transformer sans raison, exactement comme lui, ils rentreraient sur-le-champ. Ou alors, peut-être qu'il pourrait se débrouiller pour renvoyer Lyssandra et Julian au palais, puis qu'il poursuivrait seul.
Connaissant son frère, il y avait peu de chances pour qu'il accepte...
— Le jour où tu te transformeras en loup devant tout le monde, on en reparlera, rétorqua-t-il.
Marcus choisit de ne pas poursuivre le débat. Il devait avouer que sa dernière mutation avait de quoi inquiéter. Il avait passé presque trois heures dans les bois, en compagnie de Danila et de Duncan. Bien qu'ayant failli finir gelée, la louve de l'Émeraude avait tenu à ne pas l'abandonner. Duncan avait essayé de la raisonner pour la mettre à l'abri, mais elle s'était refusée à le laisser seul. Même Marcus, avec de longs soupirs et des signes de tête, lui avait fait comprendre qu'il pouvait se débrouiller. Chose qui était totalement fausse...
Seul dans cette forêt, entouré par la nuit noire, il aurait sûrement cédé à la panique. Comment faire autrement alors que le retour à la normale tant espéré ne se produisait pas ? Lorsque sa forme animale avait enfin disparue, un vif soulagement s'était emparé de lui. Il s'était empressé d'enfiler sa cape et tous avaient pu rejoindre les autres. Ils avaient dû prétexter s'être perdus lors d'une balade nocturne, afin de ne pas éveiller les soupçons des gardes. Ces derniers étaient déjà sur le point de se lancer à leur recherche, malgré les tentatives de Julian pour les rassurer.
Désormais, plus personne ne pouvait invoquer une transformation accidentelle. Marcus souffrait bel et bien d'un problème, qui menaçait d'être révélé au grand jour à n'importe quel moment. Il pouvait tout à fait se transformer dans ce carrosse, sans que Lyssandra et Julian ne puissent justifier la présence d'un loup auprès des soldats. Et encore, ce ne serait pas le pire. Ils pourraient toujours acheter le silence de leurs employés, ou invoquer leur accord de confidentialité.
Néanmoins, s'il se transformait en public... Il préférait ne même pas y penser. Tout le monde prendrait peur. Bon nombre de loups iraient crier qu'ils refusaient de se laisser gouverner par quelqu'un présentant une telle anormalité. Cette mise à l'écart le rendrait fou, il finirait par se laisser consumer par ses pulsions et...
— Arrête de penser.
Marcus tourna la tête vers son frère, qui le considérait d'un air sévère.
— J'arrive presque à entendre le chaos que tu es en train d'imaginer. Papa t'a dit de ne pas t'affoler. Quel que soit le problème, nous trouverons une solution une fois rentrés à la maison.
Où se situait la frontière entre l'optimisme et la naïveté ? Lorsqu'il s'agissait de Julian, Marcus n'en était jamais certain.
— Comment veux-tu rester calme dans notre situation ? Et puis quelles sont ces histoires d'incendies et de maladies suspectes ?
En toute logique, cela avait un lien avec la fin du vampirisme. Ce bouleversement devait avoir fait vaciller l'équilibre de leur monde. D'une manière ou d'une autre, chacun allait en être affecté. Marcus se tenait informé autant que possible de la situation sur l'ancienne Terre des Vampires, qui n'était pas brillante. Des communautés essayaient d'instaurer un nouvel encadrement hiérarchique, mais sans réel meneur, le loup ne voyait pas comment ce serait possible.
Les nouveaux Neutres finiraient irrémédiablement par s'en prendre aux lycanthropes, si ce n'était pas déjà le cas.
— Toutes les époques ont connu leurs fléaux, avança Julian. Il y a régulièrement des épidémies.
Plus de vingt ans auparavant, l'ancien Grand Alpha en avait d'ailleurs fait les frais. Pour une fois, la Lune avait bien agi, en s'en prenant à lui.
— Si nous finissons par découvrir que cette épidémie provoque des dérèglements de transformations, alors nous sommes déjà fichus, grommela Marcus.
Il ne se considérerait pas comme une très grande perte, mais pour ce qui était de son frère et de sa famille... Si quelque chose leur arrivait, il ne s'en relèverait pas. Pas cette fois-ci.
Le trajet s'acheva dans une ambiance morose. Lorsque les loups sortirent de leur véhicule, ils découvrirent une auberge construite à flanc de montagne, au milieu de la nature. Des sommets enneigés, recouverts de mille sapins, s'élevaient tout autour d'eux. Ils pouvaient y distinguer des villages, qui paraissaient infiniment lointains, mais qui ne devaient être qu'à quelques minutes à vol d'oiseau. Tout ce mélange de vert, de blanc et de gris, couplé au rare bleu du ciel, impressionna les voyageurs.
Même Marcus, volontiers blasé par beaucoup de choses, dut admettre que ces montagnes étaient exceptionnelles.
— Ça commence à ressembler à chez moi, entendit-il Duncan dire à Danila, en descendant de leur calèche.
— Si c'est encore plus beau qu'ici, j'ai hâte que nous arrivions dans le vrai nord, répondit la louve, émerveillée.
Tandis qu'elle souriait en admirant le paysage, Marcus ne put s'empêcher de la regarder. Ses cheveux châtains, balayés par le vent d'altitude, révélaient des reflets plus clairs sous la lumière du soleil. Le froid rougissait ses pommettes, contrastant avec le reste de son visage, qui ressemblait à celui d'une poupée.
De la plus jolie des poupées.
Arrête immédiatement, se réprimanda-t-il dès que cette pensée eut traversé son esprit. Ce n'était pas parce qu'il l'avait toujours trouvée très belle, ni parce qu'elle avait marqué son enfance, ou que son obstination à l'aider le touchait, qu'il devait se laisser distraire.
Il installa ses affaires dans sa chambre et dès que ce fut fait, il rassembla quelques armes sous son manteau.
— Je vais aller m'entraîner dehors, prévint-il son frère. Je ne sais pas si je serais rentré pour le dîner, vous n'aurez qu'à manger sans moi.
Il fila avant que Julian ne lui pose des questions. Un garde chercha à l'accompagner, mais il assura qu'il ne partait pas loin. L'homme insista, avant de céder face aux ordres de Marcus. Il n'aimait pas se montrer trop sévère avec ceux qui ne faisaient que leur travail, or personne ne devait l'accompagner.
Une tour l'attendait et il comptait bien aller l'explorer. Seul.
S'y rendre sous sa forme ordinaire avait un avantage : il pouvait utiliser une carte et une boussole. Certes, il serait bien plus fatigué et moins rapide qu'en loup, mais il aurait risqué de se perdre. Les différents chemins à emprunter serpentaient tellement qu'il aurait été impossible de s'y retrouver sans indications.
Armé de ses bottes, d'une cape et d'une écharpe épaisses, il piétina dans la neige sans relâche. Les cristaux blancs crissaient sous ses pieds, produisant un son assez apaisant. Contrairement à son frère, le froid et la neige ne l'avaient jamais dérangé. Ils s'accordaient généralement à son humeur, sans l'inciter à avoir l'air heureux alors qu'il ne l'était pas.
Les sentiers se ressemblant tous, perdus au milieu des sapins, il dut sortir sa carte plusieurs fois. De temps en temps, des craquements étranges parvenaient à ses oreilles, mais il ne croisa aucun autre promeneur. Il était la seule personne assez folle pour s'aventurer si loin dans la forêt, surtout avec toute cette neige. Même les animaux se faisaient discrets. Il aperçut un écureuil grimper à un arbre, entendit des corbeaux croasser... Hormis cela, il avait l'impression d'être seul au monde.
Il ignorait si ce silence contribuait à amplifier la tension qui montait en lui. Il lui tardait d'arriver au pied de la tour et en même temps, il craignait de devoir faire face à une nouvelle déception. Si cette exploration se révélait être un échec, il ne lui resterait que deux chances de trouver Manik. Il ne pouvait écarter la possibilité que sa prison ne figure pas sur les anciennes cartes de l'alpha de l'Émeraude. Peut-être même qu'il ne vivait plus dans une tour et avait été déplacé dans une autre geôle. Marcus n'aurait alors quasiment aucun moyen pour le débusquer.
À ce stade, il ne voulait même plus se faire de faux espoirs en imaginant ce qu'il ferait si Manik était bel et bien là où il se rendait.
Ainsi ne fut-il qu'à moitié satisfait lorsque la tour grise apparut enfin devant lui. À l'inverse de la précédente, celle-ci avait au moins le mérite d'être sur pied et en bon état. En très bon état même, pour une construction aussi ancienne que celle-ci.
Comme la tour où avait été retenue sa mère, elle avait été érigée au centre d'un lac. En s'approchant, il vit que la surface semblait complètement gelée. Aucun garde ne rôdait aux alentours, ce qui était plutôt mauvais signe. Si Manik s'était vraiment trouvé ici, ses geôliers auraient déjà dû le repérer.
Cependant, dès qu'il leva les yeux vers le sommet de la tour, un étrange sentiment s'empara de lui. Tout était encore plus silencieux qu'au coeur de la forêt. Cela lui donna l'impression d'avoir été projeté dans un royaume de pierre et de glace.
Royaume qui lui correspondait bien, mais qui aurait aussi pu convenir à un monstre tel que Manik.
Bien décidé à en avoir le coeur net, il attrapa un bâton et tapa la surface du lac. Il savait qu'il fallait toujours faire attention avant de marcher sur de la glace, or celle-ci semblait particulièrement épaisse. Il s'y aventura avec précaution, avec l'assurance d'un faon boiteux. Il manqua de glisser au moins cinq fois et se rattrapa de justesse, grâce à son bâton. Heureusement que personne ne le regardait, sinon il aurait refusé de paraître en société pendant au moins dix ans.
Il réussit finalement à atteindre l'entrée de la tour et s'empressa de sauter sur le perron. Il frappa trois grands coups de heurtoir contre la porte en bois, dans l'espoir qu'un soldat vienne lui ouvrir. Il patienta quelques minutes, pendant lesquelles il prit le temps d'étudier le battant. Des armatures en métal venaient renforcer celui-ci et le bois ne paraissait pas si ancien. Cela lui redonna espoir et mit ses sens en alerte.
Si quelqu'un avait jugé utile de faire changer une telle porte, au lieu de laisser la tour à l'abandon, cela ne pouvait qu'être bon signe. Un garde allait forcément chercher à savoir qui était ce mystérieux visiteur.
À son grand désarroi, il n'en fut rien. Il réessaya de frapper et attendit encore, mais personne ne vint. Il lâcha une flopée de jurons en envoyant son poing contre la porte. Tu n'auras jamais ta vengeance, rumina-t-il. Ce sera ta condamnation pour avoir tué ce vampire.
Dans un élan de désespoir, il tenta de tourner la poignée de la porte. Elle s'ouvrit sans résister.
Il en resta un instant stupéfait, puis se décida à entrer. Une telle facilité d'accès compromettait totalement la possibilité qu'il s'agisse d'une prison, mais il voulait quand même s'en assurer.
Dès qu'il s'avança dans la minuscule entrée, une vive odeur frappa ses narines. Il toussota et se couvrit le nez avec son écharpe, légèrement parfumée au pin. Cela ne suffit pas à outrepasser les senteurs pestilentielles, qui étaient sûrement les pires qu'il avait jamais senties. Il voulait bien croire que vivre dans un palais l'avait habitué à un certain luxe, toutefois... Même les viscères d'un sanglier, mélangées à du crottin de cheval, ne devaient pas sentir pire que cela.
Il hésita à repartir, mais décida malgré tout de s'approcher de l'escalier en pierre, qui se trouvait juste face à lui. Il commença l'ascension des nombreuses marches en restant quasiment en apnée. Ce serait une bonne occasion de voir si les allers-retours qu'il effectuait dans les escaliers du château, afin de s'entraîner, servaient à quelque chose.
Il s'arrêta devant une première porte, située à seulement une trentaine de marches de l'entrée. En l'ouvrant, il constata qu'il s'agissait d'une sorte de chambre, avec un minuscule lit et une fenêtre carrée. Les draps défaits, relativement propres, attirèrent son attention. Il fit un pas dans la pièce et remarqua la présence de petites bouteilles en verre. Il crut d'abord qu'elles contenaient du vin, mais en y regardant de plus près, découvrit du sang. Sa consistance douteuse laissait supposer qu'il datait d'un bon moment. Des vampires utilisaient-ils autrefois cette tour comme abri ? Il jeta un coup d'oeil à un petit placard mural entrouvert, qu'il trouva vide.
Ne voyant rien de très intéressant, Marcus regagna les escaliers pour continuer son ascension. L'odeur se faisait un peu plus ténue à chaque marche qu'il gravissait. Une deuxième porte, cette fois-ci ouverte, ne tarda pas à apparaître. L'intérieur ressemblait presque en tous points à la chambre précédente, à une exception près.
Un corps se trouvait dans le lit.
Un cadavre, plus précisément.
Une énorme tâche de sang séché recouvrait sa chemise, trouée au niveau de son thorax. Bien qu'ayant déjà vu deux personnes mortes au cours de sa vie, Marcus demeura figé. Ce tableau de sang et de peau grisâtre lui déclencha de légers tremblements, faisant écho à des souvenirs qu'il aurait préféré garder enterrés.
Il finit par réussir à s'en détourner et son premier réflexe fut de redescendre les escaliers. De s'enfuir loin de cette scène macabre.
Cependant, quelque chose le poussa à continuer de monter. Après avoir trouvé cet homme mort, il s'attendait au pire.
Et le pire apparut sous la forme d'un nouveau cadavre, étendu au milieu des marches. Cette fois-ci, ce qui le glaça fut l'uniforme porté par la jeune femme. Un uniforme rouge, caractéristique des soldats des alphas.
Le corps offrait un spectacle tout aussi sanglant que le premier. Le loup n'eut pas le coeur à l'examiner de trop près, mais la mort de la soldate ne devait pas dater de la veille. Il ne faisait désormais plus aucun doute quant à la provenance de l'odeur qui menaçait de le faire tomber dans les pommes.
Une incertitude encore plus terrible le rongeait : et si cette tour avait bel et bien été la prison de Manik ?
Et s'il avait trouvé un moyen de tuer les soldats qui se relayaient pour le surveiller ? Et s'il se baladait dans la nature ? Et si... Non. Si un malheur était arrivé, ses parents en auraient été informés. Les gardes envoyaient des nouvelles régulièrement pour éviter ce genre de situation. Si Eleanor n'avait reçu aucun courrier depuis un ou deux mois, elle aurait dépêché une équipe pour voir ce qu'il en était.
Il n'existait toutefois qu'un seul moyen de s'en assurer : monter jusqu'en haut.
Marcus contourna le cadavre en prenant soin de ne pas le toucher. Il ne lui restait plus beaucoup de marches à gravir, mais il évolua d'un pas lent. Arrivé au sommet, il se retrouva face à une porte métallique, légèrement entrouverte. Avant de la pousser, il tendit l'oreille afin d'entendre si quelqu'un l'attendait à l'intérieur. Aucun son ne lui parvint, ce qui ne l'empêcha pas de sortir un poignard de sa cape.
Du bout du pied, il envoya un léger coup dans la porte, qui s'entrebâilla un peu plus. Un rai de lumière s'en échappa, l'encourageant à s'approcher pour l'ouvrir en grand.
Lorsqu'il mesura à quel point le battant était lourd, puis qu'il aperçut les multiples serrures et loquets, il comprit qu'il s'agissait sans conteste d'une geôle.
Une fenêtre éclairait un lit, ainsi qu'une table sommaire et une chaise en paille. Une étagère abritait quelques livres poussiéreux et un escalier laissait deviner un accès à une salle d'eau.
Ce minimalisme rendait encore plus aveuglants les deux autres corps étendus par terre. Le sang de Marcus se glaça davantage, tandis qu'il marchait vers eux. L'un des soldats reposait sur le ventre, ayant vraisemblablement été poignardé dans le dos. L'autre avait été égorgé.
Les mains tremblantes, le loup se mit en quête du moindre indice qui le détromperait. De quoi que ce soit qui viendrait lui prouver que Manik du Rubis n'était pas responsable de ce carnage. Il renversa les livres, ouvrit les rares tiroirs en bois, trouva des carnets noircis d'encre... Ce qu'il y lut acheva de le faire frissonner.
« Je la tuerai. Je la tuerai. Je la tuerai. Je la tuerai. Je la tuerai. »
Cette phrase se répétait sur des dizaines de pages. Elle ne connaissait qu'une seule variante.
« Je les tuerai tous. »
La plume avait été appuyée si fort sur le papier qu'il était déchiré à plusieurs endroits. Jamais Marcus n'avait vu une écriture si serrée, si bestiale. Rien qu'en la regardant, il percevait la haine de celui qui l'avait gravée.
C'est impossible, tenta-t-il de se répéter. Ça ne peut pas être arrivé.
Manik ne pouvait pas s'être échappé.
Et justement, au moment où il reposa le carnet, il entendit des pas dans les escaliers. Ses cheveux se hérissèrent sur sa nuque et il dégaina une deuxième arme.
Il n'était pas seul dans cette tour.
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