Prologue - Adaline

Il y a 13 ans...

Adaline, 8 ans

Je cours en riant autour du château gonflable, mon bandeau rouge me tombant sur les yeux. C'est la seule attraction que maman nous a autorisée, et même si j'étais triste de ne pas avoir le droit de faire les montagnes russes, Sohen m'a convaincu que c'était bien plus drôle de jouer aux pirates ! Il a raison, je préfère de loin qu'il essaie de m'attraper !

— Clochette arrête de courir ! Je veux te parler ! crie-t-il dans mon dos.

Je secoue la tête en riant de plus belle. Peter Pan n'est qu'un menteur ! La dernière fois, il m'a promis un bonbon simplement pour que je m'arrête de courir, et j'ai perdu parce qu'il m'a rattrapé ! Je ne veux pas que ça soit à nouveau le cas.

Je zigzague entre les autres enfants en faisant attention à ne pas les bousculer alors que maman nous surveille du banc sur le côté. J'essaie de courir un peu plus vite pour ne pas que Peter Pan me rattrape. Mais je suis obligée de m'arrêter lorsque je termine mon tour de château et que je tombe nez à nez avec lui, debout et l'air vexé.

— Tu ne veux plus jouer ? demandé-je. On avait dit que Peter Pan devait attraper Clochette... 

Sohen secoue la tête.

— Je t'ai dit que je devais te parler de quelque chose, mais tu n'arrêtes pas de courir...

Je fronce les sourcils, surprise qu'il ne cherche pas à tricher, et Sohen attrape ma main pour me tirer jusqu'à l'intérieur du château gonflable. Je le suis en jetant un regard à maman qui me sourit comme toujours. Si elle est d'accord pour qu'on aille dans le château, alors je peux suivre Sohen. Nous nous asseyons près du bord, et Sohen continue de me fixer sans rien dire.

— Qu'est-ce qu'il y a ? l'interrogé-je en remettant mon gilet en laine.

Sohen tourne la tête vers maman, et celle-ci lève les pouces en l'air pour l'encourager à faire quelque chose que je ne comprends pas.

— En fait, je voulais savoir si tu accepterais d'être mon amoureuse...finit-il par me questionner.

Sohen fixe les cailloux alors que je le regarde en me retenant de sauter partout. Je suis presque sûre que la poussière de fée a atteint mes yeux pour les faire briller. Je souris de toutes mes dents, même s'il m'en manque une, et je hoche la tête, ce qui fait sourire Sohen autant que moi.

— Ça veut dire oui ? Tu es d'accord ?

Je m'apprête à répondre au moment où une fille saute près de nous, me faisant tomber à la renverse du château gonflable pour atterrir dans les graviers, la tête la première. Je crache la poussière qui a atterri dans ma bouche puis je me relève en colère. Ma tête me pique, mon pantalon blanc est tout sale, et je n'ai même pas pu dire oui à Sohen ! Maman court vers moi avant que je n'ai pu aller disputer l'autre fille, et je fronce les sourcils en la voyant inquiète.

— Mon dieu, Adaline !

Elle passe un mouchoir sur ma tête et je grimace en reculant. J'observe le papier devenu rouge dans sa main, les yeux écarquillés en comprenant que je me suis fait mal. Ma tête me pique de plus en plus et mes yeux deviennent tout flous. Une autre adulte vient vers nous, la maman de la fille qui m'a fait tomber, mais je continue de pleurer alors que Sohen vient prendre ma main.

— Pleure pas ! Ta maman dit qu'on va aller aux urgences pour te faire recoudre, ça va pas faire mal... Tu verras, ça te fera une cicatrice comme les grands !

Je hoche la tête, la lèvre tremblante et le visage sûrement déjà tout rouge. Je sais qu'il dit ça pour ne pas me faire peur, les cicatrices ne sont pas belles, et j'ai trop mal pour que ça s'arrête ! Maman m'aide à me relever, l'air tendue, et Sohen prend notre sac pour aller jusqu'à la voiture. Il s'installe à côté de moi à l'arrière, et je me tourne vers lui en tenant un mouchoir contre ma tête une fois attachée. Il est inquiet, son attention fixée sur moi, et j'essaie de sourire alors que ma blessure continue de me faire mal.

— Je veux bien être ton amoureuse.

— Et un jour, je t'épouserai.

— Et je dirais oui ! dis-je avec sincerité.

Sohen me sourit en retour, et même si je continue de pleurer, l'avoir avec moi me rassure. Le vrai remède à tous les bobos, c'est d'avoir les bonnes personnes avec soi... Maman me l'a toujours dit. Elle dit aussi qu'il faut toujours avoir un meilleur ami pour nous soutenir, un peu comme Clochette et Peter Pan. Je crois que j'ai trouvé mon Peter Pan.

***

Il y a 11 ans...

Adaline, 10 ans

— Maman ! Il est où le gros ruban ?

Je cours dans les escaliers avant de tomber sur mon père, l'air sévère avec ses lunettes sur le nez. Il ne semble pas content de me trouver ici, et je sais déjà que je vais me faire disputer.

— Adaline... commence-t-il.

— Je sais ! Je ne dois pas courir dans les escaliers ! Mais la mère de Sohen dit qu'il manque le ruban sur notre cadeau ! On va bientôt offrir les cadeaux et...

— Il est dans la cuisine, nous interrompt ma mère.

Je souris avant de courir le chercher, et je lâche un petit cri de victoire en trouvant le joli ruban rouge que je voulais. Je sors par la porte de derrière pour rejoindre le jardin de mes voisins puis m'approche discrètement de Miranda pour le lui tendre. Elle l'attrape en me souriant et vient m'embrasser la tête, avant de s'éloigner pour finir d'emballer le cadeau. Sohen joue aux billes avec Jay, un garçon de l'école que je n'aime pas. mais Sohen est copain avec... Alors je suis d'accord pour le supporter.

— Tu veux jouer ? me propose-t-il.

Je m'approche des garçons en souriant, pressée du moment où mon ami découvrira la jolie montre que je suis allée choisir avec Miranda. Elle devrait apporter le cadeau d'une minute à l'autre, et j'ai tellement hâte qu'il découvre sa surprise ! Je suis sûre qu'il va l'aimer !

— Ta maman a dit qu'on allait ouvrir les cadeaux. Vous venez ?

Ils se lèvent après avoir rangé les billes que Jay lui a offertes, et je les suis jusqu'à la vieille table en plastique que j'ai décorée dans le thème des pirates avec ses parents.

Sohen s'assied à côté de moi, Jay à mon opposé, et je souris de toutes mes dents quand le gâteau en forme d'épée arrive sur la terrasse et que sa maman commence à chanter "joyeux anniversaire". Son père nous rejoint, quelques cadeaux dans les mains qu'il vient déposer sur la table, et mon ami trépigne d'impatience sur son siège avant de souffler ses bougies sous la caméra de sa mère et les applaudissements de Jay.

Miranda me donne ensuite le plus petit cadeau, et je le tends à Sohen alors qu'il me sourit d'une façon qui me rend un peu plus amoureuse de lui. On devrait tous avoir un meilleur ami  pour amoureux. 

— Je peux ouvrir ?

— Evidemment ! affirmé-je.

Il ne se fait pas prier pour déchirer l'emballage, et je souris quand il attrape la montre entre ses doigts.

— C'est une montre de pirate ?! Avec mon nom ?! remarque-t-il, les yeux écarquillés.

Je hoche la tête et il me saute dans les bras, manquant de me faire tomber. Il est déjà beaucoup plus grand que moi. Il s'empresse ensuite d'aller embrasser ses parents, l'air vraiment heureux de son cadeau. J'avoue que je suis un peu jalouse...  J'aurai bien voulu avoir la même... Mais je suis bien trop contente de le voir aussi heureux. Il revient ensuite vers moi avant de me déposer un bisou sur la joue.

— Je suis content que tu sois là, Clochette, déclare-t-il.

— On ne rate pas l'anniversaire de son amoureux. Tu as fait un vœu ?

— Je ne peux pas te le dire, ça porte malheur !

Je lève les yeux au ciel. Ce genre de bêtise, c'est bon pour les bébés !

— On peut tout dire à sa meilleure amie, tenté-je.

Sohen cède vite, comme toujours quand je lui demande quelque chose, et il s'approche de moi pour chuchoter à mon oreille.

— J'ai fait le vœu qu'on ne soit jamais séparés.

Je lui souris, mon cœur battant très fort dans ma poitrine. J'ai entendu des adultes dire que l'amour n'était que pour les grands... Je pense qu'ils se trompent, parce que je sais que j'aime Sohen de tout mon cœur et qu'on ne sera jamais séparés. Aucun vœu n'a besoin d'être fait pour ça. Mais Peter Pan avait raison... Il ne faut jamais dévoiler son vœu.

***

Il y a 10 ans...

Adaline, 11 ans

Je compte mes respirations, les genoux recroquevillés contre ma poitrine. Je ne dois faire aucun bruit, elle ne doit surtout pas me trouver. C'est elle, le monstre qui rôde sur le pays imaginaire... Et les monstres ne doivent pas approcher les enfants perdus. Je regarde à travers la porte entrouverte du cagibi pour la voir en train de courir dans ma chambre, et je plaque brusquement ma main contre ma bouche lorsqu'elle se tourne dans ma direction. Je ne crois pas qu'elle m'ait vue !

— Adaline, bouge-toi ! On a eu la permission de partir, je réunis les derniers bagages et on y va !

Une larme roule sur ma joue alors que je secoue vivement la tête, même si elle ne peut pas me voir. Je ne veux pas partir ! Pourquoi est-ce qu'elle veut m'obliger à abandonner Peter Pan ? Elle ne peut pas me forcer à quitter le pays imaginaire ! C'est la règle ! Si mes parents ne viennent pas me chercher après sept jours, alors je peux rester avec les enfants perdus ! Et papa et maman ne veulent plus de moi ! Ils m'ont abandonné, ils m'ont laissé avec ce monstre qui ne m'aime pas... Mais eux non plus ne m'aimaient pas... Sinon ils ne m'auraient pas abandonné, n'est-ce pas ? 

— Adaline Forbs, si tu ne sors pas tout de suite, soit sûre que tu ne reviendras jamais ici ! Est-ce que je suis bien claire ?! continue-t-elle de crier dans ma chambre.

Je respire encore un peu plus vite, la panique oppressant mes poumons depuis déjà des semaines, et je tente d'observer ma chambre de ma cachette. Tout est en bazar... Maman détestait ça. Mes doudous sont sur le lit, mes vêtements en boule dans un sac, et toutes mes partitions de pianos se sont envolées dans la pièce... Elles se sont envolées, exactement comme mes parents, comme mon espoir de les revoir un jour, et d'être  libérée de l'emprise du monstre.

Ils sont partis, me laissant seule face au Capitaine Crochet, et cette fois-ci, Peter Pan ne sera pas là pour me sauver...

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