Mon âme


Être moi est une sensation étrange. Je ne sais pas ce qu'est être autre, je sais qu'être moi est étrange. Comme être sur un bateau en permanence. Un bateau ivre que Rimbaud conduit.

Mes yeux voient l'horizon, endroit où la terre et le ciel semble se rejoindre, endroit où ne reste qu'une ligne de leur rencontre, une ligne blanche et complètement abstraite. Mes mains se tendent, paraissant grandes et allongés, le muscle d'un nerf ressortant sous ma peau et se mêlant à un réseau de veines bleues et violettes. Elles se tendent vers la brume, descendent et glissent lentement. Elles tournoient, cherchent à étendre l'infini et veulent attraper une part du brouillard. Je sens quelques fines gouttelettes tomber sur le dos de ma main. Ma peau est chaude et l'eau est froide. Mes doigts disparaissent derrière ce voile, ah ! voile léger et fin, se lève enfin. Un souffle de vent s'enfle, s'élève, s'exalte, ah ! vent bon et humain, fait apparaître ma main. Je sens que je pourrais attraper l'horizon, mais non ! non. Impression nouvelle me chatouille la tête ! J'ai comme l'impression de tanguer. Je ferme les yeux et ma tête paraît lourde et infiniment massive. Comme un poids de plomb qui m'empêche de me mouvoir aisément et qui exerce une pression vers le bas, que la gravité a emporté et qu'elle ne peut contester. Tête ! oh, ma pauvre tête ! qui s'abat lourdement ! qui est rempli d'un tas de bric-à-brac (que j'ai l'affront d'appeler : mes pensées) ! dont je voudrais me débarrasser ! Mon corps se balance d'avant en arrière, de droite à gauche, sur les côtés ; il se balance dans tous les sens.

Être moi n'a plus de sens. Être moi ressemble à cette sensation. Être moi est être lourde et instable. Une sensation étrangement dangereuse comme celle d'avoir été construite au-dessus d'un énorme trou. Ce que je suis, mon âme ! mon âme comme dise les poètes ! mon âme comme je l'appelle ! est posé sur un énorme trou. Elle a été posée sur un énorme trou et a continué à pousser autour sans tuteur. Aujourd'hui, les fondations sont fragiles. Un souffle de vent et tout tangue. Je pourrais m'écrouler, je le sais. Je pourrais m'écrouler si je ne suis pas réparée, si ce trou n'est pas bouché. Ce trou ! oh ! c'est à cause de cet affreux trou sous mon âme ! J'ai comme l'impression de tanguer, d'être sur un bateau à chaque instant, en permanence. Mon âme tremble et mes émois sont en alertes, trop confus, trop lourdement secoués. Voilà surement pourquoi je suis triste, continuellement triste. Parce que mon âme tremble.

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