Moments volés

Être avec lui était comme voler des moments à l'existence. Je n'avais pas le droit d'être avec lui ; j'avais été avec lui. Je n'avais pas le droit de toucher sa peau, d'embrasser ses lèvres ; j'ai touché sa peau, embrassé ses lèvres. Je n'avais pas le droit de rire avec lui, de dormir près de lui ; j'ai ris avec lui, dormi près de lui. Dans ses bras ! sur sa bouche ! au bout de ses doigts ! je n'avais pas le droit de trouver le bonheur. Dans ses bras ! sur sa bouche ! au bout de ses doigts ! j'ai trouvé le bonheur. Je fermais les yeux, l'air heureux, savourant des moments auxquelles je n'avais pas droit.

J'ai dérobé un bonheur. Bonheur qui m'était interdit. L'existence est rancunière : œil pour œil, dent pour dent. Ô loi cruelle ! du talion et de ma douleur ! Loi qui s'abat sur moi ! Comme le ciel qui tombe sur ma tête. Regardez sur le sol : reste des morceaux de verre teintés de bleu. Le ciel m'est tombé sur la tête. L'existence est rancunière : punition ! Le vol est condamné. Des miettes de bonheur volées, le malheur récolté en entier. Volé ! j'avais volé ce bonheur à l'existence. Croire être Prométhée. J'ai volé l'étincelle d'un bonheur. Feu défendu ! tu as brûlé mes doigts et enflammé mon corps. Me voilà, aujourd'hui, les mains et les pieds cloués, la peau nue et le ventre déchiré, le sang répandu et les boyaux arrachés. Un oiseau fait de large cercle. Ah ! il tourne, vole, feint les airs et s'abat. Son bec informe perfore mon estomac. L'oiseau dévore mon foie et mon supplice est éternel.

Bonheur ! oh ! franc bonheur que j'ai volé à l'existence. Fruit défendu ! main levée, touchant les hautes feuilles de l'arbre. Fruit défendu ! au creux de ma paume, cueilli de sa branche. Fruit défendu ! au bord de mes lèvres, déchiré la chair de mes dents. Fruit défendu ! ton jus emplit ma langue, ton sucre gronde dans mon sang. Fruit défendu ! je t'ai mangé, apprécié. Fruit défendu ! tes délices m'étaient interdit et me voilà, maintenant, répudiée du Paradis. Un oiseau dévore mon foie parce que j'avais perdu ma foi. Perdu ma foi comme un petit caillou trainant au fond de ma poche. Un oiseau dévore mon foie parce que j'avais perdu ma foi. Perdu ma foi comme Adam trompé par Satan. 

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