Léthé et Mnémosyne.
Bois, me dit Léthé. Il tend les bras vers moi. Ses mains sont jointes en cœur ; de l'eau est à l'intérieur. Bois, me répète-t-il. Il s'avance vers moi. Ses lèvres en forme de cœur s'allongent ; de l'ombre paraît de l'extérieur. Son sourire carnassier m'indispose, m'inconfort, m'irrite. À côté de Léthé, se tient Mnémosyne. Elle est belle. Cheveux attachés par des épingles dorées. Comme une pluie d'or sur une masse noire. Habillé d'une robe blanche. Comme moulée dans un nuage vaporeux. Elle tend les bras vers moi. Ses paumes renferment en elles une coupe. Bois, me dit Mnémosyne. Elle s'avance vers moi. Son visage d'ange tombé du ciel s'illumine ; des morceaux de soleil taillent la couleur de ses yeux. Son visage d'ange me réconforte, me rétablit, me répare.
Toute étonné que je suis. Toute folle que j'ai été. J'avance vers Léthé. Je veux oublier. Je penche ma tête dans ses mains. Je veux oublier. Des mèches de mes cheveux tombent en cascade sur mon visage. Je veux oublier. Ma langue sortie, avant qu'elle boive l'eau dans les mains de Léthé. Je veux oublier. Au-dessus de moi, Léthé me sourit. Satisfait qu'il soit. À côté de moi, Mnémosyne grimaçait. Fâchée qu'elle fût. La mémoire donne aux hommes leur humanité, siffle-t-elle, la mâchoire contractée et les dents serrées. Donne la capacité de raisonner et d'anticiper. Les animaux n'ont pas de mémoire, les anges n'ont pas de mémoire. Pourquoi refuser ton humanité, me demande-t-elle. De l'eau coulait sur mon menton dégoulinant, comme la salive d'un chien enragé salivant abondamment. Du sang montait à mes joues qu'il recouvrait d'un rouge virginal, chaste, comme la lumière d'un ange obéissant, illuminé bellement.
Je voudrais lui dire ! Lui crier, lui hurler, lui vociférer ! Lui dire que je ne veux pas être un homme ! Je veux être ! ou un ange ! ou un animal ! Ni un homme, ni un homme ! Je veux être un ange. Un ange obéit. Je veux être un animal. Un animal vit. Las d'être un homme ! Marre d'être ce monstre ! Hybride ! Ce monstre balloté injustement entre son cœur tenté par de trop nombreuses passions tentatrices et son âme à la recherche éperdue de lumière chaude. Les anges sont lumineux, eux ! Moi, taché d'une crasse immonde qui se colle à ma peau ! Je me suis lavée. L'eau chaude coulait sur mon corps, et, j'espérais que soit emporté avec elle, dans les égouts, cette crasse qui colle à ma peau. Je veux être un ange. Obéissant. Lumineux. Sans mémoire. Je veux oublier. Instinct fulminant ma gagne ! Instinct me gagne et ne me sied pas. J'essuie l'eau mouillant mon visage d'un revers de main et me laisse emporter par sa chaleur.
J'ai oublié. Oublié, oublié, oublié. Écho est là, aussi. Écho, trop bavarde, condamnée par Héra à perdre la parole. Qui ne sait parler. Qui ne sait dire. Eh quoi ! qui ne sait dire amour. Écho, trop bavarde, répète derniers mots entendus. Je ne t'aime plus, m'a-t-il dit, adieu ! Écho, trop bavarde, répète : adieu, adieu, adieu. Je me souviens. Me souviens, me souviens, me souviens. Écho, tais-toi ! Tais-toi, tais-toi, tais-toi. Je me tais.
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