La vie est dure et la patience est tout.
La vie s'expérimente jour après jour, dans la douleur et dans sa chair. A blessé le vieillard sur sa peau ; se tient en embuscade pour le jeune. Tombera, s'abattra, attaquera le jeune ! quand il deviendra grand. Attendons, donc. Elle fait dire au vieillard, à lui, qui la connait comme une amie intime : « La vie est dure. » et le jeune, lui, qui la rencontre à peine, la pense belle et facile. Elle fait dire au vieillard, l'œil éteint et la tête enflammé de cheveux blancs, que : « La patiente est tout. » et le jeune, trépignant avec énergie, agitant ses mèches noires et se mordant le pouce, est impatient. Elle fait dire au vieillard : « Tu comprendras quand tu seras grand. » et le jeune ne comprend pas. Insouciant et ingrat. Le jeune court dans un grand bois. Regrettant le soleil cuisant quand l'hiver vient et se plaignant du froid cinglant quand l'été est là. Éternuant à cause du pollen des fleurs et refusant d'admirer le manteau blanc qui n'a couleur ni odeur. S'agaçant du chant des rossignols le matin et s'effrayant des hululements du hibou le soir. Le jeune court dans un grand bois. La vie se tient en embuscade sous des feuillages. Le regarde l'œil alerte et le visage à moitié caché. Patiente du bon moment. Le jeune court dans un grand bois. La vie rit. Attends, dans un coin, puis. Tombe, s'abat, attaque le jeune ! et il devient grand. Sonné et blessé.
Le vieillard, jeune devenu grand, est celui qui a connu la mort et la douleur. Qui a le regard déterminé et la poitrine vide. Qui avance sans reculer, marchant à pas feutrer toujours, levant un pied parfois, se méfiant des pièges et des prédateurs dans un grand bois. Qui a remis son cœur en des mains Éternelles, sachant qu'elles sont les mains du pardon et de l'oubli. Dieu, dans son infinie bonté, a donné l'oubli en cadeau aux hommes. Le vieillard, jeune devenu grand, est celui qui a oublié qu'il a été enfant. Il a perdu, et la mémoire et la tête. Cette douleur cuisante, celle d'une cicatrice rouge écarlate, vive et brûlante, celle d'un vestige de l'attaque de la vie, s'est imprégnée en lui et l'a rendu fou. Le vieillard est fou ! un fou irraisonné qui ne trouve d'autres raisons de vivre que la vie. La vie elle-même ! qui l'a attaqué et blessé dans ces jeunes années. Il revoit cette cicatrice blanchie sur son flanc, repense à la violence ! la douleur ! la fureur ! il pense à la vie, comprend et dit : « La vie est dure, la patiente est tout. Tu comprendras quand tu seras grand. » mais le jeune ne comprend pas.
Le vieillard lit ces mots et comprend. Le jeune lit ces mots et ne comprend pas. Je me réjouis. Me réjouis de ceux qui ne comprennent pas. Qui ne voient qu'en mort et douleur, des mots d'encre sur du papier. Je me peine. Me peine de ceux qui comprennent. Qui voient dans mort et douleur, le sang qui en trace les lettres. Le sang des aimés défunts sur le papier. Mon sang sur le papier. Leurs sangs et le mien qui se mélangent, qui se répandent. Qui répandent dans l'âme une noirceur comme une goutte d'encre tombée dans un verre d'eau. Je me peine de moi-même et je comprends. J'ai grandi et je comprends : « La vie est dure et la patience est tout. » Vous ne comprenez pas. La vie s'expérimente jour après jour, dans la douleur et dans sa chair. Vivez et relisez. Vous comprendrez.
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