L'amour est

J'ai remarqué quelque chose. Quelque chose d'intéressant, que les poètes ont déjà tant et tous remarqué. Parfois, je le crois. Parfois, juste parfois. L'amour est... Chut ! Il revient.

Le voilà ! Il me rappelle. Un vieux et cher ami, qui n'oublie pas d'espérer, me rappelle. Je ne me souviens plus. Mon buste se tend et se penche ; ma tête se courbe, un peu, vers le sol : une salutation, digne et distinguée. - Bonjour, lui dis-je. Mon timbre était faible, doux. Doux et faible, qui n'était ni rude ni âpre, comme une voix devenue souffle. Un souffle, une vibration, non ! un murmure, seulement. Il était là. Et soudain, je pleurais. Cette halo lumineux, suspendu au-dessus de sa tête, apparaissait si brillant. Ces grandes ailes, attachées sur ses omoplates, semblaient si pures. Une aura se dégageait. Si forte que je détourna le visage. Un réflexe ou une volonté, j'en doute ; une envie davantage. L'envie irrésistible et frénétique de se détacher de cet ami. Je comprends, enfin. Pourtant... pourtant... et pourtant, j'avais cru. Ne me condamnez pas ! simplement un et un seul, un moment avait su me tromper. Puis, oh ! quelle ironie. Une seconde d'inattention s'était présentée à moi, comme nouvelle et fière, et qui voyait claire. Je me souviens. L'amour est... 

Ce cercle, cette lumière que j'admirais tant, s'était enflammée avec une étrange teinte. Une drôle de couleur, qu'aujourd'hui seulement, j'acceptais de voir. Rouge aux teintes orangées, des couleurs singulières. Un éclat se reflète et cogne ma rétine. L'auréole s'éteint. L'ange disparaît. Au sommet de son crâne, des cornes se dressaient. Droites et tendues, comme les oreilles d'un animal aux aguets. Mes paupières se plissent, mon regard s'allonge. Je remarque, ensuite. Les ailes se raccourcissent. De la plus fine gaze, comme la mouche, les voilà désormais faites. Une illusion, une perception erronée de toutes les réalités, il l'était. Et soudain, je ris. Un rire, subtile et agréable, qui caressait l'oreille, presque suave et complètement ironique, s'élève. Du tréfonds de mon estomac, autour de viscères contractées, d'où il s'épanche. Je le sens qui frémis. Comment ne pas rire ? L'amour est...

Mes yeux se fermèrent, peu après, sans brusqueries ni tout à coups, en douceur. Soudain, comme un coup violent, oh ! comme une balle de plomb dans la chair, une sensation s'enfonça. Une sensation nouvelle s'enfonça et se répandit. Ce doux épanouissement, ah ! celui même qui emporte jeunesse et printemps aux côtés d'une tendre ivresse, se cassa. Il se cassa, trop tendue, à la manière d'un élastique qui se casse. Ohé ! folie des printemps et des fleurs ! Reviens, reviens sans tarder. Elle ne revint jamais. Des certitudes qu'on croyait vraies deviennent des doutes. Et, je me réveille. Le pouls vient me frapper les doigts ; le bruit sourd me frappe les oreilles. Il m'a trompé. Il s'en rend compte. Son corps s'étend de tout son long. A l'aise, il traîne des pieds. Je veux qu'il parte. Soudain, ses ailes, devenues toutes flétries, se recroquevillent. Attendons encore... il disparaît. J'en étais certaine. L'amour est...

Quelque chose de plus gros, une absence vous remplace, cher et vieil ami. Seulement, elle voudrait partir, même elle, voudrait partir. Ah ! quelle injustice ! C'est moi, moi seule, qui commande. Je ne veux pas qu'elle parte. Il s'en est déjà allé. Qu'a deviendra-t-il de moi ? L'absence, ah ! que je le hais ! ah ! que j'ai besoin d'elle ! Elle est ma compagne, ma seule compagne. Mon ami s'en est allé et elle est ma compagne. Elle s'allonge près de moi dans mon lit et je respire l'odeur de ses cheveux au réveil. C'est cette même absence, aujourd'hui, qui me pousse à écrire. Elle me pousse. Elle me parle et me dit : « Arrête, tes doigts sont fatigués. » J'essaye de lui répondre. De lui dire que c'est impossible, que c'est sa faute. Je lui demande alors, si elle sait ce que sait que d'aimer. Sa voix n'est qu'un murmure. Un murmure étrange, secoué d'un saut brusque et imprévu, un murmure qui, au premier soubresaut, s'abandonne encore plus et s'étend. Je l'entends. Elle me dit que oui. J'aimerais pouvoir en dire autant. Néanmoins, je l'entends encore. Elle me demande : « Pourquoi l'as-tu fait partir ? » Elle voudrait savoir ; cette absence voudrait savoir pourquoi elle est ici. C'est la question que je comprends. -Parce que si Rimbaud n'était pas sérieux à dix-sept ans ; moi, ne lui suis toujours pas à vingt ans. Et, je me souviens enfin. L'amour est dangereux.

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