JTM

Je t'aime (je me suis réveillée et je me suis donnée comme devoir de te le dire.) Ça serre tellement mon cœur. J'aurai aimé que tu sois à mes côtés quand je me suis réveillée, j'aurai aimé me retourner dans le lit, ouvrir les yeux et te voir près de moi... j'aurais aimé sentir ta présence et ta chaleur près de moi... j'aurais aimé sourire en voyant ton visage endormi... et j'aurai aimé caresser ton front et te dire, alors que tu es endormi et que tu ne m'entends pas, que je t'aime.

Seulement je ne peux pas ! Je ne peux pas ! Ne peux pas ! Ne peux ! Parce que tu n'es pas à côté de moi - alors donc je me réveille, me retourne dans mon lit et ça me serre le cœur - alors donc je prends mon téléphone, déverrouille l'appareil et ça me serre le cœur - alors donc je vais à ton nom, ouvre notre conversation d'hier et ça me serre le cœur - alors donc je tape je t'aime avec des touches, quand je veux dire je t'aime avec ma bouche, en pensant que cela ne suffit pas ! Ne suffit pas ! Suffit pas ! que cela ne pourra jamais suffire, que ce que je ressens ne peut s'écrire, comme un sonnet pétrarquien, un poème écrit de la belle et célébrant l'amant, sur un clavier numérique, ne peut passer, comme un éclat de lumière, un rayon de lune, par des fils électriques, ne peut être envoyé, comme un rossignol volant chantant, dans un ciel sans nuages, de téléphone en téléphone. Ce que je ressens doit être offert par une bouche généreuse au creux d'une oreille bienveillante ou être soufflé au bord de lèvres tremblantes au-dessus d'une peau chaude. Ce que je ressens sont des vers tendres et mielleux que ma langue formerait, que tes dents croqueraient sur mes lèvres.

Parce notre génération a perdu les mots, parce que nous avons renversé l'encre sur la table, parce que nous avons froissé les parchemins, parce que nous avons des boites électroniques et que nous avons des claviers numériques. Parce que les éclairs qui traversent le regard de deux amoureux passent aujourd'hui à travers des câbles sous les eaux, parce que les papillons dans le ventre sont aujourd'hui des virus dans des ordi, parce que les poètes sont morts et que les gens de la télé-réalité sont adulés. Orphée dort. Orphée a laissé tomber sa lyre et les cordes se sont cassées. Orphée est avachi dans les coussins de son canapé et il a allumé la télé, les lumières chromatiques l'abrutissent. Orphée ne chante plus. Parce que les mots sont découpés, rétrécis, amaigris. Parce que je ne peux t'écrire ce poème-ci alors je tape ces mots-là : « jtm ».

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