Jane, Louisa et Emily.

Jane ne s'est jamais mariée et elle a écrit des histoires de mariage restées dans l'histoire. Louisa n'a jamais eu d'enfants et elle a écrit l'histoire de quatre filles. Emily n'a jamais connu l'amour et elle a écrit la plus histoire d'amour de tous les temps. Je ne me marierai sûrement jamais et j'écrirais. J'écrirais sûrement mes histoires à moi. J'écrirais sûrement la vie de ces filles à moi. J'écrirais sûrement mes Hauts de Hurlevent à moi.

Je n'ai besoin pas d'amour pour écrire et écrire me rend heureuse sans me faire souffrir. Oui, Jane, Louisa et Emily ne se sont jamais mariés, et pourtant, elles ont écrit de superbes choses. Je crois que je serai heureuse si je deviens une Jane, une Louisa ou une Emily. Je ne vais pas en mourir. Je ne veux pas attendre le bonheur, j'en ai marre d'attendre le bonheur. Je ne vais pas attendre, poster sur le balcon de ma fenêtre, l'air hagard et soufflant un peu, beaucoup, passionnément, que cet oiseau vienne se poser sur mon doigt. Je veux être heureuse, maintenant. Allant capturer cet oiseau dans mes filets. Le retenant dans le creux de ma main, relâchant la pression de mon étau, écartant mes doigts. Lui donnant l'espace de vivre sans le temps de fuir. Au creux de ma paume, battrait, faible et fébrile, contre ma peau, comme un  coeur secoué, ses ailes. J'en sentirai chaque pulsations. Percevrait à mes oreilles ce bruit régulier pareillement au bourdonnement des abeilles. Résonneraient incessants, comme une âme arrachée trop tôt, ses cuicuis.

Chaque jour, j'ouvre ma poitrine avec mes ongles, j'arrache mon cœur de cette place qu'il occupe entre mes poumons. Je le porte au creux de mes paumes et je le regarde. Je le regarde, observe les blessures à gauche, lorgne les entailles à droite, surveille les bleus et les lézardes au centre. Les ventricules déchirées, tombant en lambeau, les valves défaillantes, pompant l'air, les veines coupées, coulant le sang. Je regarde ce morceau de chair découpé, fissuré, tailladé ! je sens le sang qui tâche mes phalanges ! je respire les effluves de cuivre et de métal ! et je me dis, je me dis que je suis heureuse. Que je suis heureuse d'avoir un cœur quand d'autres n'en ont pas. Lui n'avait pas de cœur. Il a voulu voler mon cœur et je me suis battu sans vergogne ! avec force ! décidée à protéger mon cœur et courageuse de combattre pour mon cœur. Il a voulu voler mon cœur mais je l'en ai empêché et je garde mon cœur ! marqué des stigmates de la bataille ! sensible par les ecchymoses ! Chaque soir, désormais, je replace mon cœur dans ma poitrine avec prudence, prévoyance, diligence, et je l'entends. Je replace mon cœur dans ma poitrine et je l'entends battre ! battre ! battre encore ! Que cœur blessé est bavard. Il parle et je recopie les mots qu'il me dit. J'écoute ce que cœur me dit, ce que cœur bavard me dit, j'écoute et j'écris. Je recopie les mots que ces lèvres violettes..., tremblantes..., mignonnettes..., pendantes..., ce que ces lèvres disent. Je suis heureuse, maintenant. Je n'ai pas besoin d'attendre d'avoir réparer mon cœur pour être heureuse. Je n'ai pas besoin d'attendre quelque chose ou quelqu'un pour être heureuse. Je suis heureuse. Jane, Louisa, Emily ne se sont jamais mariées ; elles ont écrit, ont été heureuses et nous les avons retenues. Ainsi ne me marierai jamais. Ainsi écrirai. Ainsi peut-être finira le livre.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top