J'ai Vu Apollinaire.


Un jour qui me semble loin et qui n'est plus ;

Un jour où nous étions nous, où nous étions ce que les gens disaient de nous : « Ils sont jeunes ! Amoureux ! La vie leur sourit. »

Époque qui me semble loin et qui n'est plus, revenez !

Temps affreux et trompeur, pourquoi nous avoir menti ?


Vie ! oh, Vie ! à toi, je m'adresse !

Égaille ce visage, étire ces lèvres et découvre ces dents ! Sourie-moi à nouveau !

Cette grimace ! Quelle horreur, cette grimace,

Sur ta face ! Retire-la et sourie-moi !


Vie, rappelle à moi ce jour ! Ce jour qui me semble loin et qui n'est plus.

Sur le Pont Mirabeau, nous marchions.

Sur le Pont Mirabeau, nous nous aimions.

Épaule contre épaule, accoudés à la rambarde, d'où la tour Eiffel nous faisait face.


Paris, ville de lumière, s'était habillé d'un voile de brouillard.

Avait revêtu ses habits de fêtes.

Je pensais à ces amoureux que cette tour avait surplombés,

Que ce pont avait supporté. J'ai vu Apollinaire !


Dans un coin, près de nous.

Main dans les mains, lui et sa bien-aimée.

Épaule contre épaule, lui et moi.

Apollinaire me souriait.


Dans un coin, près de nous.

Ses lèvres bougeaient ; il murmurait quelque chose.

Profite, disait-il. Ces jours s'en vont. Nous demeurons, mais ces jours s'en vont.

Je ne comprenais pas, hier. Je comprends, aujourd'hui.


Ces jours s'en sont allés. Je demeure. Seule.

Il y a quelque chose en moi de brisé. Qu'il a brisé.

Parce que je lui ai présenté sous ses yeux. Qu'il en avait la possibilité et le loisir.

Il y a quelque chose en lui de brisé. Que j'ai brisé.

Parce qu'il me l'a présenté sous mes yeux. Que j'en avais la possibilité et le loisir.


Ces jours s'en sont allés. Je demeure. Seule.

Que me reste-t-il, maintenant ? A réparer, me dit Apollinaire.

Comment, demande-je. Je n'ai ni colle ni ruban adhésif.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top