Cet été-là


Ce vent. Doux et léger, venu du sud, apportait chaleur et beau temps. Haut dans le ciel, suspendu à la manière d'une grosse boule dorée, un soleil de cendre guidait nos pas sur cette route de campagne. Au loin, la route semblait se perdre dans un horizon funeste et l'horizon montre des collines et des arbres à perte de vue. Un endroit magnifique que nous avons rendu parfait ! Une route de campagne. Un été brûlant de nos premiers émois. Cet été-là, ton regard était brillant et il soutenait le mien qui vacillait. Une flamme le dévorait à pleine dent, une flamme encore inconnue à moi, une flamme que je n'avais jamais rencontré dans les yeux d'un homme. Ton regard était enivrant, excité et surprenant. Il était intense. Trop intense pour que je m'en détache. Tes pupilles étaient assombries par un désir nouveau qui éclot et explose, étaient excitées par quelque chose d'inconnu. Sur cette chose, j'hésitais à poser le nom. J'hésitais à poser mon nom.

Tu m'as dit : « j'aimerais beaucoup t'embrasser » avant de me demander : « je peux ». Mon organisme fut mu d'une énergie nouvelle. Une énergie petite et timide. Mes lèvres s'entrouvrirent, se refermèrent, s'entrouvrirent, se refermèrent. Un nœud se forma dans ma gorge. Seul un souffle, minuscule et lourd d'une syllabe, avait réussi à traverser la barrière de mes dents. J'ai dit oui mais, personne ne m'avait cru. Ni toi, ni moi. « Ce n'est pas grave » dis-tu. Tu t'en vas, tu t'éloignes de moi. D'à peine quelques pas. Quelques pas qui sont comme une déchirure ! qui ont l'immensité d'une mer gigantesque ! Tu dis que tu ne veux rien engagé tant que je ne serai pas certaine que je le veuille.

Une massue énorme s'abat sur mon crâne. L'atmosphère devint lourde. Elle était pleine de nos non-dits, de nos appréhensions et de nos intentions. Comme au théâtre, un rideau s'abat autour de nous. Nous laissant dans les coulisses d'un monde. À l'abri du monde. Loin du regard des spectateurs. Je n'étais plus une actrice. Pourtant ce n'était pas moi. Il ne s'agissait pas de moi, il ne le pouvait ! J'étais comme quelqu'un posté à la fenêtre qui regarderait la vie de quelqu'un d'autre. J'étais comme sortie de mon enveloppe, je n'étais plus qu'une âme. Une âme postée au-dessus de mon corps, qui regardait cette scène d'un œil curieux et intrigué. Comme s'il s'agissait de la vie d'une autre. Comme s'il s'agissait d'un spectacle dans lequel le premier rôle revenait à cette fille qui me ressemblait étrangement. Cependant, cette fille n'était pas moi. Je me souviens, soudain, comme frappée par un éclair foudroyant, m'être saisis de ton bras, t'avoir retenu près de moi. Mes mains avaient pris ton visage en coupe, et soudain, dans un choc tendre et affectueux, mes lèvres s'étaient plaquées contre les tiennes. Nos épaules se sont heurtées, nos cœurs ont battu à l'unisson, nos lèvres se sont posées l'une contre l'autre. Les miennes sont restées muettes. Elles bougeaient à peine, trop effrayées de briser cette simple harmonie, trop effrayées de dire le mot de trop. Elles sont restées là, simplement posées sur les tiennes, avant de se retirer. Nos regards se sont ancrés profondément l'un dans l'autre, puis, tes yeux sont tombés au bord de mes lèvres entrouvertes, rouges et un peu gonflées. La seconde qui suit, ta bouche avait retrouvé sa place contre la mienne. Mes lèvres s'écrasaient contre ta bouche. Une pensée avait effleuré mon esprit : « sentit-il que mes lèvres ont le goût de mon gloss ? sentit-il qu'elles ont un goût de cerise ? » Ma langue s'est animée, et lorsqu'un espace assez grand s'est libéré, elle avait traversé la barrière de tes dents. Elle est rentrée dans ta bouche, elle cherchait ta langue. D'abord, nos langues bougeaient timidement. Nos lèvres enflammaient un mouvement endiablé. Nos bouches articulaient, ensemble, une ardeur bouillonnante, sans répit, avec vigueur. C'était presque douloureux. Une douleur, savoureuse et délicieuse, goûtée sur le bout de tes lèvres. Ce baiser était maladroit, je sais pourquoi. Il était le premier. Aucun de nous ne savait comment s'y prendre. Tous les deux nous n'y sommes perdus.

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