Amour, ô mon cher Amour,
Amour, ô mon cher Amour ! j'écris avec une majuscule parce qu'il est comme tu le disais, il est le Grand Amour. Il mérite une majuscule. Amour, ô mon cher Amour ! ce nom... ciel ! ce nom est trop beau, trop doux, trop bon. Chaque lettre glisse sur mon palais avec la saveur du printemps. Tendre et mielleux, comme parfumée au chocolat, cette saveur... ah ! cette saveur enivre le plus saint des hommes. Le gredin, au milieu d'un bouche, ne sait se tenir. Il bondit et explose. Et ton nom, dans mon cœur, à l'écho d'un triste sanglot. Ah ! que pour un seul instant avec toi, je donnerai tout. Mes yeux se ferment. Sois sans crainte, ce n'est pas la fatigue qui m'emporte. Non ! non, non ! C'est la nostalgie ! Elle est si enivrante. Elle aime ses moments presque passionnément. Quand elle danse avec la mélancolie. Les deux ensembles m'entraînent au tréfonds d'abîmes qui bouillonnent au-dessous de moi. Mes yeux se ferment, et derrière mes paupières, jaillit, comme presque un devoir de l'inconscient, d'anciens souvenirs. Sous les vapes de mes pensées, en un instant, je me souviens. L'esprit est puissant. Le voilà, capable de telles prouesses. Sans aucun magie, grâce à sa puissance, le temps remonte. Et comme tout le temps, à cette simple pensée, Amour, je frissonne. C'est la nostalgie qui m'appelle !
Je me souviens. D'une route de campagne. D'un été brûlant de nos premiers émois. Ton regard était brillant et il soutenait le mien qui vacillait. Tu m'as dit : « j'aimerais beaucoup t'embrasser » avant de me demander : « je peux ». Je me souviens, soudain, comme frappée par un éclair foudroyant, m'être saisis de ton bras, t'avoir retenu près de moi. Mes mains avaient pris ton visage en coupe, et soudain, dans un choc tendre et affectueux, mes lèvres s'étaient plaquées contre les tiennes. Nos épaules se sont heurtées, nos cœurs ont battu à l'unisson, nos lèvres se sont posées l'une contre l'autre. Les miennes sont restées muettes. Elles bougeaient à peine, trop effrayées de briser cette simple harmonie, trop effrayées de dire le mot de trop. Elles sont restées là, simplement posées sur les tiennes, avant de se retirer. Nos regards se sont sont ancrés profondément l'un dans l'autre, puis, tes yeux sont tombés au bord de mes lèvres entrouvertes, rouges et un peu gonflées. La seconde qui suit, ta bouche avait retrouvé sa place contre la mienne. Mes lèvres s'écrasaient contre ta bouche. Une pensée avait effleuré mon esprit : « sentit-il que mes lèvres ont le goût de mon gloss ? sentit-il qu'elles ont un goût de cerise ? » Ma langue s'est animée, et lorsqu'un espace assez grand s'est libéré, elle avait traversé la barrière de tes dents. Elle est rentrée dans ta bouche, elle cherchait ta langue. D'abord, nos langues bougeaient timidement. Nos lèvres enflammaient un mouvement endiablé. Nos bouches articulaient, ensemble, une ardeur bouillonnante, sans répit, avec vigueur. C'était presque douloureux. Une douleur, savoureuse et délicieuse, goûtée sur le bout de tes lèvres. Ce baiser était maladroit, et je sais pourquoi. Il était le premier, et aucun de nous ne savait comment s'y prendre.
Je me souviens. Cette nuit, nous nous étions promenés dans Paris, près de Montmartre. Il faisait chaud, je me souviens. L'air était lourd et j'avais la tête embrumée. Nous marchions, puis, nous avions trouvé un banc. Tu m'as proposé de m'assoir, et j'ai pris place près de toi. Tu t'es tourné vers moi, et j'ai remarqué que tes yeux brillaient. Je me souviens m'être dit que tu étais incroyablement beau. Tes yeux brillaient, et ton sourire s'est allongé. Ton regard était étrange, énivré et excitant, de mille couleurs ; il tombait au bord de mes lèvres. Il faisait chaud, et j'avais du mal à respirer. Mon corps tout entier tremblait, et j'avais l'impression de perdre totalement pied. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine, ma respiration s'écourtait, et j'avais mal au crâne. Ainsi ta main se porta à ma joue, tes doigts caressaient ma peau, puis, enfin, ton visage s'approcha du mien et tes lèvres finirent par se poser sur les miennes. Je n'avais jamais connu un tel baiser.
Le premier amour est le plus merveilleux et le plus compliqué. Le garder est une entreprise difficile dont certains pourraient nous accuser de folie pour l'entreprendre. Le premier amour est difficile dans son essence. Un premier est quelque chose qui revient de l'essai, de l'expérience. L'être humain qui essaie est l'être humain qui se trompe. Le premier amour s'élide, s'écourte, s'efface. Les erreurs le font disparaître comme un morceau de gomme. Existent cependant quelques chanceux qui ont fait d'une folie réalité possible. Comment, me diras-tu. Ceux-là ont compris : les erreurs peuvent être oubliées et réparées. Le pardon. Le pardon est la clé. La patiente est tout.
J'aimerais ne pas être un problème pour les autres. J'aimerais être un simple corps que tu pourrais toucher et pénétrer sans que je ne me froisse ou ne me brise. Une petite âme nue, tremblante, marquée de larges bleus et blessures que tu caresserais tendrement, baiserais de ta bouche doucement, sans que je ne frémisse sous tes doigts ou tes lèvres. Un cœur niais, naïf, tendrement candide, creusé par un trou profond, cassé, porteur de cicatrices blanches qui n'ont pas encore guéri, que tu prendrais de ma poitrine et que tu tiendrais au creux de tes paumes sans que je ne tressaille au contact de tes doigts venus chatouiller cette chair en morceau qu'est mon cœur. Ce cœur, il est posé au bord de mes lèvres. Mon âme, elle supporte mal les digues de mon corps. Elle est un torrent qui sort de son lit, s'écoule comme un long fleuve, s'abat en des vagues immenses. Mon âme subit les violences d'un chaos intérieur et mon cœur en a à dire. Je veux taire que je suis traversée d'un chaos intérieur. Je veux me taire ! me taire ! me taire ! alors ne me demande pas comment je vais. Je veux que tu poses une main sur ma poitrine, je veux que tu sentes ce qu'il se trouve à l'intérieur. Un cœur ! Abattu, aussi bouillant qu'un volcan, aussi fatigué qu'un malade, aussi fragile que les ailes d'un papillon. Que tu sentes dans le creux de ta paume ce morceau de chair trimer à capturer un mouvement constant, durable et régulier. J'aimerais taire que j'ai mal et que je peux faire mal. Je suis du verre brisé, ne me prend pas dans tes mains ! tu vas te couper. Mes désirs sont si simples : je veux être aimée. Seulement, je sais que je suis trop difficile à aimer. Je porte tant de cicatrices. Aucune personne n'est assez forte, aucune personne ne mérite un tel destin. Je serai un fardeau. Des fantômes me hantent. Mes nuits sont courtes. Elles sont remplies de cauchemars. Je n'ai pas le droit de demander à quelqu'un de calmer mes sommeils agités. Belle journée, Amour. Je t'aime, je sais que je continue à t'aimer. Je ne peux pas, je ne veux pas, Amour ! te faire subir un tel châtiment. Saches que devant toi, je me tairais. J'étoufferais mes pleurs larmoyants. Je banderais mes blessures ouvertes et encore sanglantes. Je... je... C'est incroyable ! Cette pulsion... dans ma poitrine, je la sens. Elle s'anime et c'est tout mon corps qui tremble. Pars ! Va-t'en loin, très loin et ne reviens jamais. Je suis peut-être égoïste, je dois surement être l'une des créatures les plus vils que la terre a porté. S'il te plaît, oublie. Oublie ces derniers mots. Je t'aime. Je t'ai attendue, tant attendue. Durant des années et encore des années. Je ne peux pas te laisser partir. Ne t'en va pas. Jamais.
Des milliers de questions se pressent dans mes têtes et un flot de larmes montent à mes yeux. «Moi j'ai peur de ne pas être assez fort, patient pour te supporter » m'as-tu dit, Amour, à l'aube naissante. Ô mon cher Amour, sois rassuré, personne n'est assez fort, patient pour me supporter. Atlas porte la voûte céleste sur son dos. Condamné ! condamné par Zeus ! il porte la voûte céleste sur son dos. Il s'épuise, fatigue, se meurt. Amour, j'ai fait de toi un Atlas. Condamné ! condamné par moi ! tu me portes sur ton dos. Tu t'épuises, fatigues, te meurs. Amour, tu n'es pas Atlas ; tu ne peux pas me porter.
« Ça veut dire qu'on ne va pas bien ensemble » m'as-tu dit, Amour, au petit jour montant. Mon dieu, qui ? Qui pourra un jour m'aimer ? Suis-je cet être trop brisé pour être porter ? Je suis du verre brisé et personne ne peut prendre du verre brisé sans se couper. Personne sur terre n'est donc assez fort ou patient pour me supporter. Je ne peux être égoïste. Je ne peux te demander l'impossible. Tu es parfait et me voilà ! moi ! le cœur brisé ! et l'âme tremblante ! Puis-je être autre chose ? Mon dieu, j'en appelle à vous ! Transformez-moi. Donnez-moi un autre corps, un autre cœur puisque personne ne peut supporter celui que j'ai. Je t'en prie, moi, sois une autre. Sois celle que d'autres puisse supporter. Ou peut-être ne suis-je capable d'être aimée. Cette rencontre... ta rencontre a bouleversé mon entière existence. A tes côtés, par ton amitié, la petite fille effrayée que j'avais été n'avait plus peur. Ces tremblements de mes doigts, ces bégaiements dans ma voix, ces hésitations dans ma tête. Tout et le reste avaient disparu. Seulement, je ne peux pas te demander l'impossible. Je ne peux pas te demander de panser mes blessures, je ne peux pas te demander de sécher mes larmes, je ne peux pas te demander de bercer mon âme. Ne soigne pas mes blessures, ne sèche pas mes larmes, ne berce pas mon âme. Pourrais-tu simplement m'accepter avec mes blessures ? m'accepter avec la trace de mes larmes sur mes joues ? m'accepter avec cette âme qui tremble ? Le pourrais-tu, Amour ? mais, tu ne le peux, et, je ne peux t'obliger à m'accepter. Amour, cher Amour, sois heureux.
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