Chapitre 1: Le jardin

D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Khalila Xeng avait toujours connu le jardin fleuri. Véritable paradis au milieu du palais, il permettait à la nature d'exposer ses plus belles merveilles. Là-bas, la chaleur ne s'exprimait pas en visions mais en sons. Le chant des oiseaux, le doux clapotis de la rivière et le bruissement des feuilles dans les arbres en faisait un temple de la sérénité.

Depuis sa petite enfance, la jeune princesse n'avait pas manqué une seule fois sa sieste journalière sous les arbres aux fleurs roses. Elle aimait s'endormir dans son paradis pastel. A une époque, elle y était tellement sensible que ses servantes devaient décorer chaque jour sa chambre de bouquets de fleurs pour qu'elle puisse profiter de sa nuit. Les domestiques avaient aussi repeint ses quartiers en saumon, mais ça elle ne pouvait s'en rendre compte.

Dans l'âge tendre, comme aujourd'hui, elle avait laissé ses larmes noyer les feuilles fuchsia. Pour sa peluche déchirée, pour les moqueries de ses camarades, pour sa propre incapacité à se défendre, pour ses parents qui ne l'aidaient guère, pour sa vie. Pourquoi était-elle si misérable ? Mille fois elle avait posé la question aux arbres centenaires, mille fois le silence lui avait répondu.

Et encore une fois seul le silence l'entourait. Depuis qu'on lui avait demandé de rester dans ses appartements, elle n'avait fait que rester accroupie dans son lit. Elle voulait retourner au jardin. Une dernière fois.

Mais elle ne pouvait sortir. Juste attendre. Attendre que quelqu'un ouvre sa porte. Sera-t-il ami ou ennemi ? Seul le temps lui répondra.

Alors elle attendit. Son sablier enchanté émit un son retentissant, quand une heure fut écoulée. Elle le renversa sans se retourner. A quoi cela aurait-il servi ?

Quatre sonneries retentirent, quatre heures s'écoulèrent, avant que le claquement des bottes ne résonne à ses oreilles. Elle reconnut le cliquetis familier de la clef dans la serrure, puis la cadence assurée du général en chef. Elle entendit ses genoux heurter le sol, alors qu'il se prosternait.

—Princesse.

Comme à l'accoutumée, les mots résonnèrent dans l'esprit de Khalila : Princesse... ma douce Princesse.

Sans remarquer son trouble, le général continua.

—La bataille a pris un tournant négatif, j'ai reçu l'ordre d'évacuer les héritiers de l'empereur hors du palais.

Quitter le palais ? Et le jardin ?

Si on lui demandait d'évacuer, cela signifiait que le palais allait être détruit, brûlé. Et le jardin partirait en fumée.

Et elle, elle ne serait pas consumée, mais sûrement tuée quelques jours après la chute de l'empire. Elle mourrait seule et épuisée, d'un coup de poignard dans le dos.

Khalila ne réfléchit plus. Elle bouscula le général toujours à genou et couru hors de sa chambre.

Si elle devait mourir alors elle choisirait le lieux de son trépas. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top