o1| Premier rêve

Je regarde l'avion s'élever dans les nuages à travers le hublot jusqu'à ce qu'il atteigne une hauteur impressionnante. M'empêchant par la même occasion de pouvoir admirer ce qui se cache sous cet amas de gouttelettes d'eau. J'ai toujours adoré surplomber les villes et pouvoir admirer leur intégralité. Rien n'est caché, chaque moindre détail est visible et c'est dans ce genre de moment que l'on aperçoit les plus infimes failles des configurations urbaines. Les fractures séparant les riches et les pauvres, les bâtiments luxueux placés à seulement quelques mètres d'un bidonville.

Oui... notre monde est bien mal constitué.

Une main se pose délicatement sur ma cuisse, ce qui me fait me sortir de mon débat intérieur sur les inégalités sociales.
C'est fou comme je peux partir loin dans mes réflexions, rien que en regardant un paysage, quel qu'il soit. Mais j'aime voir plus loin que ce que l'on aperçoit à l'extérieur. La société nous montre seulement la partie émergée de l'iceberg. Qu'en est il de la partie non visible ? Et bien j'adore la contempler et interagir par moi même sur ce sujet.

Je tourne enfin la tête et me retrouve face à mon ami Ruggero. Visiblement, il a dû s'endormir, compte tenu de son apparence. Ses cheveux sont décoiffés mais lui confèrent un petit air rebelle et sa barbe naissante met en évidence son côté mature diablement sexy. Il me regarde avec ses petits yeux, encore fatigués par sa sieste, avant de me faire un léger sourire. On dirait un enfant, oui c'est ça... un enfant inoffensif et encore ensommeillé.

Les apparences sont trompeuses, c'est un vrai joueur. Un expert dans l'art de contrôler les choses et de les tourner à son avantage. Il a toujours une longueur d'avance sur tout et s'en est exaspérant à la longue, mais il est comme ça. Il a des atouts, que cela soit physiquement ou mentalement. Il connaît ses atouts et il sait parfaitement les utiliser.
Oui... il est redoutablement beau.
Oui... il est intelligent, et c'est très énervant de voir comment il affiche ses nombreuses qualités avec un excès débordant.

Oui c'est Ruggero Pasquarelli... Et je suis irrémédiablement attirée par le danger, c'est à dire par lui.

Il resserre sa prise sur ma cuisse et une vague de chaleur étouffante me traverse le corps de la tête au pied. Je détourne le regard et tente vainement de cacher ma nervosité tout en essayant de calmer ma respiration qui s'accélère de secondes en secondes. Ses doigts commencent à glisser sur ma jambe et je me tend sur mon siège.
Mon dieu, mais à quoi joue-il au juste ? Est-il au courant que mon coeur bat à s'en rompre ?

Bien sur qu'il le sait... il sait toujours tout. Et je suis certaine qu'il jubile intérieurement de savoir qu'il à cet effet sur moi.

- Karol... Tu es sur que tu te sens bien ? Tu deviens... toute... rouge... - m'annonce-il malicieusement en laissant traîner sa phrase sur chaque mot.

Ne faisant qu'amplifier ma gêne.

Je n'avais même pas senti mes joues s'échauffer mais ça ne m'étonne guère, je suis très réactive à sa présence.

- Oui... c'est juste qu'il fait ... super... chaud... - bégayé-je en fermant rabattant mes paupières pour éviter de me tortiller dans tous les sens.

Je sens alors son souffle brûlant s'abattre sur mon cou et je comprends qu'il s'est rapproché de moi. De violents frissons me prennent d'assauts et la chair de poule commence à prendre du terrain sur chaque parcelle de ma peau.

- Ah... toi aussi, tu trouves que la température est montée d'un cran dans cet avion? - ricane-il avant de poser un baiser mouillé dans mon cou. Je pose rapidement ma main sur ma bouche pour m'empêcher de laisser un gémissement s'échapper.

Bordel, on est dans un avion !

- Tu es toute à moi Karol, toute à moi. - me susurre-il en passant la pulpe de son pouce sur ma lèvre inférieur.

Je rouvre enfin les paupières avant de tourner mon visage dans la direction du sien. Nos lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres et je commence à rapprocher lentement ma bouche de la sienne. Je m'avance encore, attendant la pression de ses lèvres sur les miennes mais rien ne vient.

Soudain, je me sens partir en avant et je m'écrase contre le sol.

« POUMMM ! »

- Merde, ça fait super mal! - grogné-je en passant ma main sur mon front. Je risque d'avoir une bosse à cause de cette chute ridicule.

Quand je me décide à regarder ce qui m'entoure, je remarque que je suis avachie par terre au pied de mon lit. Je suis dans ma chambre et surtout je suis seule...

Je retire d'un revers de main les cheveux qui se sont étalés sur mon visage et je sens de l'humidité dans ces derniers. Oh non, j'ai transpiré comme une grosse porcasse en plus.

C'est tout bonnement répugnant.

Je me relève et m'assoie en tailleur sur mon lit avant de prendre un coussin en forme de soleil multicolore et de le serrer très fort dans mes bras.

C'est malsain non?

Je veux dire... cela fait maintenant deux semaines que je revis toutes les nuits la même scène. Ce même rêve qui mélange une part de réalité et une part d'un désir profond qui s'émane de moi. Je ne peux pas le nier, je désire et je veux Ruggero beaucoup plus que je ne le devrais. Mais ce fantasme pourrait probablement devenir un cauchemar s'il venait à être su. Après tout, Ruggero est déjà en couple et qui puis est, il est le copain de l'une de mes meilleures amies.

Quelle genre d'amie fait ça au juste ? Une garce... ouais c'est ça... je suis une putain de garce.

J'essaie de me contrôler mais quand il est présent, je perds tout contrôle et le pire dans tout ça c'est qu'il prend un malin plaisir à me torturer. Ça l'amuse... c'est un jeu pour lui de me voir me démener à cacher ce que je ressens.

Cette histoire est bien trop néfaste à mon goût.

Je tourne la tête vers mon radio-réveil afin de regarder l'heure. Il est 5h du matin, comme pratiquement toutes les nuits en faite. Je sais très bien que je n'arriverai probablement pas à me rendormir tout de suite alors je sors mon ordinateur et je mets une série en marche pour passer le temps. Je ne la suis qu'à moitié, trop absorbée par une erreur récente qui me ronge de l'intérieur. Malheureusement, les souvenirs me reviennent à nouveau en tête et il m'est impossible de m'échapper de cette spirale infernale.

Flash back  - 1 mois plus tôt

- Oui c'est bien ça. Vous partez ce week-end en Europe pour donner des interviews sur vos personnages et rencontrer des fans. Je compte sur vous pour présenter la série avec des mots justes et pertinents. Je peux compter sur vous? - Nous demande Jorge, le producteur de la série.

Je n'arrive pas à croire que l'on va faire une tournée promotionnelle pour la série en Europe.

N'est-ce pas juste incroyable?

J'ai tellement hâte de partir en voyage. Je ne suis jamais partie sur ce continent mais il m'a l'air d'être vraiment chic et magnifique. J'ai toujours rêvé d'aller à Paris. La capitale de l'amour... C'est l'hôpital qui se moque de la charité. Moi qui ne suis jamais tombée amoureuse. Mais après, j'ai le temps, je n'ai que 17 ans!

Ruggero et moi acquiesçons et je remarque que ce dernier me fixe du coin de l'œil avec un sourire victorieux. Etant donné le fait que nous ayons tous les deux les rôles principaux, c'est nous qui partons faire la tournée. Je sens que ça va être un grand moment... notez l'ironie.

Suite à cette entrevue, nous sortons de son bureau. Dès que nous franchissons la porte, Ruggero s'empresse de fermer ou claquer cette dernière plutôt avant de m'attraper le bras et de me retourner dans sa direction. Je suis surprise par ce geste brusque mais quand je remarque la tête affreusement souriante qu'il m'offre, je sais très bien ce qui va suivre.

- Eh Karolita, je suis certain que tu es super heureuse de partir en Europe avec le célèbre Ruggero Pasquarelli. N'est-ce pas? - s'exclame-il en passant sa main dans ses cheveux parfaitement décoiffés.

- J'étais sur que tu allais me lancer un truc dans le genre Rugge... Tu ne changeras donc jamais... - soufflé-je toute aussi amusée que exaspérée.

Il est tellement... troublant.

- C'est parce que je suis unique en mon genre. - continue-il en levant les sourcils de manière extrêmement ridicule.

- Le genre "égocentrique". Oui, oui totalement. - rétorqué-je en mimant des guillemets avec mes doigts.

- Exactement. - me lance-t-il fier de lui.

Je lève les yeux au ciel, fatiguée par son tempérament. Puis nous éclatons de rire tous les deux.

On aime bien, même en dehors des scènes de la série, jouer nos rôles respectifs. On trouve ça plutôt amusant. Et de cette façon, Ruggero peut balancer des phrases vaniteuses sur lui sans que personnes ne remarquent qu'il est très sérieux en fin de compte.

Mais moi, je le sais... Je sais que en réalité, il est totalement dans son élément.

Sachant que son personnage est une personne extrêmement prétentieuse du nom de Matteo. Ça aide beaucoup. Car oui Rugge est très outrecuidant... certes, moins que son personnage fictif, ça c'est évident, mais il est sûr de lui et ne manque pas de le rappeler à tout le monde. Une des choses que j'apprécie et déteste à la fois chez lui d'ailleurs.

Il me prend dans ses bras et me soulève avant de me faire tourner dans les airs, me faisant glousser comme une dinde.

- On va en Europe Karol! - crie-il en courant dans les couloirs, moi toujours écrasée dans son étreinte.

Il me traîne de pièce en pièce et j'ai des crampes au ventre à force de rire. Ruggero et moi possédons une complicité hors du commun. Il y a une sorte de lien, de connexion entre nous. Et je ne voudrais gâcher cela pour rien au monde.

Fin du Flash Back

- Imbécile! - me réprimandé-je en repensant à cette dernière discussion.

Si seulement j'avais su ou même ne serait ce que songé aux événements qui allaient se produire, il est évident que j'aurais tout changé. Malheureusement, ce qui est fait est fait. Et on ne peut rien changer au passé. Il faut avancer et essayer de construire notre avenir avec tous les choix que l'on a pu faire. Que ces choix soient bons ou mauvais... Il faut les assumer. Mais cela ne sera pas une mince affaire, ça j'en suis certaine. J'enfonce ma tête dans mon oreiller avant de crier aussi fort que je le peux pour canaliser ma colère envers moi même.

Oui envers moi même.

Parce que en ce moment je me déteste plus que jamais! Je m'enfonce un peu plus dans mon matelas jusqu'à me perdre dans les bras de Morphée en espérant cette fois ci de ne pas refaire ce premier rêve...

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⚜Voilà le premier chapitre! 
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