CHAPITRE UN

VILLE DE QUÉBEC, CANADA

Amara Dassilva avait toujours détesté trois choses dans la vie. D'un, les légumes verts en particulier le brocoli. De deux, l'injustice et de trois, d'être contrainte sans avoir de porte de sortie pour prendre le nord avant la tempête. Alors, passer cinq jours au bord du gouffre pendant qu'on avait besoin d'elle au travail était fort pénible pour la jeune femme de nature hyperactive. 

En ce matin frisquet du mois de mai deux-mille-vingt, Amara regarda le haut plafond blanc de sa chambre avec la sensation viscérale d'étouffer et d'être prisonnière de son propre corps. Sa poitrine se levait d'un mouvement saccadé, tandis que sa main droite reposait au-dessus de son coeur à la limite du fonctionnel. Des gouttes de sueur allèrent du haut de ses sourcils fournis jusqu'au bas de son visage aminci, puisqu'elle ne parvenait pas à garder autre chose qu'une soupe aussi fade qu'un biscuit soda faible en sel. Ses longs cheveux foncés collaient sur sa nuque de manière fort désagréable.

En temps normal, à cette heure, elle viendrait d'arriver à l'hôpital et se préparerait pour sa journée armée de son éternel café beaucoup trop sucré. Infirmière fraîchement diplômée depuis un an, Amara songeait aux patients qu'elle aurait dû aider et soigner. Il y avait un important manque de personnel, donc son absence prolongée allait causer des conséquences autant pour ses collègues surchargés que pour les malades de son unité. Ses yeux noirs en forme d'amande s'embuèrent de larmes, augmentant le thermomètre de sa mauvaise humeur déjà exécrable. Sa meilleure amie également infirmière ne savait plus quoi penser de son état général, ne cessant de se dégrader. Ce virus semblait être l'influenza fusionnée avec la peste et la tuberculose! Bon d'accord elle exagérait, mais cela fit naître un bref sourire sur son visage blafard.


— Maudit virus de merde, gémit-elle plus proche d'une plainte pitoyable qu'une injure menaçante.


A chaque respiration, la sensation de se faire poignarder par un couteau aussi long qu'une batte de Baseball l'assaillait. Le pire était que lorsqu'elle parvenait enfin à s'endormir, Amara s'engouffrait dans d'horribles rêves aux ficelles tirées par les mains meurtrières de Freddy Kruger... Ses dons occultes légués par sa grand-mère maternelle l'avaient apparemment abandonné cette fois. Elle n'avait jamais été aussi malade. Autant durant son adolescence, elle regrettait de n'être jamais victime d'un rhume pour manquer de l'école, que maintenant elle vendrait un rein pour que sa santé revienne en force! Son système immunitaire d'acier n'était guère le seul aspect étrange chez elle. Amara ressentait les émotions d'autrui ainsi que leurs intentions. Elle voyait également ce que sa grand-mère appelait les auras. Toutefois, depuis le décès de cette dernière, Amara avait brimé cette partie d'elle.

Les gens comme nous sont tués ou sinon enfermés Armie, alors quoi qu'il arrive ne fait confiance à personne! Les gens ont peur de ce qu'ils ne peuvent expliquer et contrôler...répétait toujours d'une voix transcendante sa grand-mère.

Oubliant ces souvenirs douloureux, Amara fit le vide de son esprit. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas stimulé ses dons qu'elle doutait parfois de leur existence. Après quelques minutes, pas le moindre fourmillement de chaleur ne vint évincer les affreux symptômes. Tout en elle demeurait froid. Son âme semblait prisonnière de la glace. Séchant de furtives larmes coulant sur ses joues d'une main tremblante, Amara se surprit à prier. Elle aimerait bien partager son opinion bien tranchée sur la façon dont le monde tournait à l'actuel. Mère Nature manifestait sa fureur contre la pollution humaine en déversant des tempêtes dix fois plus puissantes qu'autrefois. Les gens étaient si égoïstes qu'ils se piétinaient les uns les autres pour avoir le plus de reconnaissances sur les réseaux sociaux, tandis que d'autres mouraient littéralement de faim...

Fataliste comme réflexion, mais Amara avait toujours été ainsi au désespoir de ses proches. Sans y ajouter le fait qu'elle était aussi solitaire qu'une tortue décédée dans sa propre carapace. Chassant cette nervosité toxique et démesurée de son esprit, la jeune femme tendit le bras droit en direction de la table de chevet en bois afin d'y saisir un paquet d'aspirine. Après avoir avalé deux comprimés ou peut-être quatre, elle se repositionna au centre du grand lit tout en lâchant une seconde plainte de douleur. Son cerveau lui faisait l'effet d'être littéralement sur le point d'exploser, alors que ses muscles se liquéfiaient l'abandonnant de toute constance.

Grizzly, l'énorme boule de poile de couleur foncée à l'appétit infini vint se blottir contre la hanche de sa maîtresse en quête de chaleur. Il dut être bien déçu ce pauvre chat, car elle était aussi frigorifiée qu'un iceberg. Le ronronnement régulier de Grizzly apporta un calme étonnant. Le brouhaha à l'intérieur de sa tête s'apaisa. Pestant une dernière fois contre son état précaire, Amara entendit à la télévision allumée qu'un énorme tremblement de terre venait de survenir dans l'océan méditerranéen. Une alerte au Tsunami venait d'être émise et les habitants des côtes courraient paniquer se réfugier sur les hauts points de terre. Ce drame affreux filmé en direct par les drones de la chaîne de diffusion internationale lui donnait de nouvelles nausées.

C'était immoral de partager ainsi la mort de centaines de personnes comme s'il ne s'agissait que d'un spectacle de divertissement truqué. Même la Barbie au visage de botox faisant office d'animatrice usait d'un ton enthousiasmé pour décrire la situation catastrophique. Le coeur broyé par la tristesse et la colère, Amara devint honteuse de s'apitoyer ainsi sur son état, alors que des gens mourraient de manière atroce sans aucun respect. L'impuissance l'enveloppa telle une vieille amie réconfortante. Pourquoi posséder des dons, si elle ne pouvait même pas les utiliser au bon moment!

Fermant les yeux, Amara s'enfouit dans les souvenirs du chalet familial situé en forêt. Le rire stupide de son frère cadet résonnant d'entre les arbres, les odeurs de terres et d'épinettes, la sensation de liberté absolue. Une lourde masse vint se loger au centre de sa poitrine, rendant sa respiration sifflante. Les picotements chauds si espérés traversèrent son corps d'un spasme électrique.

Amara voulut hurler, mais seuls des halètements irréguliers se firent entendre dans la chambre. Ça ne se passait pas comme d'habitude, c'était trop violent. L'énergie augmentait sans atteindre de limite, pulsant à travers son organisme d'une ferveur effrayante. Ses muscles ne répondirent à aucune de ses commandes, accentuant la panique à un niveau suprême. Son cerveau se consumait faisant éclore une douleur insupportable. L'envi de frapper sa tête contre le mur jusqu'à ne plus rien ressentir se présentait comme une option adéquate.

Triste mort, songea-t-elle...

 La sensation de chuter dans un vide sidéral lui arracha toutes pensées cohérentes. Rendre son dernier souffle semblait devenir une excellente idée, tellement la souffrance aiguë à l'intérieur de son crâne l'accablait. Elle devait délirer à cause de la fièvre, se convint-elle pour contrer les ravages de la panique. Puis, tout s'arrêta. Même son âme se figeait mettant son organisme sur pause.

Une éternité passa. Son coeur s'éveilla, s'anima et bondit dans sa cage thoracique. Percutée par une énergie purifiante, elle se rependit à travers son corps toujours paralysé. Des sons chaotiques parvinrent à ses tympans, sans être en mesure d'associer leurs natures. Des voix décousues et des bruits stridents s'entremêlèrent.

Peut-être le Tsunami avait-il débordé de la télévision pour venir littéralement ravager sa chambre? Elle ignorait si elle rêvait ce qui venait de se produire. Sa tête d'une lourdeur comparable à un bloc de béton l'empêchait de résonner ou même d'ouvrir les yeux. Aussi rocambolesque soit-il, elle s'imageait être emportée dans la célèbre tornade du vieux film en noir et blanc du magicien d'Oz. Son énorme chat Grizzly jouait le rôle de Toto le chien tandis qu'elle était Dorothée... 

***


HEY TOI, LE WAPITIS LECTEUR!

Bienvenue dans cet univers aussi apocalyptique que fantastique. Je t'offre un bonbon pour te remercier, car tu as choisi mon histoire parmi plusieurs autres! Je te suis reconnaissante et j'espère que tu apprécieras ce monde que j'ai créé avec coeur et passion!

Bonne lecture❤

NOUVELLE VERSION / Janvier 2020

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