#12 Le gardien de ses rêves
x Chapitre 12 x
(N.D.A : Dernier chapitre et en musique de l'Arc 3 ! RDV mercredi prochain pour l'interlude. 👻)
「Aujourd'hui.」
Il y a cette voix qui me susurre à l'oreille. Envahissante, désagréable... Elle parasite mon esprit dans lequel elle plante ses griffes. Cette part de moi qui affectionne le désordre et promut l'expression par la violence. Elle m'encourage à lâcher prise, à m'en remettre à elle et à son jugement impartial. Car pour elle, la réponse à toute finalité ne peut être que le sang.
Tuer pour survivre.
Tuer pour se venger.
Tuer pour exister.
Tuer pour aimer.
Tuer pour protéger...
J'ai répété l'erreur de l'écouter pour contempler ensuite le monstre dans le miroir. Quand est-elle apparue ? Si son intention est de m'aider, pourquoi alimenter le dégoût ? Un même corps, son vaisseau qu'elle utilise pour accomplir ses propres desseins, deux faces d'une pièce indissociables.
Elle m'a fait détester qui je suis et qui je ne serai jamais.
https://youtu.be/c3_lgHuQf3M
Je serre le bandage autour de mon mollet avant de me redresser. La vision de la balle ensanglantée dans le plateau m'arrache une grimace. Le temps que je m'en occupe, mes tissus se sont régénérés. Me charcuter pour la retirer n'a pas été une franche partie de plaisir. Une chance que le médicament fasse encore effet.
Mose sanglote en silence sur la banquette arrière de la voiture. Si je veux le prendre dans mes bras et le rassurer, que pourrais-je lui dire ? Peu importe le baume que j'essayerai d'appliquer, ce n'est qu'un enfant. Il n'aurait jamais dû être impliqué.
Appuyé sur le rebord de la porte conducteur, Gerhardt inspire profondément. Sa main presse le bas de son thorax, à l'endroit où j'ai planté mon couteau avant de lui suggérer de se soigner.
— Vous ne pouvez plus rester au camp... Ce n'est plus sûr maintenant que l'empereur connaît son visage. Vous devez vous enfuir.
Je lui jette un regard oblique sans rien dire. Nous savons tous deux l'identité du premier responsable.
— Laissez-moi vous aider.
— Je rêve, ou tu as une conscience ? Mon fils... ne pourra jamais revoir son père grâce à toi. Je me demande bien ce qui m'empêche de te coller une balle dans la tête.
— Parce que vous accordez de la valeur à la vie... Même à celle d'un traître.
J'en rirai volontiers après avoir vidé une bouteille pour avaler le fait qu'un ami m'ait ainsi poignardé dans le dos. La confiance est vraiment véreuse. Et à quoi bon interroger le « pourquoi » ? Feindre la surprise demande déjà suffisamment d'effort. Tirer la leçon et tourner la page. Rien de nouveau, Wal.
— Merci pour tes années de services. Ce fut un temps trop court. Tu trouveras dans mon bureau une lettre de recommandation. Je l'ai préparée en prévision de ce genre de situation.
— Vous partez vraiment ?
— Si tu veux te racheter, excuse-toi auprès d'Edda. C'est un bon début. Ensuite, charge-toi de placer tous ces domestiques à mon service. Assure-toi au passage que Margarete trouve une maîtresse plus raisonnable. Et surtout... n'oublie pas de consulter un médecin. Un qui, de préférence, dispose d'un cabinet encore salubre.
— Votre Altesse...
Pour ne pas flancher, je lève les yeux au ciel. Ma supposition s'avère correcte, les démons du Paradis comptent s'enfuir à bord d'un dirigeable. Il est bientôt l'heure.
— CAPITAINE !
Gerhardt plaide coupable.
— Je les ai prévenus.
Carl exécute les derniers sprints en titubant quelque peu.
— Au rapport... mon capitaine ! Madame Jäger a bien rejoint l'abri anti-bombardement !
— Bon travail. Tu te souviens de l'insulaire que tu as abattu ?
— Oui... ?
— Tu peux m'y conduire ?
— Je... Je peux... P-Peut-être...
— Maintenant, soldat Schnabel !
— Oui, mon capitaine !
Je me tourne vers Mose qui renifle.
— Je pleure pas.
D'un sourire amusé, je me penche et place un morceau de tissu devant le nez. Il se mouche avant de m'interroger du regard.
— Tu vois le gros ballon là-haut ? On va voler jusqu'à lui. Il nous emmènera loin d'ici.
— Mamie et papi viennent aussi ?
— Plus tard, mon cœur...
J'installe ses bouchons d'oreilles, bien que je doute de leur utilité si le pire se produit. Alors que je m'apprête à le soulever, Carl pose sa main sur mon épaule. Pour persuader Mose de le laisser le porter, il tire de son chapeau sa peluche. J'accorde un dernier regard à Gerhardt qui baisse respectueusement la tête avant d'ordonner à mon fils de garder les yeux fermés. Il n'est pas nécessaire qu'il se souvienne des corps décharnés que nous rencontrerons en chemin.
À couverte, je griffonne des mots. Je n'ai pas le luxe du temps pour soigner la formulation ni la présentation, aussi je vais droit au but. L'essentiel résumé, j'arrache la page du carnet de Carl. J'ignore l'avancée des opérations, tous les points de communication par lesquels nous sommes passés ont été détruits. Pour la plupart, il n'en reste qu'une odeur de poudre et de chair brûlée. Je m'en tiens donc au plan.
— Transmets ceci au capitaine Magath.
Carl acquiesce sans poser de questions. Ma missive en poche, il s'alarme quand je m'affale sur le corps de l'insulaire. Un harnachement de ferraille... Leur équipement a définitivement évolué. J'espère juste parvenir à le faire fonctionner.
— Excusez mon ignorance... Mais à quoi cet attirail étrange va-t-il vous servir ?
Pendant que je l'ôte au mort pour m'en vêtir, je pointe du doigt le ciel.
— Vous voulez infiltrer le dirigeable de l'ennemi ? Vous n'y pensez pas vraiment, c'est de la folie ! Reconsidérez, je vous en prie !
— Pour rivaliser face à une situation désespérée, armez-vous de votre habileté et d'une audace mesurée.
Je récupère mon fils et l'attache solidement avec plusieurs ceintures ramassées jusqu'à ce que nos silhouettes se confondent.
— Les belles paroles ne vous sauveront pas, Votre Grâce !
— Ma décision est prise, n'insiste pas. Ferme les yeux, Mose.
Le port est détruit et les frontières condamnées. Au regard des options réalisables, celle-ci comporte le moins de risques. De risques mortels.
— Votre Grâce !
— Je t'ai déjà dit de ne pas m'appe-
— Restez en vie.
Rendue muette par cela, je me retourne pour le dévisager. Je ne le connais que depuis quelques semaines, mais...
— Qu'importe l'ordre que l'on vous donne, obéissez. De cette façon, vous respirerez sûrement plus longtemps que les autres. Mais... Mais si un jour, vous ne le supportez plus, alors sachez vous retirer au bon moment et trouvez le lieu où vous voulez être.
Puis je reporte mon attention sur les yeux de miels qui se rebellent. J'effleure du bout des doigts le pansement à son cou. J'aurais dû mieux le protéger... J'aurai dû...
— J'ai plus mal, m'man.
Je ravale ma culpabilité. Du coin de l'œil, je constate la tête surprise de l'Eldien.
— Prêt pour ton baptême de l'air ?
Incertain, Mose se cramponne à mes vêtements avant de me rendre mon sourire.
— Prêt !
La mine décomposée du soldat Schnabel m'allège l'esprit. Je lui lance un regard rieur et entendu.
— Je ne veux pas de votre vie. Votre silence suffira, Carl.
Manettes en main, je ne m'attarde pas plus et nous propulse. Je serre les dents. Les sangles sollicitent tous mes muscles. Mon corps aux abois, j'ai l'impression que le moindre mouvement pourrait le briser. Me suis-je donc autant ramollie ? Cela en est presque... vexant.
Frustrée et pareil à un oisillon qui apprend à voler, je refuse de rester à terre et m'élève. Je dois prendre de l'élan, et vite, car si je nous remorque à l'aéronef maintenant, le poids de Mose risque de comprimer de façon prolongée ma cage thoracique. Il ne faut surtout pas que je perde connaissance. Alleeeeeez !!!
Enfin, nous décollons. Le souffle coupé, je jongle entre le vent tempétueux et la force du tractage qui me plie en deux. Quand soudain...
Nos corps sont projetés par la porte dans la cabine d'amarrage. J'ai juste le temps de pivoter pour que mon dos heurte l'acier. Écroulée sur le pont, je sens à travers la vase Mose s'agiter.
— M'man ! M'maaan !
J'ouvre les yeux au moment où nous sommes encerclés par les cris.
— L'équipe de Laïma ?!
— Non, une ennemie !
Ils pointent leurs fusils sur moi.
— ATTENDEZ !
Quelqu'un s'interpose.
— Agent... Gärtner ?
Où ai-je déjà entendu cette voix ? Les points noirs dansent devant moi, tandis que je tente de me redresser contre le plan froid.
— Le cheval... ?
Oui, c'est bien lui. Il s'est laissé pousser une belle crinière.
— Jean Kirstein ? Tu étais dans la même brigade d'entraînement d'Eren.
— Comment tu- !
— Calme toi, Flock !
Jean repose son attention sur moi.
— À qui appartient cet équipement, agent Gärtner ?
— Je ne l'ai pas tué, si c'est ce que tu veux savoir...
Il fait signe à tous de baisser leurs armes. Cependant, pour cet homme au sang chaud, il doit le faire lui-même.
— Qui est cet enfant ?
Il recule d'un pas quand il découvre son visage. Il faut avouer que, les yeux mis à part, sa ressemblance physique avec le père est frappante.
— Emmenez-le sur l'île.
Oui, je ne leur donne pas le choix, c'est bien un ordre.
— Q-Quoi ? Qui... ?
— Mon fils.
Estomaqué, l'hypothèse de l'explorateur se confirme. Je ne doute pas que les rumeurs courraient à l'époque sur ma relation ambiguë avec mon supérieur. Du moins, parmi ceux qui appartenaient au Bataillon, soit une minorité. L'expédition de Shiganshina a en effet purgé les rangs...
Debout, j'élude le passé pour me concentrer sur le présent.
— Des renforts de la base de Lukia vous attendent, débité-je. Vous foncez droit dans une embuscade, vous devez dévier votre trajectoire de 15° vers le nord. La trouée est moins armée.
— Le port a été rasé ! exhume le dénommé Flock. Tes entourloupes ne marcheront pas sur nous !
J'ignore sciemment son venin pour m'adresser au présumé chef du groupe.
— Je m'occupe des tourelles restantes. Ne changez pas de cap, et vous courrez à votre mort.
Jean me sonde du regard.
— Il n'y aura aucun retardataire. Tu n'auras que quelques minutes, même si nous adoptons ton plan.
— Son sort importe plus que le mien.
Ses yeux se posent sur mon fils qui s'accroche à moi en lançant des éclairs aux étrangers.
— J'en informe la major.
— Jean ! proteste Flock.
— Je la crois, intime-t-il le silence. Elle a sauvé la vie du commandant et du caporal, ainsi qu'empêché la dissolution du Bataillon. Je la crois.
Je le remercie d'un hochement de tête et m'abaisse à la hauteur de Mose. Je le serre fort.
— M'man ? Tu m'étouffes.
Je respire ses cheveux, goûte au paradis pour qu'il m'accompagne. C'est suffisant. Cela me suffit. Ma main caresse sa joue, arrange ses mèches d'ébène, puis dépose un baiser sur son front. Je veux qu'il garde mon sourire en mémoire, et non la peur qui me ronge. Je veux lui offrir un avenir.
Je tourne les talons sans un regard en arrière.
— M'man ?
Et je saute.
— M'MAAAAAN !!!
J'ignore de quoi demain sera fait ni si l'aube se lèvera. Mais même s'ils ont changé, je refuse de m'avouer vaincu, d'accepter qu'il n'existe plus en ce bas monde un lieu sûr, une oasis où mon fils pourra s'épanouir. Car tu l'avais trouvé, ton Nagaka. Et si pour lui garantir cette chance, il faut que je me perde, j'y consens volontiers.
https://youtu.be/uvhYHRH3Vz8
J'atterris. La tête enfouie sous ma capuche rabattue, mon esprit se vide. Marionnette de mes pulsions, je ne ressens plus rien. Primitives, elles déchiquettent mon premier ennemi. « Ennemi » ? Mes yeux brûlent. Une douleur d'origine inconnue me décompose de l'intérieur. Détachée de toute pensée, elle se loge dans ma poitrine pour irradier dans mes membres. Elle rend mes mouvements sauvages. Chaque dernier souffle est un cri qui me déchire. Il me semble reconnaître ma voix.
Un à un, les corps chutent dans l'abîme où nous tomberons tous un jour. Il pleut des morts. Le liquide chaud éclabousse mon visage. Il laisse un goût salé sur mes lèvres tremblantes. La même supplication s'y accroche désespérément.
Un geste retenu et l'ennemi me perfore l'abdomen de sa baïonnette. À deux mains, je m'empale dessus pour l'atteindre avec mes crocs. Le rat couine en tentant de s'échapper, mais trop tard. Je le relâche et la lame retirée, je me contente de le pousser. Sa carotide touchée, il titube puis s'effondre dans mon dos.
Une voix lointaine me prodigue ses conseils. Celle-ci est tout aussi désagréable que l'autre, mais me permet de sauver une miette de lucidité.
« Compte tes balles. Garde dans ton viseur tous tes opposants. Et surtout... Sers-toi de ton environnement. »
Je renverse un tonneau de poudre et y mets feu. J'abats ma crosse sur l'unique rescapé de la déflagration qui se rue vers moi. Un crâne se fend.
Cette même voix qui m'a adressé son dernier soupire, tandis que j'ai enfoncé ma lame dans son estomac, à défaut d'avoir manqué une mort plus douce.
« On a tous un point commun, besoin d'une chose qui nous permet de tenir... Et toi... ? Qu'est-ce qui t'obsède ? »
Un visage poupin aux perles de miel m'apparaît. Pour ton rejeton ? Ton « bâtard » ? Ma pauvre fille, tu ne le mérites pas.
Un hurlement animal déchire ma gorge quand une balle perdue incendie mon abdomen déjà meurtri. Du sang s'écoule aussi de ma blessure à la jambe. J'ai été trop optimiste. Mon membre engourdi, j'ai l'avantage de ne plus ressentir la douleur. Je me relève et lance mon couteau qui crève l'œil de mon bourreau. Je la retire pour chasser une ombre. Elle s'évanouit pour laisser place à une autre. Partez. Sil vous plaît... Ne m'obligez pas à tuer... !
Je suis si fatiguée...
Ma capuche tirée brutalement en arrière, tout masque tombe. Ils m'appellent « traîtresse ». Cinq ans d'efforts et sacrifices volent en éclats. Eren... qu'as-tu fait ? Aaah~ Tu pressentais bien que cette journée allait être pénible. Euphémisme.
Sombrant un peu plus dans la folie, je dégoupille une grenade avec les dents et la jette au milieu de la pièce avant de refermer la porte. Une explosion étouffée suivie du silence, la chanson se termine ainsi. C'était le dernier.
Sur le toit, je m'écroule. Mon corps refuse de bouger, tandis que les points dansent. Je ne veux rien concéder. Au fond, j'ai cependant supposé cette éventualité sans m'y attarder. Seigneur... Est-ce là ma récompense pour toutes ces années de loyaux services ? Tout ce que j'ai réalisé... Tout cela va partir en poussière... ? Mon rêve, mes espoirs vont-ils m'être à nouveau arrachés ? Je ne veux pas... PAS QUESTION !
Je geins sur le sol glacé, incapable d'esquisser le moindre mouvement. Je vais mourir ici... ? Faut dire que tu l'as cherchée. Quelle idée de mener un assaut seule ! Je m'en suis bien sortie la dernière fois... Et la fois précédente aussi... Il est temps de te reposer. Tu en as assez fait, Mose est en sécurité. Mose...
— Je... ne peux pas le laisser...
Des cheveux d'ébène, un plumage qui me rappelle tant celui de mon corbeau, sans que je m'y autorise à y penser. Ne pas regarder en arrière, avancer, se battre.
« Vis. »
Mes poumons comprimés expulsent un rire convulsif. Je peux les voir, ses orbes gris me regarder. Je peux la sentir, la brûlure de sa peau caressant la mienne. Lovée dans ses bras et oublier le monde, comme si rien d'autre n'avait d'importance. Après cinq ans passés loin de lui, j'ai toujours le corps en feu et ce même trou béant dans la poitrine. Cet homme est bien là, gravé dans ma chaire. Il ne me quitte jamais, malgré le nombre de mensonges que je me raconte.
— Tu... me manques... Livaï !
La respiration hachée, ma voix se noie sous le flot des larmes. Ce sont celles que j'ai ravalées pendant ce temps immoral, depuis la naissance de mon fils, notre fils. Il a encore besoin de moi, je dois être forte pour lui. JE NE PEUX PAS mourir maintenant et pourtant... Les ombres rejoignent la ronde et bientôt, engloutissent mes sens.
「Cinq ans plus tôt.」
L'eau s'égoutte à mes pieds. J'ai largement dépassé les cinq minutes réglementaires que je m'impose.
— Tu t'es calmé ?
J'enroule une serviette autour de ma taille et retire la seconde de mes cheveux. Les pensées occupées, je ne l'ai pas entendu débouler.
— Ce sont les douches pour homme, la bigleuse.
— Et qui te dit que je n'ai pas quelque chose dans mon pantalon ?
— Ton dossier.
— Hum... Ça se tient.
Elle s'incruste sur le banc où je me sèche.
— Que vas-tu faire ?
— Que veux-tu que je fasse ?
— Oh, allez ! Tu dois bien avoir une petite idée ! Une minuscule ?
Je stoppe mon geste, les coudes en appuis sur mes genoux, mes mains pendues dans le vide. Pourtant, je n'ai jamais vu aussi clair.
— Quand je me souviens d'elle... du temps passé ensemble, je veux croire que c'était réel. Je veux croire en la sincérité de ce que nous avons partagé. Cette histoire de lige... Même si elle est vraie, je l'ai choisi elle et non une autre. Pour ce que cela signifie... Je veux y croire.
— Quel romantique ! Tu nous avais caché ça, Livaï~ !
— Va chier.
「Aujourd'hui.」
« Clamse pas ! Tu m'entends ?! Me lâche pas, emmerdeuse ! »
https://youtu.be/rDksK8pxZMo
À suivre...
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