Chapitre Vingt-Six

26.

Point de vue de Scarlett

Je suis plutôt contente. Aujourd'hui, nous avons terminé le montage de la scène plus tôt que prévu, du coup, nous avons tous pu partir plus tôt. Je viens tout juste d'arriver à la maison et j'y vois Isabella, dans le salon, le nez plongé dans ses livres, plusieurs cahiers d'exercices autour d'elle.

-Hey? Il me semble que tu n'es pas encore en période d'examens pourtant? Lui demandais-je.

-Non, non. Juste une montagne de devoirs et de lectures à faire. J'ai eu un peu trop de séances photo et ça m'a pris un temps de fou! Faut que je rattrape tout ça, maintenant. 

-Et bien... C'est toi qui a voulu aller à l'université, non? Assume!

-Hého, je te permets pas! 

-Hum, hum.

Mon téléphone vibre. C'est Miles. Je souris. Il me demande comment s'est passée ma journée. 

-Héhoooo? La Terre appelle ma meilleure amie?

-Hein? T'as dit quelque chose?

-S... C'était un message de Miles? Demande-t-elle en faisant une sorte de danse avec ses sourcils.

-Oui, c'était lui. Et tu veux bien me dire ce que tu as essayé de faire?

-Comme si tu n'avais pas compris mon intention! Allez quoi, ça crève les yeux que tu craques pour lui!

Je me sens rougir brusquement.

-Je... Oui, et alors? Demandais-je après un moment d'hésitation.

-Et alors? Y'a que moi qui trouve ça génial ou quoi? Tu réalises que c'est le premier garçon avec qui...

-Peu importe. Ça ne mènera nulle part tout ça. Tu le sais. Je ne suis pas prête à entreprendre ce genre de relation avec quelqu'un.

-S... Tu te caches encore derrière ta barrière! Je sais qu'on ne peut pas changer ce qui s'est passé avec Killian... Mais merde! Je ne t'ai pas vue sourire autant depuis ce temps! Je ne te dis pas de foncer tête première... Mais laisse-toi porter par le courant et vois où ça te mène! En plus, faut avouer qu'il est très loin d'être moche...

-Ce qui n'est pas mon cas!

-Et alors? C'est pas ce qui vous a empêché de danser un slow tous les deux, à la soirée...

J'écarquille les yeux en laissant échapper ma surprise. Je ne pensais pas qu'elle nous avait vus!

-Perso, je dois aller pisser! Toute cette bière ne fait pas du bien à ma vessie! Je reviens!

Isabella nous laisse. Ce qui me laisse seule avec Miles, avec qui nous sommes restées depuis le tout début de la soirée. Au début, sa colocataire était aussi avec nous, mais elle a vu d'autres gens alors elle nous a laissés en plan pour les rejoindre.

-Pffff. Elle sait rien endurer! Dis-je à la rigolade.

-Je te dirais plus que c'est une situation partagée, tu sais?

-Alors toi aussi, tu es incontinent?

Il éclate de rire, sûrement en raison de la surprise. Ça me fait rire aussi. Tout ça est absurde.

-Non, non. Ce n'est pas ça. En fait, C'est que les femmes ont une vessie nettement plus petite que les hommes pour une raison assez simple: les organes reproducteurs. Ceux des hommes sont, comme tu le sais, en dehors de notre corps tandis que les vôtres à l'intérieur. Ma vessie se trouve avant mon rectum et le tien, juste devant ton vagin et l'utérus, ce qui lui laisse un espace moins grand que chez les hommes. Du coup, pour faire de la place, la taille de la vessie pour vous est plus petite pour qu'elle ne soit pas totalement écrasée lorsque vous portez un bébé.

Je le regarde.

-Tu étudies en médecine pour savoir ça?

Il rigole.

-J'ai fait une demi-année avant de me réorienter. Mais il s'agit d'un truc que j'ai retenu. Je dois dire que ma mémoire sélective peut conserver des détails assez louches, parfois.

-Je confirme. Tu dois être la première personne avec qui j'entretiens une conversation qui a comme sujet la vessie.

-C'est ce genre de chose qui me rend spécial! C'est pour ça qu'on m'adore!

-Et tu peux affirmer ça avec certitude parce que..?

-J'ai de bonnes intuitions.

Je hoche la tête. Je vais le croire. À moitié.

-Mais sinon, c'est nul le fait que j'ai une plus petite vessie. C'est pas comme si j'allais avoir des enfants, de toute façon...

-Tu n'en veux pas?

-Y'a ça. Mais... Je sais pas si je devrais t'en parler, même Isa n'est pas au courant... Tu peux le garder pour toi? Lui demandais-je.

-Bien sûr.

-OK... Déjà, je ne veux pas d'enfants. J'en ai aussi jamais voulu. Je ne pense pas que ce soit fait pour moi, la maternité.

-Il n'y a rien de mal là-dedans. C'est mieux de te dire tout de suite ça plutôt que d'engendrer un être que tu délaisseras.

-Exactement! Mais... Y'a aussi le fait que je ne peux pas avoir d'enfants. C'est là que ça devient difficile, ça n'a pas toujours été comme ça et je n'ai pas eu ma ménopause.

-Désolé si ma question semble indiscrète... Est-ce que c'est en lien avec ton accident?

Je hoche la tête et son visage s'adoucit.

-Tu n'as pas à m'en parler si tu ne veux pas. Je ne t'oblige à rien. Et je ne chercherai pas à savoir non plus si tu ne veux pas.

Je lui souris. Il m'inspire confiance.

-Non, je veux en parler.

-Tu es sûre? C'est pas l'alcool qui parle pour toi?

-Peut-être un peu. Mais je pense qu'il est temps qu'au moins une personne le sache.

Il redevient sérieux et je sais qu'il est prêt à m'écouter. Il réajuste ses lunettes.

-J'ai eu cet accident quand j'avais 15 ans. Ce que je savais pas, à ce moment-là, c'est que j'étais enceinte. Celui qui m'a fait ça... Avant de me défigurer, il m'a aussi poignardé dans le ventre. Quand on m'a sortie de là... J'ai fait une fausse couche. Sauf qu'à cause de mon état critique... Ça a très mal tourné. Pour le coup, mon utérus est bon, mais il ne pourra plus jamais accueillir d'enfant. C'est un brin ironique sachant que mes ovaires, eux, fonctionnent encore très bien.

Il me regarde sans rien dire. Je baisse les yeux.

-Ça y est, j'ai cassé l'ambiance.

-Non, non. Pas du tout! C'est juste que je ne sais pas ce qu'on peut répondre à ça. Vraiment... Je suis désolé.

-Tu n'as pas à l'être, c'est pas de ta faute.

Un nouveau silence. Il attrape ma main et je suis surprise.

-Merci de me l'avoir dit. Je me sens vraiment touché. Je te promets que je ne le dirai à personne.

Je souris en voyant qu'il le fait. Je me sens nettement mieux. Il me réconforte.

-Et... Si ça peut te rassurer. Moi non plus je ne veux pas d'enfants.

-Toi?

-Moi! Ne t'y méprends pas. J'adore les enfants. Mais peut-être pas au point d'en faire et de m'en soucier jusqu'à ma mort. Je me suis toujours vu comme l'oncle cool super riche qui apporte une tonne de cadeaux lors des réunions de famille.

Je rigole.

-C'est une super image. Lui dis-je en toute sincérité.

-Merci.

Soudainement, un air de musique qui m'est bien connu joue et tout ceux qui sont présents crient. Je souris.

-J'adore cette chanson. Dis-je en même temps que lui.

Je me tourne vers lui, surprise.

-Vraiment? Lui demandais-je.

-Oui! Tu... Tu veux danser?

-Pourquoi pas! Sauf que je te préviens, je suis phénoménale en danse!

-Je vais attendre de le voir pour le croire!

Il se lève du canapé et me tend la main pour m'aider à faire de même. Il ne me lâche pas et me tire vers la piste. Ce n'est que lorsqu'on y est qu'il lâche ma main et que nous commençons à danser. Je ris à plusieurs reprises en le voyant faire des faux pas. Puis, nos gestes se combinent et il m'accompagne. Ce n'est rien de sensuel, vraiment. C'est surtout classique. Il me fait faire des tours sur moi-même quelques fois. Jusqu'à la fin de la chanson, je m'amuse pleinement. Puis, un nouvel air embarque. Plus lent. En voyant les autres se mettre en couple de deux, on se regarde. Puis, il se met à terre sur un genou en attrapant ma main.

-M'accorderez-vous cette danse?

-Volontiers.

Il se relève puis on se place comme les autres. Il place ses mains sur mes hanches et j'accroche les miennes à son cou. Il me regarde dans les yeux en replaçant rapidement ses lunettes.

-Je confirme, au fait. C'est vrai que tu danses bien.

-T'es pas mal non plus... Enfin, la plupart du temps.

Il fait un sourire en coin en tournant légèrement la tête. Il est beau. 

-Tu es honnête. J'aime bien. 

Je souris moi aussi, sauf que je suis gênée. Une mèche se décroche de derrière mon oreille et tombe juste devant mon visage. Il retire une de ses mains et la remet en place. Je tremble face à ce contact soudain, très tendre. Nous nous lâchons pas des yeux en tournoyant. Je me perds totalement. Je me demande comment je ne l'ai pas vu plus tôt.

-Tu... Tu nous avais vus et tu ne m'as rien dit? Demandais-je à Isabella après le court souvenir de ce moment.

-Bah quoi? J'attendais le bon moment... Et, je crois que je l'ai trouvé! Mais sérieusement, je vous ai regardés de loin et... Wow. Vous étiez dans votre propre bulle. C'était beau à voir. 

-Quelle importance? C'est pas comme s'il voulai quelqu'un comme moi, de toute façon... 

-Hey, ne dis pas ça! Miles serait fou s'il ne voudrait pas. En plus, au ciné l'autre jour, j'ai demandé à Kara s'il avait quelqu'un dans sa vie et figure-toi que non! Tu as le champ complètement libre! En plus, ça nous permettrait de faire des sorties à quatre!

Je laisse échapper un rire amer. En plus, elle parle de son copain.

-Tu es bien gentille Isa, mais tout le monde sait que le physique compte. Toujours. Avec des proportions différentes, mais quand même.

-S...

-Il n'y a rien à rajouter, Isa. J'ai pas envie d'en parler. Je... Je vais aller prendre une douche. Retourne à tes devoirs.

Je l'entends m'appeler, mais je l'ignore et me rend dans la salle de bain. J'attends que l'eau coule avant de laisser échapper des sanglots. J'ai l'impression d'être une pauvre adolescente qui pleure pour un garçon populaire qu'elle n'aurait jamais pu avoir. Quand je me dis que c'est ce qui m'attend pour le reste de ma vie... Ça me désole. C'est bien pour ça que j'ai voulu m'isoler, au départ. De toute façon, c'est la solitude qui va m'attendre. Encore et toujours. J'aurais voulu ne jamais voir Killian, ce jour de ma première rentrée au lycée. Parce que si ça avait été le cas, j'aurais pu envisager cette possibilité. Mais plus maintenant. 

Je sors de la douche et m'essuie le visage avant de sécher le reste de mon corps. J'enfile mon pyjama et attache une serviette autour de ma tête pour éviter que mes cheveux ne mouillent mon dos. Je sors de la salle de bain en transportant mes vêtements et j'entends parler dans le salon. Je fronce les sourcils. J'apporte mes vêtements dans ma chambre avant d'aller voir qui parle. Je pousse un cri de surprise en voyant Miles en compagnie d'Isabella. Ils se retournent tous les deux. À ce qus je peux voir parce qu'il porte son manteau, il vient juste d'arriver. Bien entendu, il fallait aussi que je sois dans les meilleures des dispositions. 

C'est officiel. Je vais la tuer. 

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